(Ottawa) « Extrêmement grave », « épouvantable », « incendiaire » : la députée conservatrice Rachael Thomas s’est attiré l’opprobre d’élus de toutes les formations politiques en accusant CBC d’être dans le camp du Hamas.

La porte-parole de la formation en matière de Patrimoine canadien a formulé l’allégation devant un comité en rappelant l’existence d’une note interne dans laquelle le diffuseur public demande à ses journalistes d’éviter le mot « terroriste » pour désigner les miliciens du Hamas.

Elle l’a fait alors qu’elle revenait à la charge avec sa demande de convoquer des cadres de la société d’État au Comité permanent du Patrimoine canadien, jeudi.

« La décision de CBC est absolument irresponsable, et consiste à colporter de la désinformation. Et c’est être du côté du Hamas, c’est être du côté des terroristes, c’est être contre la population juive, ce qui est mal », a-t-elle lancé.

Le député bloquiste Martin Champoux s’est aussitôt opposé, en plaidant que ces accusations « extrêmement graves » étaient de nature à mettre en péril la vie des journalistes de CBC/Radio-Canada qui couvrent la guerre entre Israël et le Hamas.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Martin Champoux

Je l’invite à faire preuve de prudence dans ses choix de propos, parce que ça peut causer énormément de dommages.

Martin Champoux, député du Bloc québécois

Le néo-démocrate Peter Julian s’est aussi offusqué de cette charge « extrêmement grave et incendiaire » de Rachael Thomas.

« Elle devrait s’excuser auprès de tous les journalistes. On peut être en désaccord sur certains points, mais les allégations épouvantables qu’elle vient de faire menacent la vie des journalistes », a-t-il reproché.

La principale intéressée a refusé de s’exécuter.

« Je souhaiterais que les membres de ce comité se préoccupent des vies innocentes d’individus juifs », a-t-elle renvoyé au micro avant d’être interrompue par le libéral Taleeb Noormohamed.

« Volontairement ou involontairement, elle fomente la discorde au sein de communautés où on ressent déjà beaucoup d’angoisse », a-t-il dénoncé.

Pas de rétractation

Loin de se rétracter, la députée Thomas en a ajouté une couche.

« C’est simple : La CBC elle-même a déclaré que qualifier le Hamas de terroriste revenait à prendre parti », a-t-elle énoncé en semblant bien peser chaque mot de son argumentaire.

« S’ils ne veulent pas qualifier le Hamas d’organisation terroriste, cela n’équivaut-il par à prendre parti ? », a-t-elle demandé à voix haute.

La semaine dernière, l’élue albertaine avait promis de faire de ce comité un « enfer », hérissée par la gestion procédurale de sa présidente, la libérale Hedi Fry.

Elle a depuis présenté ses excuses.

La note controversée

Dans la note interne au cœur de la tempête, le directeur des normes et des pratiques journalistiques, George Achi, demande aux journalistes d’éviter le terme « terroriste » pour désigner « les militants et les soldats ».

La notion de terrorisme « reste fortement politisée et fait partie de l’histoire », ajoute-t-il dans le message qui a fuité dans les médias.

Le rédacteur en chef de CBC News, Brodie Fenlon, a fait valoir dans un billet de blogue (en anglais) que l’attribution du mot terroriste était une politique en vigueur « depuis des décennies ».