(Montréal) À l’heure où la tarification du carbone fait l’objet de contestations et de virulents débats sur la scène politique, le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a indiqué que deux autres grands chantiers risquent de provoquer « d’importantes batailles » au cours des prochains mois : le règlement sur le réseau électrique carboneutre et celui sur le plafond sur des émissions de gaz à effet de serre du secteur du pétrole et du gaz.

Le ministre Guilbeault était de passage à Montréal, vendredi, pour le « Forum stratégique convertgence », organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

Lors d’une discussion avec le président de la CCMM, Michel Leblanc, le ministre de l’Environnement a expliqué qu’il lui restait « deux gros morceaux à mettre en place » dans la lutte aux changements climatiques.

L’un de ces gros morceaux, c’est la version finale du règlement sur l’électricité propre que le ministre doit présenter « quelque part au milieu de l’année ».

Avec ce règlement, le gouvernement s’attend à ce que 342 mégatonnes d’émissions cumulatives de gaz à effet de serre soient éliminées entre 2024 et 2050.

Le réseau électrique du pays est déjà propre à près de 85 %, mais la demande devrait doubler d’ici 2050, à mesure que les voitures, les autobus et les trains deviendront électriques.

Dans le dernier budget fédéral, les libéraux ont mis de côté plus de 45 milliards pour construire un réseau propre.

Mais l’Alberta et la Saskatchewan ont déjà toutes les deux brandi leur loi sur la souveraineté pour s’opposer à cette réglementation.

« Je dirais que, en général, dans l’ensemble des provinces et des territoires, ça va assez bien, sauf pour deux exceptions notables qui ont décidé d’en faire une bataille existentielle », a confié Steven Guilbeault, en faisant référence aux deux provinces de l’ouest du pays qui s’opposent à ce règlement.

Une autre « grosse bataille »

Le règlement sur le plafond sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur du pétrole et du gaz « va être une autre grosse bataille », a indiqué le ministre Guilbeault.

En décembre dernier, le gouvernement fédéral a proposé les grandes lignes de son plan pour plafonner les émissions de GES du secteur du pétrole et du gaz en 2030, de 35 à 38 % sous les niveaux de 2019. Mais en réalité, si l’on tient compte des assouplissements, l’industrie pourra produire des niveaux d’émissions de 20 à 23 % sous les niveaux de 2019 à condition qu’elle achète des crédits de compensation ou qu’elle contribue à un fonds de décarbonation.

Ottawa a l’intention de publier un projet de règlement d’ici le milieu de 2024 et mettre en place la réglementation finale en 2025.

« On va accompagner les entreprises là-dedans », a promis Steven Guilbeault vendredi, en soulignant que le plafond d’émissions proposé vise à limiter la pollution, et non pas la production.

Cette réglementation va « mettre en péril des centaines de milliards de dollars d’investissement dans l’économie de l’Alberta », avait dénoncé la première ministre de cette province, Danielle Smith, en décembre dernier, en promettant de mener une autre bataille judiciaire, plaidant qu’Ottawa avait encore une fois outrepassé sa compétence.

« Ça va être difficile, mais c’est nécessaire », a fait valoir Steven Guilbeault, en soulignant que « tous les autres secteurs contribuent » à la lutte au changement climatique.

« Alors que dans le secteur du pétrole et du gaz, il y a eu une forte augmentation (de GES) qui vient annuler tous les autres gains dans les autres secteurs et dans les autres provinces », a indiqué le ministre.

« Il y a une iniquité et en tant que gouvernement, on n’accepte pas ça. L’idée, ce n’est pas de fermer les sables bitumineux », mais plutôt « de travailler avec les entreprises pour s’assurer que le niveau de pollution diminue », a souligné le ministre en ajoutant que « ça risque d’être une grosse bataille, mais une bataille nécessaire ».

Augmentation du prix sur le carbone

Lors d’un bref point de presse avec les journalistes, Steven Guilbeault a également commenté la tarification sur le carbone qui suscite une vive opposition au sein des élus conservateurs fédéraux et provinciaux.

Le ministre estime que la tarification sur le carbone va permettre de réduire de jusqu’à un tiers les émissions au pays d’ici 2030.

« Alors s’il y a quelqu’un quelque part qui peut me trouver une mesure à coût nul et qui est capable de nous donner un tiers de nos réductions d’émissions, que cette personne vienne me voir, parce que moi, ça fait 30 ans que je travaille là-dessus et je n’en connais pas », a indiqué Steven Guilbeault.

Il a ajouté que ça lui « fera plaisir d’aller aux urnes et de débattre avec les conservateurs de Pierre Poilievre de la nécessité de mettre un prix sur la pollution et de lutter contre les changements climatiques à la prochaine élection fédérale ».

La tarification du carbone devrait augmenter le mois prochain de 15 $ la tonne d’émission de gaz carbonique dans l’atmosphère, pour atteindre 80 $. Le prix avait été fixé à 65 $ la tonne en 2023 et doit ensuite augmenter de 15 $ par année, pour atteindre 170 $ la tonne en 2030.

Outre l’Alberta, les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Île-du-Prince-Édouard, de l’Ontario et de la Saskatchewan ont demandé une suspension de la hausse annuelle de la tarification fédérale, le 1er avril.

Le rapport annuel sur « la tarification de la pollution par le carbone » du gouvernement fédéral, publié au printemps 2023, indiquait que les chèques envoyés en 2021 au chapitre de la « tarification du carbone » avaient largement dépassé ce que la plupart des bénéficiaires avaient payé cette année-là en achetant des hydrocarbures.

Cette tarification ne s’applique pas au Québec et en Colombie-Britannique, deux provinces qui ont mis en place leur propre régime de réduction des émissions agréé par Ottawa.