(Québec) Le gouvernement Legault se prépare à accueillir jusqu’à 64 600 immigrants permanents l’an prochain, en tenant compte des étudiants étrangers et des gens d’affaires.

Officiellement, Québec a annoncé mercredi qu’il fixait son seuil annuel d’immigration à 50 000 nouveaux arrivants pour les deux prochaines années. Or, en décortiquant les chiffres qui ont été présentés par le premier ministre François Legault et par la ministre de l’Immigration Christine Fréchette, le plan gouvernemental prévoit pour l’année 2024 :

  • un maximum de 51 500 immigrants dans les « admissions régulières » (immigration économique, regroupement familial et réfugiés) ;
  • 6500 étudiants étrangers sélectionnés dans le volet diplômés du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) ;
  • l’écoulement de 5400 à 6600 demandes dans la catégorie des gens d’affaires, soit en tout 64 600 immigrants permanents.

Pour l’année 2025, le gouvernement ne fournit pas dans son plan ses estimations pour les étudiants étrangers et les gens d’affaires qu’il sélectionnera.

Au printemps dernier, Mme Fréchette avait créé la surprise en présentant deux scénarios dans le cadre des consultations pour fixer le nombre d’immigrants permanents sur quatre ans, soit d’augmenter le seuil annuel à plus de 60 000 d’ici 2027 ou de le maintenir à un maximum de 50 000 par année. Le résultat annoncé mercredi ne figurait pas parmi les hypothèses étudiées.

Pour les années 2026 et 2027, Québec reste muet et n’indique pas les seuils d’immigration qu’ils entrevoient. Le gouvernement mènera de nouvelles consultations avant la prochaine élection générale afin de déterminer le nombre d’immigrants permanents que la province accueillera pour ces deux années.

Des tests de français aux travailleurs temporaires

Comme La Presse le révélait en septembre dernier, Québec impose de nouvelles mesures de français à certains immigrants temporaires, dont le nombre a explosé au cours des dernières années. Ils seraient désormais près de 466 000 sur le territoire québécois.

À l’avenir, un niveau débutant de connaissances du français à l’oral sera exigé aux travailleurs étrangers temporaires qui voudront renouveler leur permis de travail au-delà d’un délai de trois ans. Cette exigence ne vise toutefois pas les travailleurs agricoles. Environ 35 000 travailleurs sont concernés.

Quand on dit que les travailleurs temporaires vont avoir trois ans pour apprendre le français, je trouve que c’est raisonnable et que ça amène un équilibre entre l’économie et protéger le français.

François Legault, premier ministre du Québec, mercredi

Le porte-parole péquiste en matière d’immigration, Pascal Bérubé, juge plutôt que la nouvelle mesure n’inversera pas le déclin du français. Selon lui, le niveau de français qui sera exigé est l’équivalent d’un Québécois qui se rend au bar dans un tout inclus et qui demande « je voudrais une cerveza por favor ». Le Parti québécois est favorable à une baisse du seuil d’immigration et du nombre de travailleurs étrangers temporaires au Québec.

Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, s’est dit ouvert à collaborer avec Québec au chapitre des tests de français. « On est prêts à regarder ça. Il faut que ce soit réalisable. Évidemment, le français, c’est une langue assez difficile, mais cela étant dit, c’est ce qu’on espère voir, que les gens puissent s’exprimer en français au Québec », a-t-il signifié en entrevue. En même temps, il mentionne qu’en vertu de l’Accord Canada-Québec sur l’immigration, Ottawa verse 700 millions par année au gouvernement québécois, et que celui-ci a donc « tous les outils pour pouvoir mettre ça en œuvre ».

De son côté, le gouvernement Legault demande au fédéral d’imposer à son tour après trois ans un test de français aux travailleurs étrangers issus du programme de mobilité internationale (PMI), qui est contrôlé par Ottawa. Environ 119 000 personnes sont titulaires d’un tel permis au Québec. Par ailleurs, le premier ministre réitère une fois de plus sa demande pour que le fédéral répartisse mieux à travers le pays les demandeurs d’asile qui arrivent au Canada à partir du Québec.

Les groupes économiques déçus

Dès l’annonce des nouveaux seuils pour les deux prochaines années, les groupes économiques ont tour à tour dénoncé les orientations prévues par Québec, affirmant qu’elles étaient insuffisantes pour contrer la pénurie de main-d’œuvre.

« L’économie du Québec souffrira de cette occasion manquée. En effet, les entreprises du Québec vont devoir encore refuser des contrats ou ralentir des investissements stratégiques alors que l’économie du Québec roule à vide depuis près d’un an », a déclaré Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers Exportateurs du Québec.

Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, déplore que le Québec continue « de [se] priver de l’aide dont nous avons besoin pour réduire la pression sur notre économie ».

« Le gouvernement manque une belle occasion de faire face, avec les employeurs, à la pénurie de main-d’œuvre. Le plan de la ministre ne tient pas compte des besoins du marché du travail alors que les entreprises québécoises refusent des contrats et annulent des investissements faute de travailleurs », a affirmé Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec.

Du côté de l’opposition, le Parti libéral presse le gouvernement d’aider les entreprises qui devront libérer du temps pour les travailleurs temporaires qui voudront se franciser. Québec solidaire déplore pour sa part que le gouvernement accélère le traitement des demandes des gens d’affaires, mais pas celui de la catégorie de la réunification familiale.

« Ce qu’on apprend aujourd’hui, c’est qu’il faut être millionnaire [...] pour avoir droit à des délais de traitement raccourcis par la CAQ », a déploré le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard.

Avec Mélanie Marquis, La Presse