Québec et Ottawa haussent le ton dans le dossier de l’aéroport Montréal-Trudeau, où les problèmes se multiplient. Les ministres des Transports, provincial et fédéral, ont tous deux évoqué jeudi l’urgence d’agir pour améliorer l’accès des voyageurs. À Ottawa, on envisage d’augmenter les investissements dans les infrastructures.

« La ministre n’aime pas ce qui est actuellement rapporté dans les médias. Toutes les organisations ont un rôle à jouer et des responsabilités à assumer pour améliorer l’accès à l’aéroport. […] Les Québécois s’attendent à des actions pour améliorer la fluidité aux abords de l’aéroport. On doit travailler ensemble », a déclaré jeudi le cabinet de la ministre québécoise des Transports, Geneviève Guilbault.

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La ministre provinciale des Transports, Geneviève Guilbault

Elle réagissait ainsi à un reportage de La Presse paru jeudi, qui abordait les embûches qui s’accumulent à l’aéroport de Montréal, dont les files d’attente en voiture ou en autobus, ou les délais d’attente à la douane. Selon plusieurs observateurs, le pire est à venir, puisque des travaux majeurs doivent prochainement avoir lieu pour augmenter la capacité du débarcadère.

Lisez le dossier « Les sept plaies de Montréal-Trudeau »

Dans une lettre envoyée au nouveau PDG d’Aéroports de Montréal (ADM), Yves Beauchamp, nommé en juillet, la ministre Guilbault indique vouloir le « convoquer rapidement à une rencontre » pour discuter de « nombreux dossiers », dont la question de la gestion de la circulation.

Mme Guilbault soutient avoir fait des gestes, notamment pour imposer plus de sanctions aux taxis illégaux, l’un des fléaux qui frappent aussi l’aéroport. Mais pour le reste, elle écrit que « les touristes sont en droit de s’attendre à une belle expérience lorsqu’ils fréquentent votre enceinte, qu’ils y entrent ou en sortent ». « Notre métropole est une vitrine et une porte d’entrée majeure du Québec à l’international », insiste l’élue.

« Je souhaite également que nous fassions un suivi serré des étapes à venir dans la mise en service d’une station du Réseau express métropolitain [REM] à ADM. Je vous rappelle que la construction de celle-ci relève de votre responsabilité », poursuit la ministre, en soutenant qu’il sera « impératif » d’avoir une liaison entre l’aéroport et le centre-ville en 2027 pour améliorer les déplacements des voyageurs.

Dans les coulisses, on souligne au gouvernement que la Ville de Montréal « a un rôle très important à jouer dans la fluidité et l’accès à l’aéroport » et « qu’on s’attend à des résultats tangibles pour les citoyens ». « Une grande partie des solutions se trouvent du côté de la Ville et de l’aéroport », insiste-t-on encore.

À la Ville de Montréal, la responsable de la mobilité, Sophie Mauzerolle, convient qu’il est « crucial d’améliorer la fluidité à l’aéroport ». « On salue l’engagement de Québec et d’Ottawa pour agir de façon urgente afin de régler la situation et nous leur offrons notre pleine collaboration », détaille-t-elle.

Plus d’argent en vue d’Ottawa ?

Sur les ondes du 98,5 FM, le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, a reconnu jeudi que la situation est « compliquée à Montréal ». « Qui est responsable ? Je dirais un peu tout le monde. Tout le monde doit faire un petit peu mieux », a plaidé celui qui vient d’entrer en poste aux Transports.

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Le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez

L’élu, qui devait rencontrer la direction d’ADM, assure « multiplier » les rencontres avec les aéroports, mais aussi les entreprises de sécurité, les contrôleurs et les compagnies aériennes pour se faire une idée sur la question. « Il ne faut pas se pointer du doigt. Il y a un paquet de problèmes et il faut les régler […] en mettant tout le monde ensemble. »

Le ministre n’exclut pas d’augmenter les investissements du fédéral dans les infrastructures. « Est-ce que ça prend plus d’infrastructures ? Je vais regarder ça aussi, mais c’est un ensemble », a-t-il dit, en soutenant qu’il faut aussi « assez de monde à la sécurité, assez de monde aux contrôles aériens et aux frontières ».

Dès novembre 2021, l’ancien PDG d’ADM, Philippe Rainville, avait prévenu qu’il faudrait injecter beaucoup d’argent dans l’aéroport Montréal-Trudeau au sortir de la pandémie. À l’époque, M. Rainville parlait de « quelques milliards » pour se refaire une santé financière. Jusqu’ici, ADM a touché 170 millions d’Ottawa, dont 100 millions pour le REM, qui coûtera 600 millions.

« Au-delà de ça, ADM ne reçoit aucune autre subvention et continue de payer un loyer de 12 % de ses revenus à Transports Canada [68,3 millions en 2022], en plus de paiements en remplacement d’impôts aux municipalités et autres taxes de 45,7 millions en 2022 », dit la porte-parole d’ADM, Anne-Sophie Hamel.

Le cabinet de M. Rodriguez rappelle que le projet de loi C-52, déposé par son prédécesseur Omar Alghabra, aura justement pour objet d’imposer aux acteurs de l’industrie aérienne de « mieux se partager l’information » entre eux. Le projet de loi en question, qui est à l’étude, veut notamment établir des normes de service et forcer les exploitants à diffuser des données de performance y étant liées.

En savoir plus
  • 2,27 milliards
    En date de juin, la dette nette d’ADM était de 2,27 milliards. Il s’agit de la différence entre le solde brut à payer des obligations à long terme et le montant disponible dans la trésorerie.
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