(Ottawa) Les libéraux sont parvenus à convaincre les néo-démocrates de retirer de leur motion sur la reconnaissance officielle de l’État palestinien… la reconnaissance officielle de l’État palestinien. La Chambre des communes a néanmoins adopté à forte majorité une motion sur la paix au Proche-Orient.

À l’issue de plusieurs heures de débats, le leader du gouvernement libéral en Chambre, Steven MacKinnon, a sorti un lapin de son chapeau en proposant 14 amendements qui venaient modifier de façon substantielle la motion d’origine.

La néo-démocrate Heather McPherson, porteuse de la proposition, a rapidement acquiescé.

La manœuvre a été décriée par les conservateurs. Ceux-ci ont fait valoir que la motion du Nouveau Parti démocratique avait été vidée de sa substance – l’élément le plus litigieux, c’est-à-dire la reconnaissance de l’État palestinien, est passé à la trappe.

Ultimement, la motion amendée, ou édulcorée, a été adoptée, à 204 voix contre 117, en fin de soirée lundi. Tous les libéraux l’ont appuyée, à l’exception des députés Anthony Housefather, Marco Mendicino et Ben Carr.

Les libéraux sous les projecteurs

La démarche néo-démocrate était surtout embêtante pour les libéraux. Dans les autres camps, les positions étaient clairement délimitées, à tout le moins publiquement. Néo-démocrates, bloquistes et verts : pour. Conservateurs : contre.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly

Dès la première heure du débat en Chambre, lundi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a signalé à quelle enseigne logeait le Conseil des ministres. « Nous ne pouvons pas changer la politique étrangère en se basant sur une motion de l’opposition », a-t-elle tranché.

Les esprits se sont vite échauffés entre députés : les échanges n’étaient pas encore vieux de 30 minutes que déjà, ils prenaient une tournure acrimonieuse – une libérale a été accusée de cautionner la mort d’enfants, les néo-démocrates, de « récompenser le Hamas » pour le massacre du 7 octobre dernier.

Le gouvernement Nétanyahou critiqué

Le gouvernement du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou – interlocuteur dont plusieurs dirigeants occidentaux ont commencé à prendre leurs distances – a fait l’objet de plusieurs critiques à la Chambre des communes.

Le député bloquiste Stéphane Bergeron l’a taxé de « gouvernement jusqu’au-boutiste » composé de membres « qui appuient littéralement un plan génocidaire », dont certains ont participé à un rassemblement en faveur de la colonisation de Gaza.

C’est d’ailleurs avec le ministre Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, et pas avec Benyamin Nétanyahou, que le premier ministre Justin Trudeau a choisi d’avoir une conversation, lundi.

Le leader canadien a notamment souligné « l’importance de renouveler les efforts visant l’adoption d’une solution à deux États », selon un compte rendu fourni par son bureau, dans lequel il n’est pas question de la fameuse motion.

Son interlocuteur, pour sa part, y a fait référence dans un message publié sur le réseau X. « J’ai réitéré au premier ministre que, pour le bien de la région, toute action unilatérale devait être évitée », a écrit Benny Gantz.

À l’heure actuelle, 139 des 193 États membres des Nations unies reconnaissent l’État de la Palestine. Même si elle avait été avalisée, la motion néo-démocrate de lundi n’aurait pas contraint le gouvernement Trudeau à se joindre à ce groupe de pays.

Reconnaissance de l’État palestinien

La motion néo-démocrate demandait à la Chambre de « reconnaître officiellement l’État de Palestine et de maintenir la reconnaissance par le Canada du droit d’Israël d’ exister et de vivre en paix avec ses voisins ». Dans sa version amendée par les libéraux, ce passage est devenu « de collaborer avec les partenaires internationaux pour poursuivre activement l’objectif d’une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, y compris en vue de l’établissement de l’État de Palestine dans le cadre d’une solution négociée à deux États, et de maintenir la position du Canada selon laquelle Israël a le droit d’exister et de vivre en paix et en sécurité avec ses voisins ».