(Ottawa) L’ambassadeur des États-Unis, David Cohen, affirme qu’il a dû mettre les bouchées doubles, à son arrivée en poste il y a deux ans, pour rétablir les canaux de communication entre Ottawa et Washington après le règne tumultueux de Donald Trump.

Dès qu’il a foulé le sol de la capitale fédérale, au début de décembre 2021, il a constaté que les liens de confiance qui s’étaient tissés au fil des années entre les deux pays étaient à leur plus bas.

Tout le monde sans exception – les élus, les hauts fonctionnaires des gouvernements, les gens d’affaires, la société civile, les gens ordinaires rencontrés dans la rue – lui disait la même chose : la relation de confiance était à rebâtir.

« Il y a une chose qui m’a vraiment surpris quand je suis arrivé ici. C’est la perte de confiance du Canada envers les États-Unis », lance d’entrée de jeu le diplomate américain dans une entrevue accordée à La Presse dans les locaux de l’ambassade des États-Unis, à un jet de pierre du parlement.

« J’ai entendu cela de la part des leaders de gouvernement, au fédéral comme au provincial. Je l’ai entendu des gens d’affaires et de la société civile et même des gens que je croisais dans la rue. Les gens me disaient : “Que s’est-il passé ? On était vos meilleurs amis. On dirait qu’on ne peut rien faire de correct maintenant. Qu’avons-nous fait pour créer ce problème ?” », a révélé le diplomate.

M. Cohen a ajouté que ce sentiment était bien palpable dans les sondages. Il a avancé que les liens de confiance entre les deux pays étaient à leur niveau le plus élevé vers la fin du mandat du président Barack Obama, selon plusieurs coups de sonde. « On a atteint le niveau le plus bas tout juste avant que le président Biden s’installe au pouvoir », a-t-il noté sans jamais prononcer le nom de l’ancien président Donald Trump.

« Je crois que c’est maintenant presque de retour à son niveau le plus élevé », a-t-il soutenu. À preuve, le président Biden a choisi de faire la toute première visite de sa présidence au Canada, de façon virtuelle, dès février 2021 alors que la pandémie de COVID-19 faisait toujours rage. Il a aussi effectué en mars une première visite officielle en personne à Ottawa, au cours de laquelle il a notamment prononcé un discours devant le Parlement.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Les sondeurs me taquinent en disant que tout cela est arrivé durant mon mandat et que je devrais m’accorder le mérite. Mais c’est l’œuvre de Joe Biden. Son message est simple, comme il l’a dit durant son discours devant le Parlement. Les États-Unis n’ont pas de meilleur ami, partenaire ou allié que le Canada.

David Cohen, ambassadeur des États-Unis à Ottawa

« Oui, j’étais surpris de faire ce constat en arrivant. Mais j’étais aussi rassuré de voir que le Canada voulait revenir aux relations qui existaient auparavant. On cherchait une main à serrer. On cherchait l’occasion de rétablir de bonnes relations », a-t-il encore dit.

Dépenses militaires

En entrevue, M. Cohen s’est bien gardé de faire quelque reproche que ce soit au gouvernement Trudeau au sujet des dépenses du Canada en matière de défense. Cette question a souvent été une source de discussions entre Ottawa et Washington. Dans le passé, des élus américains ont maintes fois pressé le Canada de respecter ses obligations de l’OTAN. L’alliance militaire exige de ses membres qu’ils consacrent l’équivalent de 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. Le Canada est loin du compte : ses dépenses militaires équivalent à environ 1,3 % de son PIB.

M. Cohen a souligné que depuis qu’il est en poste, le Canada a procédé à d’importants achats militaires. D’abord, le gouvernement Trudeau a annoncé en janvier qu’il allait acheter 88 avions de chasse F-35 de la société américaine Lockheed Martin afin de remplacer la flotte vieillissante des CF-18. Le contrat est évalué à 19 milliards de dollars.

Le mois dernier, le gouvernement Trudeau a aussi annoncé l’attribution d’un contrat sans appel d’offres de près de 9 milliards de dollars à la société américaine Boeing afin d’acheter jusqu’à 16 avions militaires de surveillance et de lutte anti-sous-marine Poseidon P-8A afin de remplacer les avions de patrouille maritime CP-140 Aurora.

« Les États-Unis, par l’entremise de son ambassade ici, plaidaient pour ces achats militaires. Nous sommes satisfaits de ces décisions. Elles sont liées à des menaces qui sont réelles », a avancé M. Cohen, rappelant l’engagement du Canada à délier les cordons de sa bourse pour moderniser NORAD.

« L’essentiel, c’est que les États-Unis sont très satisfaits des relations avec le Canada. Et cela comprend le secteur de la défense. Les médias font beaucoup état du 2 % du PIB. […] Le Canada ne respecte pas ce critère. Mais j’ai toujours dit qu’on ne peut pas mesurer l’engagement du Canada en matière de défense uniquement à travers cette unité de mesure. Il faut examiner le portrait d’ensemble. Il faut examiner la trajectoire des dépenses en matière de défense. Et depuis cinq ans, ces dépenses sont à la hausse », a-t-il fait valoir.