(Trois-Rivières) Des propositions politiques répulsives expliquent en partie le plafonnement de Québec solidaire (QS), selon la députée Christine Labrie. La stagnation des appuis du parti a été au centre des débats entre les trois candidates à la cochefferie du parti dimanche.
Ce qu’il faut savoir
- Les députées Christine Labrie et Ruba Ghazal et l’ancienne députée Émilise Lessard-Therrien sont candidates pour succéder à Manon Massé comme co-porte-parole féminine de Québec solidaire.
- Les délégués du parti feront leur choix à la fin du mois de novembre lors d’un congrès à Gatineau.
- Les trois candidates estiment que Québec solidaire a plafonné et que le parti de gauche doit changer son approche pour attirer de nouveaux électeurs.
« Les gens sont conscients qu’il faut lutter contre les changements climatiques, mais se sentent jugés par notre discours, ils ont l’impression qu’on va altérer leur qualité de vie […]. C’est particulièrement vrai en dehors des grands centres urbains », a laissé tomber la députée de Sherbrooke durant ce débat de plus d’une heure qui s’est tenu devant près de 200 militants à Trois-Rivières dimanche.
C’est un sujet sur lequel on crée beaucoup de sentiment de répulsion.
Christine Labrie
Sur cette question, Mme Labrie estime carrément que le discours de QS a créé un sentiment de répulsion pour les citoyens des régions et des banlieues. « On les pointe quasiment du doigt comme étant des gens qui ne participent pas », a-t-elle déploré.
Elle a été cinglante à l’endroit d’autres aspects du parti. Elle demande aux membres de s’éloigner de l’image de « pelleteux de nuages » et d’éviter de mettre de l’avant ou de mieux vulgariser des propositions complexes ou du jargon technique, comme des fiducies foncières, qui ne sont pas compris par la majorité des électeurs. « On doit parler plus de transition juste […], mais à part des délégués syndicaux et nous autres, il n’y a pas grand monde pour qui ça veut dire quelque chose », a-t-elle lancé.
Sur la souveraineté, Mme Labrie juge inacceptable que QS accepte que la moitié de ses sympathisants ne soient pas indépendantistes. « On n’accepterait jamais un sondage qui dit que la moitié des membres se disent féministes. Pourquoi on accepte que ce soit le cas pour l’indépendance ? », s’est-elle demandé. Elle estime également que le parti se cache derrière son projet « d’assemblée constituante » – une « échappatoire » – pour éviter de définir son projet de pays.
Mais elle n’est pas la seule à craindre la stagnation des appuis du parti. Émilise Lessard-Therrien se dit « grandement préoccupée par notre plafonnement », et Ruba Ghazal a déposé un plan pour faire croître l’électorat du parti.
Ghazal mise sur l’expérience
Mme Ghazal, elle, mise sur l’indépendance, sur son expérience – elle frôlera la cinquantaine en 2026 – et sur son militantisme de longue date au sein de QS et fait valoir son plan pour aller chercher plus d’appuis chez les travailleurs et dans les banlieues.
Elle a fait remarquer que lorsqu’elle participe à des rencontres militantes aux quatre coins du Québec, les professeurs de cégep et d’université sont nombreux, mais les travailleurs de « shops » sont absents. Un non-sens pour le « parti des travailleurs », a-t-elle déploré. « Ces gens-là ne votent pas pour nous. Il va falloir créer un dialogue avec eux », a-t-elle souligné.
On est performants [les députés], mais ça ne percole pas dans la population. On stagne depuis 2018. Il va falloir qu’on se démarque.
Ruba Ghazal
Elle propose de sortir de la « bulle parlementaire » en faisant un maximum de tournées régionales, mais elle met en garde les militants du parti contre l’idée de choisir Émilise Lessard-Therrien. Une co-porte-parole qui n’est pas élue à l’Assemblée nationale aura une portée médiatique moins grande que son collègue masculin, alors même que Québec solidaire compte deux fois plus d’hommes que de femmes dans son caucus, a indiqué Mme Ghazal.
La députée de Mercier, l’ancien fief d’Amir Khadir, a soumis plusieurs propositions pour faire plus de place aux régions, notamment dans les instances du parti.
Une porte-parole des régions
Mais l’élue montréalaise fait face à un front commun sur cette question : Mme Lessard-Therrien et Mme Labrie estiment toutes deux que la prochaine porte-parole doit provenir de l’extérieur de la métropole. « Pour que les gens nous écoutent, on doit décoller l’étiquette de parti montréalais. Ça ne réglera pas tout, mais c’est essentiel », a laissé tomber Mme Labrie.
De son côté, Émilise Lessard-Therrien a joué la carte de la ruralité et a fait valoir qu’elle est la seule qui connaît bien la réalité des régions éloignées. Elle ferait ainsi contrepoids à Gabriel Nadeau-Dubois, un député urbain. Avec le départ de Mme Massé, elle estime qu’il ne faut pas oublier de « remettre le rêve au cœur du discours de Québec solidaire ».
Le vote n’est pas rationnel, il est très affectif. Il faut solliciter cette fibre.
Émilise Lessard-Therrien
Elle estime que les militants doivent se demander « qui fera sortir Québec solidaire du plafonnement » et quelle candidate sera capable d’assurer la croissance du parti. Elle fait valoir que comme ex-députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, elle pourra y parvenir.