Au lendemain du dépôt formel d’une offre qu’elle dit « finale » pour le financement du transport collectif, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, lance des audits de performance sur chacune des dix sociétés de transport afin de poser un « diagnostic réel » à plus long terme.

« Je pense qu’on est dû pour un examen, parce que le transport collectif se développe de plus en plus. […] Et si c’est eux qui parlent, si c’est le gouvernement qui parle, ça peut sembler une espèce de négociations qui ne finit plus où chacun veut demander plus d’argent à l’autre », a expliqué Mme Guilbault vendredi, en mêlée de presse à Québec.

Elle veut lancer « rapidement » 11 audits de performance, soit un audit par société de transport et un autre pour l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui relève du gouvernement.

Rien n’est coulé dans le béton, mais tout indique que ce mandat relèvera d’une firme externe indépendante. « Je veux que ça aille vite, je ne veux pas que ça prenne deux ans », a dit Mme Guilbault.

Au gouvernement, ce n’est pas la première fois qu’on émet le souhait d’avoir une meilleure vue sur les finances des sociétés de transport collectif. Un vaste chantier avait même été lancé dès 2019 sur cet enjeu. Hormis un rapport déposé en 2022, il n’y a pas eu de développement significatif.

Pendant son allocution, Mme Guilbault a d’ailleurs réitéré vendredi ses doutes sur l’opportunité de certaines dépenses dans le milieu du transport collectif. Elle estime que certaines questions se posent « quand on voit qu’on augmente les salaires des cadres pendant la pandémie, alors qu’il n’y a plus personne dans le transport collectif ».

« La réalité, c’est qu’on ne peut pas juste mettre de l’argent sans fin dans ces déficits. Il faut s’examiner, restructurer le financement et trouver des manières d’économiser à la source. Mon pari, c’est qu’il y a d’autres façons d’être plus efficaces […] que de fermer le métro après 11 h », a poursuivi la caquiste.

Une offre « finale »

Jeudi, Mme Guilbault avait officiellement fait une nouvelle offre aux villes et aux sociétés de transport, à la hausse comme prévu. Dans le Grand Montréal, le gouvernement ferait passer sa contribution de 150 à 238 millions pour 2024. Un scénario voulant que le gouvernement accorde plus de 200 millions dès l’an prochain avait déjà été évoqué par La Presse.

La ministre estime ainsi éponger 70 % du déficit des sociétés de transport dans le Grand Montréal l’an prochain. Elle chiffre en effet maintenant le déficit à 337,9 millions, soit bien moins que les 532 millions que citent les villes de la région montréalaise.

Jusqu’ici, Québec parlait d’un déficit d’environ 410 millions pour le Grand Montréal en 2024, en tenant compte des revenus liés à la taxe sur l’immatriculation ainsi que des « mesures d’optimisation » qui permettraient d’épargner 14 millions. Or, une récente « actualisation » du cadre budgétaire de l’ARTM, faite le 31 octobre, aurait permis de revoir les revenus et les dépenses projetés.

Du côté des villes, on analysait vendredi la proposition gouvernementale. « À ce moment-ci, les attentes demeurent les mêmes. La ministre a déposé une offre. Mais évidemment, moi, je ne prendrai pas cette décision-là toute seule », a déclaré la mairesse Valérie Plante, qui devait rencontrer vendredi les 82 maires et mairesses du Grand Montréal. « Ce sera à eux de trancher », a assuré Mme Plante.

Dans un communiqué, la CMM a invité la ministre « à se baser sur les chiffres réels du déficit anticipé ». L’entente « doit être établie sur la base du déficit réel », ont poursuivi les municipalités, en soulignant qu’un « règlement urgent est attendu dans le contexte des budgets municipaux devant être présentés dans les prochaines semaines ».

« Ce que le gouvernement qualifie de déficit structurel n’est pas le résultat d’une mauvaise gestion de la part des sociétés de transport en commun […], mais plutôt d’un effritement des contributions gouvernementales », a déploré de son côté le président de l’Association du transport urbain (ATUQ), Marc Denault.

Les deux parties ne s’entendent toujours pas sur le calcul du déficit, puisqu’un désaccord subsiste quant à l’utilisation de la nouvelle taxe sur l’immatriculation dans le Grand Montréal : les municipalités veulent l’utiliser pour développer le réseau, alors que le gouvernement veut qu’elle serve à réduire le déficit.

« C’est notre offre finale, parce qu’on a une mise à jour budgétaire qui va être présentée mardi prochain », a tout de même laissé entendre la ministre.

Le point sur le service

Quant aux coupes appréhendées dans le service, « ces craintes demeurent aussi les mêmes », selon la mairesse Valérie Plante. « Ça serait horrible, ça serait la dernière chose à faire », a-t-elle toutefois nuancé, en réitérant qu’une analyse sera faite à ce chapitre.

Ces derniers jours, les villes du Grand Montréal avaient fait valoir qu’une aide inférieure à 300 millions pour 2024 entraînerait de nombreuses coupes de services dans le métro, qui devrait fermer après 23 h, ainsi que des retraits d’autobus sur les routes et des licenciements de chauffeurs.

L’Alliance TRANSIT, qui milite pour un meilleur financement en transport collectif, a quant à elle dit vendredi craindre que l’offre de Mme Guilbault « ne soit pas suffisante pour assurer un maintien de l’offre de service pour 2024. Pour éviter l’échec, l’année 2024 doit être la dernière sans une croissance importante de l’offre de service pour les usagers », a conclu le coordonnateur de l’Alliance, Samuel Pagé-Plouffe.

Le tramway et le fédéral

Vendredi, Mme Guilbault a profité de sa sortie publique pour dénoncer le fait qu’avec le nouveau prix du tramway de Québec, passé de 3,3 milliards à 8,4 milliards, la contribution du fédéral n’est plus que de 14 %, puisqu’elle demeure de 1,2 milliard. « J’entends le fédéral dire que nous, on est au rendez-vous. Premièrement, qu’est-ce que ça veut dire ? Et deuxièmement, à quel rendez-vous ? », s’est-elle demandé à voix haute. « Il n’y a plus d’enveloppe au fédéral. La prochaine enveloppe d’infrastructures est prévue en 2026. […] 14 %, c’est très peu », a-t-elle dit, en espérant voir l’aide d’Ottawa augmenter dans les prochains mois.

Avec Tommy Chouinard, La Presse