Un bond conservateur dans les sondages, une inflation qui n’en finit plus de donner des maux de tête aux libéraux et une grande visite qui vire au cauchemar. Les vacances des députés arrivent à grands pas, et il s’en trouvera probablement peu pour se plaindre de ces six semaines loin d’Ottawa. Bilan d’un automne chargé.

Sondages

La dégringolade des libéraux dans les sondages a commencé en juillet, alors que Pierre Poilievre laissait tomber les lunettes de vue pour les remplacer par des Ray-Ban et qu’il sillonnait le pays pour taper sur le clou de la crise du logement. « Si, au retour de Noël, l’avance conservatrice de 14, 15 points de pourcentage devient la norme, attention », prévient Philippe J. Fournier, créateur de l’agrégateur de sondages 338 Canada. Attention à quoi ? « Justin Trudeau a beau répéter qu’il veut se représenter, ultimement, ce n’est pas son call. Ce n’est pas vrai qu’un gouvernement peut diriger pendant deux ans quand les taux d’insatisfaction sont tellement élevés », argue-t-il.

Meta

Depuis quelques mois, les utilisateurs de Facebook et d’Instagram ont accès à une variété de vidéos de chats sur leur fil. Le contenu d’actualité canadien, quant à lui, a disparu des plateformes de Meta : ulcéré par l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne (projet de loi C-18), le géant du web a bloqué l’accès à ce contenu. « Déraisonnable, irresponsable », a pesté le ministre Pablo Rodriguez, responsable du dossier à l’époque, en annonçant un gel des achats de publicités gouvernementales sur ces réseaux sociaux. La loi n’est pas encore en vigueur ; elle le sera le 19 décembre.

Remaniement

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Conférence de presse de Justin Trudeau après le remaniement ministériel de juillet

Les deux tiers des ministres ont changé de portefeuille. D’autres, comme David Lametti, Marco Mendicino et Mona Fortier, en ont été dépossédés. Et environ une demi-douzaine, dont Soraya Martinez Ferrada, ont fait leur entrée au Saint des Saints. C’était le 26 juillet, en plein cœur de l’été. « En termes de visibilité, faire un remaniement au mois de juillet, c’est peut-être un coup d’épée dans l’eau », estime le politologue Thierry Giasson, de l’Université Laval. L’opération rebrassage de cartes a échoué, selon lui : « Il y a une usure du pouvoir ; les gens commencent à vouloir autre chose. »

Épicerie

On a eu l’impression d’assister à un défilé de suspects : l’un après l’autre, les patrons des cinq grandes chaînes d’alimentation sont passés devant les journalistes agglutinés dans le lobby d’un édifice d’Ottawa. Ils avaient été convoqués par le ministre François-Philippe Champagne pour faire le point sur le coût du panier d’épicerie. « On a eu un bel exercice de relations publiques », selon Geneviève Tellier, professeure à l’Université d’Ottawa. Mais sur le fond, l’épicerie « illustre le problème auquel le gouvernement est confronté dans plein de dossiers : ce n’est pas sa faute s’il y a de l’inflation, mais les gens veulent une action », dit-elle.

Zelensky

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, serrant la main d’Anthony Rota, alors président de la Chambre, lors de la visite du dirigeant au Canada, en septembre

La visite du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, promettait d’être un moment marquant de la session d’automne au Parlement. Pour l’être, elle l’a été – mais pas pour les bonnes raisons. « Le président de l’Ukraine et le premier ministre du Canada saluent un ancien membre de l’infâme 14e Division SS », a écrit RT, un média d’État du Kremlin. La présence de Yaroslav Hunka au discours de Volodymyr Zelensky, qui a redonné de la vigueur à la machine de propagande russe, a coûté à Anthony Rota son poste de président de la Chambre. Le « scandale Yaroslav Hunka », lui, a désormais sa page Wikipédia.

Modi

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Photo du militant sikh Hardeep Singh Nijjar affichée à l’extérieur du temple qu’il dirigeait, à Surrey, en Colombie-Britannique

« On n’avait comme pas le choix de protéger nos gens et de les retirer », a affirmé en entrevue Justin Trudeau en parlant du retrait de 41 diplomates canadiens que l’Inde menaçait de dépouiller de leur immunité. Il s’agit de l’une des sanctions imposées au Canada par le gouvernement indien après que le premier ministre eut allégué que New Delhi aurait commandité l’exécution du militant sikh Hardeep Singh Nijjar. L’affaire a pris une nouvelle tournure, fin novembre, quand les États-Unis ont publié l’acte d’accusation dans lequel le gouvernement Modi est accusé d’avoir ourdi un complot pour assassiner un leader sikh.

Ingérence

Si l’enjeu de l’ingérence chinoise a dominé le printemps politique de 2023, il a disparu des écrans radars cet automne. Début septembre, le gouvernement Trudeau a confié à la juge Marie-Josée Hogue les rênes d’une commission d’enquête dont il ne voulait a priori rien savoir. « Je m’attends à ce qu’on nous communique du mieux possible l’état de la situation, et que son travail permette de dépolitiser, de départisaniser, ce débat que les conservateurs essaient d’instrumentaliser », espère Thierry Giasson. La magistrate, qui s’est mise au travail le 18 septembre dernier, doit présenter un rapport intermédiaire d’ici le 29 février 2024.

Carbone

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a utilisé le slogan « Axe the tax » (« Abolir la taxe ») plus d’une fois dans les derniers mois.

« Justin Trudeau est en train de capoter. » Pierre Poilievre a reçu un cadeau de Noël en octobre, quand le premier ministre a ouvert une brèche dans son système de tarification sur le carbone. « Ça affaiblit le principe même du programme. Une fois dans l’atmosphère, une tonne de gaz à effet de serre a le même impact, peu importe le secteur », argue le professeur Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal. Sur le plan politique, l’exemption a redonné de la vigueur aux conservateurs – on l’a vu aux Communes quand ils ont voulu « gâcher le Noël de Justin Trudeau » avec une nuit de votes.

Dette

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La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a déposé sa mise à jour économique le 21 novembre dernier

Le poids de la dette a été l’un des points saillants de la mise à jour économique déposée fin novembre par la ministre des Finances, Chrystia Freeland. On y a appris que les frais de la dette passeraient de 35 milliards en 2022-2023 à 58,7 milliards en 2027-2028. La professeure Geneviève Tellier est de ceux qui n’y voient pas matière à s’alarmer : « Pour moi, les chiffres ne sont pas inquiétants. On est très loin des chiffres des années 1980, 1990. C’est tout à fait gérable en ce moment. » Les libéraux continuent d’ailleurs de plaider qu’ils sont « fiscalement responsables », ce que l’opposition conteste.