(Ottawa) Le système de tarification du carbone demeure solide et fiable, malgré l’exemption accordée aux livraisons de mazout, soutient le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, en entrevue à La Presse. Il réitère que le gouvernement n’acceptera aucune autre brèche tant qu’il sera en poste.

« Je le dis et je le répète, ce n’est pas une situation idéale, reconnaît-il. Tu ne peux pas créer ou donner l’impression que le système de tarification carbone est négociable parce que c’est un outil très, très puissant. »

Un outil qui a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre du tiers, dit-il. L’objectif de cette taxe est d’inciter les gens et les entreprises à se tourner vers des énergies plus propres pour éviter de la payer. Elle ne s’applique pas au Québec, à la Colombie-Britannique et aux Territoires du Nord-Ouest qui ont leurs propres systèmes de tarification du carbone.

Mais la crise du coût de la vie a eu raison de l’application de la taxe fédérale au chauffage au mazout, un combustible dont le prix a grimpé en flèche au cours de la dernière année. Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé il y a deux semaines sa suspension temporaire pour la livraison de mazout jusqu’à la fin de 2026-2027. Une politique qui favorise les résidants des quatre provinces de l’Atlantique où près du tiers de la population utilise cette forme de chauffage l’hiver.

« Cette pause-là, c’est une pause sur 1 % des émissions au Canada donc le système de tarification de carbone canadien est encore très solide et s’applique encore à la très grande majorité de l’industrie et de notre économie », fait valoir M. Guilbeault.

Le gouvernement a également bonifié de 50 % la subvention pour remplacer ce combustible par une thermopompe et offre 250 $ aux personnes à faible revenu pour les encourager à en acheter une. L’objectif est d’accélérer le déploiement d’une forme de chauffage moins polluante pour « accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre ».

« On va aller encore plus vite pour sortir le mazout du chauffage partout au pays », souligne-t-il.

Le commissaire à l’environnement et au développement durable a indiqué plus tôt cette semaine qu’il comptait analyser l’impact de cette brèche à la taxe sur le carbone sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans son prochain rapport. Il veut également savoir si cette volte-face a nui à la confiance du secteur privé dans la tarification du carbone.

Rien n’a changé pour les grandes entreprises, rappelle le ministre Guilbeault. « Je pense que le système est encore là, les entreprises peuvent encore se fier. » Il donne en exemple le Fonds de croissance du Canada et ses 15 milliards de dollars pour investir dans des projets du secteur privé qui visent à réduire les émissions. La première entente a été singée avec l’entreprise albertaine Eavor Technologies qui a développé une technologie de géothermie en circuit fermé.

« Donc, non seulement le prix est toujours là, mais on commence à signer des ententes pour garantir l’après 2030 », ajoute-t-il.

Démissionnera-t-il si le gouvernement faisait une nouvelle brèche dans la tarification sur le carbone ? « Ce que j’ai dit c’est ce que le premier ministre a dit, c’est qu’il n’y aurait pas d’autres brèches alors je n’aurai pas besoin de faire ce que vous dites », répond-il.

Or, le gouvernement pourrait être forcé d’en accepter une nouvelle à contrecœur. Le projet de loi conservateur C-234, actuellement à l’étude en troisième lecture au Sénat, propose d’inclure le gaz naturel et le propane à l’exemption qui s’applique déjà aux combustibles utilisés pour le séchage du grain dans le milieu agricole.

Le ministre Guilbeault avait voté contre lors du dernier vote en troisième lecture à la Chambre des communes.