(Québec) Le député Haroun Bouazzi reproche au gouvernement Legault d’avoir refusé d’adopter une motion pour que l’Assemblée nationale réclame un cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et le Hamas. « C’est une honte », a protesté jeudi le solidaire, en pleurs. François Legault plaide plutôt pour une « trêve humanitaire ».

« Vous me demandez qu’est-ce que j’en pense. C’est des êtres humains, c’est ça que j’en pense, et tout être humain doit appeler à un cessez-le-feu. Et c’est ça, le Québec, ce n’est pas ce qu’a décidé de faire la CAQ [mercredi], c’est ça le Québec. C’est une honte ! », a déploré la gorge nouée le député solidaire, tout juste avant de quitter la salle où se tenait un point de presse.

Québec solidaire a déposé une motion mercredi pour « que l’Assemblée nationale demande un cessez-le-feu immédiat par toutes les parties dans le conflit en Israël et en Palestine, et qu’elle appelle à nouveau au respect du droit international par toutes les parties ». Seule la CAQ, qui est majoritaire, n’a pas consenti à la motion, de sorte que le texte n’a pu être adopté.

« On est tous d’accord pour dire qu’on n’aime pas voir les civils, des enfants, qui sont victimes de ce conflit-là. En même temps, il faut être prudent pour qu’il n’y ait pas un message où l’on refuserait à Israël de se défendre contre un groupe terroriste », a réagi François Legault, jeudi. « C’est quand même grave ce que le Hamas a fait à des enfants, entre autres, il faut être prudent, on souhaite la paix, on souhaite que ça arrête, en même temps, il faut être prudent avec les mots qu’on utilise », a ajouté le premier ministre.

Après la période de questions, M. Legault a précisé que son gouvernement « va parler d’une trêve humanitaire ». À Ottawa, le gouvernement Trudeau refuse lui aussi d’en appeler à un cessez-le-feu malgré la demande de députés fédéraux.

En point de presse, M. Bouazzi était appelé à préciser un tweet publié la veille sur le réseau X dans lequel il écrit que le gouvernement Legault « est aligné sur les actions de [Benyamin] Nétanyahou où toutes les 15 min depuis 24 [jours] un enfant est assassiné. Le Québec mérite mieux ».

« La CAQ, aujourd’hui, ne s’aligne pas sur l’extrême, majorité des gouvernements qui sont représentés à l’ONU et qui demandent un cessez-le-feu », a expliqué M. Bouazzi qui répondait aux questions sur l’actualité avec son collègue Etienne Grandmont. Ce dernier, ébranlé par la réaction de son collègue, a coupé court à l’exercice après le départ précipité de M. Bouazzi.

« Il n’y a rien d’autre à dire. Ils n’appellent pas à un cessez-le-feu. Il n’y a rien d’autre à dire. C’est une honte. Ces enfants-là ne sont pas des animaux, comme le disent les militaires israéliens, c’est des êtres humains. C’est des êtres humains. Ce n’est pas possible », a répété M. Bouazzi, en larmes.

« Il y a toutes sortes d’observateurs de l’ONU, de militants de droits de la personne, d’associations qui parlent d’un début de génocide. Il y a des femmes qui ont des césariennes sans avoir d’anesthésie, il y a des enfants qu’on va peut-être débrancher à l’intérieur même de leurs couveuses parce qu’il n’y aura plus d’électricité, et ce gouvernement-là, il nous dit qu’il n’est pas capable d’appeler à un cessez-le-feu ? », ajoute-t-il.

Débats sur le texte

Le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc, a indiqué avoir reçu « assez tôt » la confirmation du Parti québécois et du Parti libéral du Québec qu’ils appuieraient la motion. « Ç’a été plus long avec la CAQ, ils ont fourni un amendement qui visait à changer le terme principal du cessez-le-feu. Ils voulaient biffer le cessez-le-feu et rajouter la référence au droit international », a-t-il dit.

Québec solidaire a choisi d’ajouter cette référence, mais de maintenir le mot « cessez-le-feu ».

Le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, n’a pas voulu commenter les échanges qui ont eu lieu entre les partis sur le texte de la motion.

Les élus ébranlés

Les députés du Parti québécois, Pascal Paradis et Pascal Bérubé, qui suivaient Québec solidaire, étaient aussi secoués par la sortie de M. Bouazzi. « Est-ce qu’il est correct ? », a demandé M. Bérubé en se présentant au lutrin. « La motion d’hier, elle était simple. C’était une phrase, un appel à la paix, un appel à un cessez-le-feu, parce que, là, il y a des milliers de victimes civiles dans ce conflit-là », a résumé M. Paradis.

C’est un appel à la paix. Pourquoi le gouvernement n’est pas capable de se joindre à nous pour en appeler à la paix, alors que tout le monde voit les atrocités qui se passent tous les jours sur le terrain ? Posez-leur la question.

Pascal Paradis, député du Parti québécois

« Je pense qu’il est de mise qu’il y ait un cessez-le-feu humanitaire dès maintenant », a réagi le chef libéral intérimaire, Marc Tanguay. « C’est un dossier excessivement délicat, nous c’est notre position claire, la CAQ a une position différente, je vais les laisser s’expliquer », a-t-il ajouté. M. Tanguay a assuré jeudi qu’il s’agissait d’une « position de caucus ».

Radio-Canada rapportait mercredi que la députée libérale Brigitte Garceau aurait renvoyé une employée de son bureau de circonscription après qu’elle eut aimé des publications pro-Palestine sur les réseaux sociaux. Mme Garceau est aussi porte-parole de l’opposition officielle en matière de relations internationales. « Dans pareil cas, de part et d’autre, il peut y avoir des recours, je ne vais pas commenter plus que ça », a-t-il dit.

M. Tanguay a ajouté néanmoins qu’il s’attend à ce que le personnel politique ne publie pas du contenu « qui serait en total désaccord avec les positions du Parti libéral du Québec ».

Avec Charles Lecavalier et Hugo Pilon-Larose, La Presse