(Québec) Le gouvernement du Québec ignore ses propres lois environnementales pour favoriser le projet de méga-usine de cellules de batteries Northvolt, qui souhaite s’installer sur des terrains où un précédent projet a été refusé, car il portait atteinte « à la conservation de la biodiversité ». Le ministre de l’Environnement se défend d’un quelconque « traitement de faveur ».

« On sait très bien que Northvolt est en violation des normes environnementales. C’est pour ça que l’on contourne le BAPE », a dénoncé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon en point de presse jeudi. « C’est totalement deux poids, deux mesures. Et c’est la preuve que, lorsque le gouvernement exempte Northvolt du BAPE, c’est parce qu’il sait qu’un examen sérieux sur le plan environnemental soulèverait ces questions », a-t-il ajouté.

La Presse a révélé qu’en mars dernier, le ministère de l’Environnement a bloqué le projet immobilier du précédent propriétaire des terrains de l’ex-usine d’explosifs CIL parce qu’il portait « atteinte à la conservation de la biodiversité ».

Le promoteur ambitionnait de construire « plus de 2400 habitations dans le cadre d’un lotissement de type Transit-Oriented Development (TOD), près de la gare de train de banlieue de McMasterville ». Mais Québec lui reprochait des « mesures d’atténuation insuffisantes des répercussions sur les milieux humides ainsi que pour la biodiversité de ce site encore en partie ».

C’est pourtant là que Northvolt veut installer ses pénates, où l’entreprise compte détruire beaucoup plus de milieux humides.

Apparence d’intervention politique

« Aujourd’hui, tout cet argumentaire-là semble rejeté complètement du revers de la main parce qu’on parle de batteries, puis parce qu’on parle d’un projet du ministre [Pierre] Fitzgibbon. Essentiellement, là, il y a là-dedans apparence d’une intervention politique extrêmement puissante qui fait fi de toute l’analyse qu’on pourrait confier à des administrateurs de l’État, des fonctionnaires. Et moi, c’est ça que je trouve inquiétant » a dit Joël Arsenault, député du Parti québécois.

Le chef par intérim Marc Tanguay déplore que le projet se fasse « à vitesse grand V, […] comme s’il n’y avait plus de règles, au Québec, environnementales ».

« Je ne crois pas le ministre de l’Environnement. Ce que je constate, c’est qu’il y avait un projet d’une entreprise québécoise, sur ce même terrain-là, qui a été refusé pour protéger les milieux humides. Ça, c’est un fait de la vie. Je constate que le gouvernement a modifié les règles cette année, de manière à permettre à Northvolt de ne pas avoir de BAPE », a-t-il dénoncé.

La députée de Québec solidaire Alejandra Zaga Mendes ironise en se demandant si la biodiversité a disparu lorsque Northvolt a acheté le terrain.

« Il y avait déjà un projet immobilier qui a reçu un refus de la part du ministère de l’Environnement parce qu’il empiétait sur des milieux humides, parce qu’il y avait des enjeux de biodiversité. Puis moi, je me demande si la biodiversité, en six mois, là, elle a-tu disparue ? Qu’est-ce qui est arrivé ? Parce qu’on parle du même site », a-t-elle affirmé.

« La CAQ est en train d’accélérer le projet sans nous dire comment ce projet-là va respecter nos normes environnementales », a-t-elle ajouté.

Charette se défend

Le ministre de l’Environnement Benoît Charette réplique toutefois qu’il n’y a « pas de traitement de faveur », mais il est favorable au projet de Northvolt.

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Benoît Charette

« Vous allez voir, il y aura des obligations de compensation, il y aura des obligations de réhabilitation, ce que Northvolt s’engage à faire. Et c’est un projet que l’on défend et dont on a besoin, notamment pour la filière batterie, mais malgré ce besoin, il n’y a aucun passe-droit », a-t-il dit.

« Ce ne sont pas tous les secteurs avec une certaine valeur qui seront détruits. Et si certains le sont, il y a des compensations et des obligations qui seront celles de l’entreprise. Ça fait partie des conditions qui devront être respectées », a-t-il ajouté.

Ce que le ministre ne dit pas, toutefois, c’est que le projet de Northvolt détruira beaucoup plus de milieux humides que le projet immobilier que son ministère a précédemment refusé. « La perte encourue par le projet correspond à 81 % des milieux humides restants trouvés sur le territoire de McMasterville et 25 % de ceux répertoriés à Saint-Basile-le-Grand », dénonce l’avis des fonctionnaires obtenu par La Presse.

En comparaison, l’immense complexe de Northvolt en touchera deux fois plus, soit 13 hectares de milieux humides. « Les empiétements permanents représentent 60 % de la superficie totale de milieux humides sur le site », écrit l’entreprise dans sa demande d’autorisation ministérielle.