(Ottawa) La première ministre albertaine Danielle Smith a encensé le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, et descendu en flammes le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault. Elle était de passage à Ottawa lundi pour ouvrir un bureau de l’Alberta dans la capitale fédérale inspiré par celui du Québec. Elle espère trouver « un terrain d’entente » avec le gouvernement Trudeau alors que le torchon brûle sur la question énergétique et sa nouvelle politique sur l’identité de genre.

« Certains ministres la comprennent », a-t-elle répondu lorsque La Presse lui a demandé ce que le gouvernement fédéral ne saisissait pas, à son avis, sur sa politique de développement des ressources naturelles de l’Alberta.

« Mes communications principales sont avec le ministre François-Philippe Champagne qui est un défenseur de l’industrie partout au pays », a-t-elle ajouté.

Elle a indiqué qu’il avait été très utile pour aider l’Alberta avec le développement de l’hydrogène, du ciment et de son industrie pétrochimique à émissions nettes de carbone.

J’ai une très bonne relation avec ces ministres qui applaudissent vraiment l’industrie partout au pays. Malheureusement, Steven Guilbeault n’est pas un de ceux-là.

Danielle Smith

« J’espérais pouvoir avoir une relation constructive avec lui et il a démontré qu’il est un idéologue, a-t-elle poursuivi. Il n’écoute pas, il n’honore pas la Constitution, il ignore des jugements de la cour et il continue de foncer même si ses actions sont illégales. » Elle a également accusé de nuire « à l’unité nationale ».

Mme Smith a dit espérer un changement de ministre de l’Environnement pour repartir à zéro. Danielle Smith s’était récemment attiré des critiques pour avoir suggéré à l’animateur américain de droite Tucker Carlson, qui compte plus de 11 millions d’abonnés sur X, de mettre M. Guilbeault « dans sa ligne de mire ».

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Danielle Smith était de passage dans la capitale fédérale lundi.

« C’est assez ironique que la première ministre fasse la leçon à quelqu’un en le qualifiant d’idéologue alors qu’elle s’en prend aux enfants transgenres et qu’elle importe la politique américaine d’extrême droite de Tucker Carlson – un homme qui est actuellement en tournée au Kremlin », a rétorqué M. Guilbeault dans une déclaration écrite.

« J’encourage la première ministre à mettre de côté les injures et à venir à la table pour travailler avec notre gouvernement. Nous partageons un engagement de carboneutralité d’ici 2050 et je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’aucune industrie ne devrait pouvoir polluer de manière illimitée », a-t-il ajouté.

Le ministre Champagne n’avait pas réagi au moment de la publication.

« 100 % inspiré du Québec »

L’Alberta a déjà eu un bureau à Ottawa par le passé, mais il avait été fermé en 2015. La première ministre Smith a indiqué s’être « 100 % inspirée du Québec » pour le rouvrir et a invité ses homologues provinciaux à faire de même.

« Vous pouvez parler à n’importe quel premier ministre, je ne pense pas qu’aucun d’entre eux n’ait actuellement une relation constructive avec le gouvernement fédéral pour les mêmes raisons que nous, peu importe leur allégeance politique », a-t-elle affirmé.

L’Alberta en a contre le règlement fédéral sur l’électricité propre, celui sur l’interdiction des plastiques invalidé il y a quelques mois par la cour et l’objectif du gouvernement Trudeau d’avoir un réseau électrique carboneutre d’ici 2035. La première ministre considère cet échéancier « irréaliste et irréalisable ». Plus de la moitié l’électricité dans sa province est produite à partir de gaz naturel et plus du tiers avec du charbon.

« Cela nous obligerait à arrêter notre production. Et nous n’allons tout simplement pas faire cela », a-t-elle dit avant de tendre une branche d’olivier. « Je pense que c’est inconstitutionnel de leur part, mais je pense qu’il y a beaucoup de place pour trouver un terrain d’entente et c’est pourquoi je suis ici avec un esprit de collaboration. »

Le nouveau bureau de l’Alberta à Ottawa est situé à quelques centaines de mètres de la colline du Parlement.

Pas de terrain d’entente sur l’identité de genre

Le hasard aura voulu que ce soit le ministre originaire de l’Alberta, Randy Boissonnault, qui rencontre Mme Smith en après-midi, le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, étant coincé au Nouveau-Brunswick à cause de la tempête qui s’est abattue en Atlantique.

Il venait de traiter Mme Smith de bully lors de la période des questions en accusant le député conservateur de l’Alberta, John Barlow, « de se tenir aux côtés des intimidateurs » en appuyant la nouvelle politique sur l’identité de genre annoncée par la première ministre la semaine dernière.

Elle veut interdire les chirurgies d’affirmation de genre aux moins de 18 ans et les traitements hormonaux aux moins de 16 ans. Le consentement parental sera requis pour tout changement de pronom ou de nom pour les moins de 16 ans. Elle prévoit également créer des ligues sportives neutres pour éviter que les femmes aient à compétitionner contre des athlètes transgenres.

Cette politique a été dénoncée par de nombreux groupes dont la Société canadienne de pédiatrie qui craint pour la santé physique et mentale des jeunes trans et estime que le gouvernement n’a pas à s’en mêler.

« Nous devons simplement adopter une approche réfléchie à ce sujet et veiller à ce que les jeunes soient pleinement informés, qu’ils ne soient pas bousculés et qu’ils soient en mesure de prendre une décision à un âge où ils sont en mesure de faire face aux conséquences de ces décisions », s’est défendue Mme Smith.

Elle compte déposer un projet de loi l’automne prochain et n’exclut pas d’utiliser la clause dérogatoire pour la protéger sa nouvelle politique d’éventuelles contestations judiciaires.

« Je lui ai indiqué très clairement que je trouve que c’est dangereux et j’ai dit carrément qu’il va y avoir plus de suicides chez les jeunes si sa politique continue », a réagi le ministre l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault.

Si les discussions entourant l’énergie ont été productives, il affirme ne pas avoir été rassuré du tout sur la question de l’identité de genre au sortir de sa rencontre.