(Charlottetown) Le gouvernement Trudeau jongle avec l’idée de tenir un sommet national sur la crise du logement afin de déterminer rapidement les solutions qui permettraient d’éviter que cette crise, qui touche toutes les régions du pays et qui a déjà fait perdre des plumes aux libéraux dans les sondages, ne s’aggrave davantage.

Ce sommet national pourrait réunir à la même table les principaux acteurs de l’industrie de la construction, les syndicats, les institutions financières, les premiers ministres des provinces, les maires des grandes villes, entre autres. L’idée de tenir un tel sommet germe dans les rangs libéraux depuis quelques semaines et elle fera partie des discussions durant la retraite de trois jours du Cabinet fédéral qui a commencé lundi, à Charlottetown.

La crise du logement est devenue un « enjeu national » qui requiert une mobilisation de tous, ont convenu à tour de rôle des ministres du Cabinet qui ont défilé devant les micros.

Selon les estimations de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), il faudrait construire 5,8 millions de logements d’ici 2030 pour remettre le pays sur les rails de l’abordabilité en matière de logement. Or, il faudrait construire trois fois plus de logements par année pour y arriver, le rythme actuel de construction (environ 280 000 logements par année) ne permettant de construire qu’environ 2,3 millions de logements.

« Le gouvernement fédéral ne peut à lui seul régler cette crise. Il n’y a pas un gouvernement qui a toute la solution, a confié à La Presse le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Ensemble, on doit être capables d’avoir la bonne solution. »

Le rôle du gouvernement fédéral, dans un moment comme celui que l’on vit, c’est de rassembler les gens et de dire : qu’est-ce que l’on peut trouver comme solution nationale à un enjeu national ? C’est un enjeu qui touche à peu près toutes les régions du pays.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Durant la retraite du Cabinet, les ministres pourront entendre plusieurs experts du logement, notamment Romy Bowers, présidente et première dirigeante de la SCHL, Tim Richter, président de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance et coauteur d’un rapport publié la semaine dernière sur la crise du logement, Mike Savage, maire d’Halifax et président du caucus des maires des grandes villes, et Benjamin Tal, économiste à la Banque CIBC.

« L’important, c’est d’amener tous les partenaires autour de la table. Pendant l’été, on a eu la chance d’écouter les gens à travers le pays. C’est clair que le rêve et l’accessibilité au logement, c’est l’enjeu numéro un des Canadiens à travers le pays. Il va y avoir des discussions à ce sujet au cours des prochains jours », a ajouté M. Champagne, ministre influent au sein du gouvernement Trudeau.

Croisade antilibérale

Au cours des derniers mois, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a dénoncé la hausse vertigineuse des prix des maisons et des logements, accusant le premier ministre Justin Trudeau d’être responsable de cette flambée des prix en raison des dépenses élevées et incontrôlées de son gouvernement libéral.

La croisade du chef conservateur fait mal aux troupes libérales. Plusieurs sondages publiés au cours de l’été donnent une avance de 7 à 10 points au Parti conservateur sur le Parti libéral dans les intentions de vote à l’échelle du pays.

Dans un rapport publié la semaine dernière, trois organisations – l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, l’Institut pour l’IntelliProspérité et REALPAC – pressent le gouvernement Trudeau d’adopter une « stratégie industrielle sur le logement » afin de s’attaquer à la crise. Les constructeurs privés et publics, des experts, des investisseurs et des groupes de travailleurs devraient être mis à contribution.

Certains estiment que le gouvernement fédéral doit consacrer à la crise actuelle les mêmes efforts soutenus qu’il avait consentis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour construire des milliers de logements aux soldats canadiens qui rentraient au pays.

Moins d’étudiants étrangers ?

Le nouveau ministre du Logement, des Infrastructures et des Collectivités, Sean Fraser, a affirmé qu’il n’existe pas de « solution magique » à la crise actuelle. Mais il croit dur comme fer qu’Ottawa peut et doit jouer un rôle déterminant.

PHOTO DARREN CALABRESE, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre du Logement, des Infrastructures et des Collectivités, Sean Fraser

Il y a beaucoup de voix qui doivent se faire entendre à la table. Mais les Canadiens veulent que le gouvernement fédéral joue un rôle de leadership. Et contre vents et marées, nous allons le jouer.

Sean Fraser, ministre du Logement, des Infrastructures et des Collectivités

« Il faut déterminer les mesures qui auront le plus grand impact le plus rapidement possible », a affirmé le ministre, qui dit avoir lu le rapport de la semaine dernière avec intérêt.

Il a laissé entendre qu’Ottawa pourrait plafonner le nombre d’étudiants étrangers qui entrent au pays afin d’atténuer la pression sur le marché du logement. « Je pense que c’est l’une des options que nous devrions envisager », a-t-il indiqué. L’an dernier, le Canada a accueilli plus de 800 000 étudiants étrangers.