(Ottawa) Ottawa promet de prendre en considération les questions de logement, des soins de santé et d’accès à d’autres services quand vient le temps de planifier ses cibles d’immigration.

Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a présenté cet objectif en dévoilant mardi un plan pour répondre au rapport d’un examen dit « stratégique ».

Pour ce faire, il entend accroître la « coordination », en collaboration avec les provinces et les territoires, de même que les municipalités. Il estime que cela répond à des demandes venant de la population.

« Ce que les Canadiens nous demandent de plus en plus, surtout dans le contexte actuel, c’est de nous, le gouvernement fédéral, se débrouiller et travailler avec les provinces, a dit le ministre en point de presse. Les compétences, les juridictions, cette bataille de ping-pong [leur] sont largement méconnues […], mais ils en sont les premières victimes. »

M. Miller a noté qu’il anticipe que l’atteinte de son objectif « ne sera pas facile ». « Il n’y a personne qui s’attendait à ce que ce soit facile, et […] la preuve va être dans les mesures qu’on va prendre pour mieux arrimer l’offre et la demande, suite aux discussions qu’on a avec les provinces dans leurs champs de compétence », a-t-il poursuivi.

L’annonce du plan de M. Miller précède celle, fort attendue, sur les cibles d’immigration. On pourrait voir un éventuel plafonnement des niveaux au fil des ans, dans les chiffres qui seront dévoilés mercredi. Le ministre a dit mardi que les cibles répondront à un impératif de réalisme, expliquant qu’il ne veut pas annoncer des objectifs ambitieux sans être en mesure de les atteindre pour les nouveaux arrivants.

Si M. Miller a mentionné entrevoir une tendance à une « certaine stabilisation », en fonction de demandes qu’il affirme avoir reçues, il a aussi signalé que la décision du gouvernement n’était pas encore totalement « finale ».

« Il y a des décisions qui ont été prises à la toute dernière minute [par le passé]. Cette fois-ci, ce n’est pas nécessairement l’exception. »

Dans cette lignée, les discussions entre ministres fédéraux sur les cibles d’immigration se sont poursuivies mardi, selon toute vraisemblance, à environ 24 heures de l’annonce prévue.

Le ministre Miller croit que l’enjeu retient plus l’attention à l’interne que cela a pu être le cas auparavant. « Je dirais que les gens qui, en circonstances normales, n’auraient pas eu de commentaires à cet effet-là, [y] portent plus attention et de façon plus minutieuse », s’est-il avancé.

Quoi qu’il en soit, le ministre a réitéré, dès l’avant-midi, qu’il ne voit toujours « pas un scénario où on diminuerait les niveaux ». Vendredi dernier, il avait fait savoir que le gouvernement Trudeau réfléchissait à apporter des ajustements à ses cibles d’immigration.

La veille, Radio-Canada rapportait que le conseil des ministres discutait de la possibilité de plafonnement, et même d’une réduction des cibles d’immigration, en lien notamment avec la crise du logement.

D’un point de vue humanitaire, on a des devoirs et on la volonté d’accueillir. Au point de vue économique, on a besoin de plus de travailleurs, mais en même temps on sent très bien la pression, que ce soit pour le logement, pour l’accès aux médecins.

la ministre du Revenu national, Marie-Claude Bibeau

La question équivaut à son avis à « un dilemme » pour lequel le gouvernement tente « de trouver le meilleur équilibre ». « Je ne pense pas que c’est noir ou blanc », a-t-elle résumé.

Le Canada a pour cible d’accueillir 500 000 nouveaux résidents permanents par an partout au pays d’ici 2025.

À un journaliste qui lui a demandé, en mêlée de presse, si cette cible pour 2025 serait maintenue, le ministre Miller a répondu qu’il faudra patienter « 24 heures ».

Peu de temps après, un débat sur une motion bloquiste portant sur l’immigration s’ouvrait en Chambre. Le Bloc québécois utilisait sa journée d’opposition pour que les élus discutent de la nécessité ou non d’Ottawa de consulter le Québec et les autres provinces avant de fixer ses cibles d’immigration.

Le libellé mis de l’avant demande aussi « au gouvernement de revoir ses cibles d’immigration dès 2024 après consultation du Québec, des provinces et des territoires en fonction de leur capacité d’accueil ».

La motion bloquiste, qui fera bientôt l’objet d’un vote, est assurée d’être adoptée, à moins d’un revirement de situation.

M. Miller a indiqué, en avant-midi, que ses collègues ministres et lui-même seront « ravis d’appuyer la motion du Bloc ». Le premier ministre Justin Trudeau a répété cette position au cours de la période des questions.

« On travaille main dans la main avec les provinces, […] avec les organismes, […] avec les municipalités pour justement fixer les cibles appropriées pour le pays et on va continuer de le faire. C’est une proposition très raisonnable et on va l’appuyer, la motion du Bloc », a déclaré M. Trudeau.

Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a invité le ministre Miller à s’engager à attendre pour annoncer les cibles qu’il préconisera dès 2024 afin de poser un « geste de bonne foi et responsable ».

« Peut-on espérer que si cette Chambre vote en faveur de la motion, le ministre n’annoncera pas de cibles alors qu’il ne peut pas connaître les cibles avant d’avoir consulté le Québec et les provinces ? » a demandé M. Blanchet.

Le premier ministre, qui a donné la réplique, a répondu en défendant les consultations et l’approche qu’Ottawa adopte déjà « depuis des mois et même des années » avec les autres ordres de gouvernement.

M. Miller a aussi vanté en Chambre la collaboration avec Québec. « [Les bloquistes] savent très bien que la vaste majorité des décisions sont prises par le Québec et on les appuie. On est toujours ouverts à les appuyer davantage », avait-il dit un peu plus tôt aux journalistes.

La leader adjointe du Bloc québécois, Christine Normandin, a appelé à une « réelle consultation » avec le gouvernement de François Legault, lançant que celle-ci « ne peut définitivement pas se limiter à un “cause toujours” ».

Le conservateur Tom Kmiec a fait savoir que les bloquistes pourront compter sur son vote.

Le député albertain a relevé en Chambre que de nombreuses personnes qui tentent de venir au pays sont prises dans les dédales de longs délais de traitement par le ministère de l’Immigration, comme l’a récemment documenté la vérificatrice générale du Canada.

« Tous nous bureaux sont inondés par des demandes de service de personnes qui ont des problèmes avec [le ministère] », a souligné l’élu d’origine polonaise, rappelant être issu de l’immigration.

La néo-démocrate Jenny Kwan a aussi signalé le soutien de son parti à la motion bloquiste. Elle a précisé qu’elle estime qu’Ottawa consulte déjà les provinces en matière d’immigration et de logement, mais manque selon elle de leadership pour leur allouer les ressources nécessaires.