(Québec) La révision de la gestion des zones inondables par le ministère de l’Environnement risque d’avoir un impact « énorme » sur les citoyens qui y résident, estime le Parti libéral du Québec (PLQ). Il demande à ce que l’Assemblée nationale se penche sur la question en invitant assureurs et banquiers à donner leur avis.

« Ça ne peut pas se faire dans un bureau fermé au ministère de l’Environnement. C’est trop important et ça touche trop de monde », affirme la députée libérale Virginie Dufour. Elle demande, avec sa collègue Michelle Setlakwe, un mandat d’initiative sur la question des résidences en zone inondable.

« On s’est mis à s’en parler entre nous à la suite des [articles de La Presse]. On se rend compte que c’est beaucoup plus large que l’environnement ou les affaires municipales. Quand on regarde l’enjeu de l’assurabilité des citoyens, ça devient très large », explique-t-elle. Elle cite en exemple la décision de Desjardins, qui s’est retiré du marché des prêts hypothécaires en zone 0-20 ans.

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Elle croit qu’une commission parlementaire, qui pourra entendre des représentants des assureurs, des banques, des élus municipaux, notamment, est nécessaire, et craint que les fonctionnaires du ministère de l’Environnement, en vase clos, fassent le choix de la « contrainte », plutôt que de la « résilience » des villes et villages.

« Il faut être prudent avant de mettre des règles sur différentes zones. Pourquoi on a décidé que les gens ne pouvaient plus rien faire avec leur maison dans la zone 0-20 ans, alors qu’ils pourraient très bien construire sur pilotis ? Dans les règles actuelles, si quelqu’un veut mettre une clôture, elle doit pouvoir laisser passer les poissons », raille-t-elle.

En mettant une « cloche de verre » sur des communautés riveraines, le gouvernement du Québec provoquera leur dévitalisation, croit le PLQ. « C’est ce qui s’est passé après les inondations de 2017 et 2019. On n’a pas pensé à l’après. En détruisant des maisons par-ci par-là, on a laissé des municipalités avec un “fromage gruyère”, sans trame urbaine. Des rues avec quelques maisons, et des terrains vagues que la Ville doit entretenir », déplore Mme Dufour.

« Le but n’est pas de permettre de nouveaux développements, mais avant que le règlement soit mis en place, ça m’apparaît essentiel qu’on ait cette discussion en commission parlementaire », ajoute la députée.

Des milliers de propriétés

Le PLQ s’inquiète de voir que « la révision des cartes concernant les zones à risque d’inondation […] pourrait avoir comme conséquence directe une augmentation de la taille des zones inondables, ayant donc des répercussions sur des milliers de propriétés ».

« Pour les citoyens dont la propriété est sise en zone inondable, les conséquences sont importantes et manifestes, allant de l’impossibilité d’apporter certaines modifications à leur propriété aux difficultés en matière d’assurances et de renouvellement d’hypothèque, le tout combiné à une chute de la valeur de leur propriété et à une quasi-impossibilité de vente », rappelle le parti.

Les élues estiment que « les citoyens ne peuvent être laissés seuls devant le défi de l’adaptation aux changements climatiques ».

« L’impact sur les citoyens est énorme. On va élargir les zones à risque, il va y avoir plus de Québécois qui vont se retrouver dans une situation de précarité, d’instabilité, d’incertitude. Pour la très grande majorité du monde, leur maison est le cœur de leur patrimoine. On doit se poser les bonnes questions et ne pas se tromper », explique Michelle Setlakwe. « On est en droit de demander de la transparence, pour le bien de la population, pour bien protéger et accompagner », ajoute-t-elle

Le PLQ demande donc à la Commission de l’aménagement du territoire de se saisir d’un mandat d’initiative sur la question des résidences en zone inondable. Le parti veut que les parlementaires puissent être informés du processus actuel de révision des cartes concernant les zones à risque d’inondation ainsi que des initiatives du gouvernement pour porter assistance aux citoyens qui possèdent leur résidence dans de telles zones.

Le parti souhaiterait entendre :

  • la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest ;
  • le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette ;
  • le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel ;
  • le ministre responsable de la Protection du consommateur, Simon Jolin-Barrette ;
  • l’Union des municipalités du Québec ;
  • la Fédération québécoise des municipalités ;
  • le Bureau d’assurance du Canada ;
  • l’Association des banquiers canadiens.

Transition nécessaire

De son côté, le cabinet du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a finalement répondu au témoignage de Suzanne Leblanc, une femme en perte d’autonomie qui est contrainte d’utiliser une toilette sèche et se lave à la débarbouillette, car elle ne peut adapter sa maison en raison des règles de zone inondable.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Pointe sud-ouest de la municipalité de La Visitation-de-l’Île-Dupas

Malgré le soutien de sa municipalité, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) ne permet aucune exception.

« Les résidences situées en zone de grand courant, comme c’est le cas pour la plupart des habitations sur l’île Dupas, sont susceptibles d’être touchées par d’importantes inondations », a affirmé l’attachée de presse du ministre, Amélie Moffet, dans une réponse écrite. Cette affirmation est contestée par la municipalité, qui estime que le ministère s’appuie sur des cartes « caduques ».

« Nous travaillons de concert avec le ministère des Affaires municipales afin de moderniser la gestion des zones inondables pour assurer la sécurité des Québécois et la protection de leurs biens, tout en assurant une transition qui se veut nécessaire », a-t-elle ajouté, sans préciser si Mme Leblanc pourra éventuellement ajouter une salle de bains à sa résidence.