De Québec à Ottawa, découvrez ce qui a retenu l’attention de nos correspondants parlementaires cette semaine.

Écrivez à nos correspondants parlementaires

Bonne semaine : Nathalie Roy

La députée caquiste est la deuxième femme à présider l’Assemblée nationale depuis Louise Harel. À son élection, on était sceptique, car elle était réputée partisane. Elle a finalement su incarner cette nouvelle fonction avec l’indépendance nécessaire. Sous son règne, une halte-garderie a été ouverte à l’Assemblée nationale. Le code d’éthique et de déontologie a aussi été modifié pour que les députées puissent s’absenter durant un congé de maternité. C’est donc armée de cette crédibilité qu’elle est intervenue pour ajouter au lexique des propos non parlementaires l’expression « exploiter les femmes », utilisée par la solidaire Christine Labrie, dont le double sens manquait d’élégance. Ceux qui ne sont pas habitués à la vie parlementaire y ont vu une pudibonderie hypocrite. Pourtant, il est normal de proscrire tout propos qui insulte ou qui présume de la mauvaise foi de son adversaire. La civilité des débats en dépend.

Paul Journet, La Presse

Mauvaise semaine : Greg Fergus

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le président de la Chambre des communes, Greg Fergus

Le rôle de président de la Chambre des communes est difficile. Le député doit faire oublier ses allégeances partisanes, établir sa neutralité et imposer le respect. C’est encore plus délicat dans un contexte de gouvernement minoritaire. Le précédent président, Anthony Rota, a dû démissionner après avoir invité et fait ovationner en Chambre un ancien soldat ukrainien ayant combattu avec les nazis. On se disait que son successeur, le libéral Greg Fergus, ne pouvait faire pire. Mais il a commis une spectaculaire erreur de jugement. Il a revêtu ses habits de président – sa tenue officielle d’arbitre – pour enregistrer une vidéo dans laquelle il saluait le travail d’un membre de sa famille politique, son ami John Fraser, chef intérimaire sortant du Parti libéral de l’Ontario. Les bloquistes et les conservateurs demandent sa démission. Ils ont renvoyé le dossier en comité parlementaire.

Paul Journet, La Presse

La citation de la semaine

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le Premier ministre François Legault se dirigeait vers le Salon bleu de l’Assemblée nationale pour la période de question.

Il y a eu beaucoup de rebondissements [en 2023]. J’ai commencé l’année en étant pour le troisième lien. Vers le mois d’avril, je suis devenu contre le troisième lien. Et au mois d’octobre, je suis redevenu pour le troisième lien. Là, je suis en train de planifier mon année 2024. Et pour tout vous dire, j’ai demandé au père Noël d’avoir une boussole pour Noël !

Le premier ministre François Legault qui, comme les autres chefs de parti, a fait des vœux des Fêtes à teneur humoristique au dernier jour de la session de l’Assemblée nationale

Le chiffre de la semaine : 20 000

Le Parti conservateur a proposé près de 20 000 amendements pour le seul projet de loi C-50, qui porte sur la transition énergétique, dans une tentative avouée de perturber les travaux de la Chambre des communes – ou, pour reprendre les mots du leader de l’opposition, Pierre Poilievre, de « ruiner le Noël de Justin Trudeau ».

Un plan confidentiel révélé par erreur

On ne l’y reprendra plus. Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, veillera désormais à ne pas trimbaler des documents confidentiels à la vue de tous. Lors d’une mêlée de presse mardi, La Presse a remarqué qu’il tenait dans ses mains un document « pour approbation aux autorités ministérielles » au sujet d’un « plan temporaire d’aide aux médias ». « Vous avez une bonne vue, je vais cacher ça », a-t-il répondu, forcé de reconnaître qu’il travaille sur de nouvelles mesures d’aide. Quelques heures plus tard, il a fait tourner sa bourde en plaisanterie. Il s’est promené avec une feuille dépassant de ses dossiers sur laquelle il a inscrit en grosses lettres : « Rien à lire ici ! »

La guerre des clics

Le chef conservateur Pierre Poilievre a profité de la période des questions pour faire la promotion de sa vidéo sur le logement qui a été abondamment visionnée sur les réseaux sociaux – et pour se féliciter, au passage, d’attirer plus de clics que les publications libérales. « Il [Justin Trudeau] a essayé de faire une vidéo. Ce fut un échec total. Sur ses vidéos, personne ne clique, et, dans ses chantiers, on ne pose pas une seule brique », a-t-il raillé. Et dans un élan de générosité, il a offert au premier ministre une projection privée de la vidéo intitulée « L’enfer du logement : comment nous en sommes arrivés là et comment nous en sortir ? ». L’invitation a vite été déclinée par le premier ministre, qui a reproché à son interlocuteur de verser dans le « sensationnalisme » et de préférer « générer des clics » plutôt que de proposer des solutions concrètes. Depuis son lancement, le 2 décembre, la vidéo d’une quinzaine de minutes a été vue plus de 4 millions de fois sur X, comparativement à environ 190 000 pour une vidéo sur le même thème mise en ligne par Justin Trudeau la veille. Ce que le Parti conservateur présente comme un « documentaire » est surtout, de l’aveu même de l’ancien porte-parole de Pierre Poilievre pendant la campagne à la direction, Anthony Koch, une façon de « transmettre des messages politiques conservateurs directement aux consommateurs [électeurs] sans avoir à subir le filtre de journalistes hostiles ». Bienvenue en 2023, a-t-il aussi écrit sur X.

Le père Noël au Salon bleu

Dans ses traditionnels vœux du temps des Fêtes, vendredi, le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, a livré un discours qui a soulevé l’hilarité au Salon bleu. Écoutez l’extrait où il distribue ses cadeaux.

Un député se fait expulser de la Chambre des communes

Un député conservateur a reçu l’ordre de quitter la Chambre des communes mercredi après avoir traité le premier ministre Justin Trudeau de menteur, un terme proscrit dans les débats parlementaires. « À l’ordre ! », a tonné le vice-président de la Chambre, Chris d’Entremont, lui-même élu sous la bannière conservatrice. Il a demandé à trois reprises à Damien Kurek de présenter ses excuses, ce qu’il a catégoriquement refusé de faire. « Je ne vais pas m’excuser à ce premier ministre alors qu’il continue de mentir sur l’indépendance du Sénat », a-t-il scandé. « M. Kurek, pourriez-vous nous quitter aujourd’hui ? » Il a obtempéré sous les applaudissements du caucus conservateur. Les députés en Chambre sont identifiés par le nom de leur circonscription sauf lorsqu’ils font l’objet d’une telle sanction. C’est la première fois depuis un an qu’un élu se fait exclure du débat parlementaire par la présidence et la quatrième fois depuis 2017. Quelques minutes plus tard, le ministre Pablo Rodriguez s’est fait rappeler à l’ordre pour avoir dit que les conservateurs ne disaient pas toute la vérité.

Il y a de l’électricité dans l’air

Ça ne vole pas toujours haut au Salon bleu, et en cette dernière semaine de session parlementaire, les esprits se sont échauffés une fois de plus. En sortant de la période des questions, mercredi, le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc, a mis de côté son calme habituel pour interpeller son vis-à-vis du gouvernement, Simon Jolin-Barrette. « Fuck you, Simon », lui a-t-il asséné, avant d’exprimer sans détour ses excuses sur X et par la suite au téléphone. Le contexte de cet esclandre : M. Leduc prenait la défense de la députée de Sherbrooke, Christine Labrie, qui est également sa conjointe, parce qu’une intervention de cette dernière a mené la présidente de l’Assemblée nationale, Nathalie Roy, à placer plus tôt ce mois-ci l’expression « exploiter les femmes » au registre des propos non parlementaires. Québec solidaire souhaite que Mme Roy précise ce qu’il est désormais permis de dire au Salon bleu lorsqu’il est question d’exploitation des travailleurs.

Prise de bec entre Lamontagne et le président de l’UPA

Le passage d’un ministre à l’Union des producteurs agricoles (UPA) n’est jamais un exercice facile et le 99e congrès qui se déroulait cette semaine à Québec l’a une fois de plus confirmé. Sur scène, devant tous les congressistes, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, et le président de l’UPA, Martin Caron, ont eu un accrochage. Vers la fin de son discours, M. Lamontagne signale à M. Caron, à deux pas de lui, qu’il en a encore pour cinq minutes. « Ça marche pas », lui répond ce dernier, mettant fin au temps de parole du ministre. Le président de l’UPA voulait passer rapidement aux questions. Les deux hommes se sont mis à se quereller devant tout le monde. Lors d’une mêlée de presse au parlement, le ministre dit avoir « servi un peu de paratonnerre » lors du congrès dans le contexte où « la saison que les agriculteurs ont connue a été vraiment difficile ». « J’accepte ça très correctement. »