(Montréal) Les ministres fédéraux se pencheront en priorité sur la crise de l’habitation au cours de leur retraite de trois jours qui s’amorce cette semaine à Charlottetown.

Beaucoup de nouveaux visages seront présents pour cette occasion. Il s’agit de la première réunion du nouveau conseil des ministres depuis l’important remaniement de la fin de juillet. Sept nouveaux ministres ont accédé à l’Olympe tandis que 19 autres s’occupent de nouveaux dossiers.

La crise de l’habitation devient un sujet brûlant pour le gouvernement fédéral qui est en train de perdre l’appui de la jeune génération de Canadiens dont les rêves de pouvoir s’acheter une première propriété sont en train de s’estomper à cause de l’escalade des prix.

Aucune grande annonce politique n’est attendue. Les ministres écouteront des experts parler de l’habitation et de la jeunesse afin de pouvoir prendre des mesures au cours de l’automne.

Le gouvernement pourrait notamment lancer des négociations sur un accord national sur l’habitation. Une telle entente permettrait à tous les ordres de gouvernement, aux agences sans but et aux entreprises de construire les 5,8 millions de logements nécessaires pour rendre le marché plus abordables d’ici 2030.

Cette rencontre ministérielle survient au moment où les libéraux fédéraux continuent de plonger dans les sondages.

Un électorat épuisé par la pandémie et par l’inflation galopante semble se laisser plus facilement séduire par le message conservateur. Le chef Pierre Poilievre répète sur tous les tons que les libéraux ont cassé le Canada.

« Ils [les libéraux] ont créé un espace pour le message de Poilievre. Et celui-ci reste dans la tête de certains. Ils doivent commencer à répliquer », juge Susan Smith, une stratège libérale et cofondatrice du Bluesky Strategy Group.

Selon elle, le gouvernement doit désormais tenir compte de la situation économique du pays qui s’est transformée depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux.

« La réalité économique s’est transformée radicalement », lance Mme Smith.

Les récentes enquêtes sur les intentions de vote indiquent que les conservateurs s’approchent d’une majorité possible, mais des élections générales ne sont pas imminentes.

Les libéraux ont conclu une entente avec le NPD afin de permettre au Parlement actuel minoritaire de fonctionner jusqu’en 2025. Même si cet accord pourrait finir par échouer, rien n’indique que cela pourrait survenir au cours des prochains mois.

Le recul des appuis au sein des plus jeunes électeurs pourrait représenter une épée de Damoclès au-dessus de la tête des libéraux.

L’appui massif accordé par les jeunes électeurs avait conduit Justin Trudeau au pouvoir en 2015, mais depuis cet électorat semble s’éloigner de plus en plus des libéraux.

Par exemple, un sondage mené en ligne par la firme Léger indiquait que les libéraux accusaient un retard de six points de pourcentage sur les conservateurs. L’écart dépassait les 10 points parmi les 18 à 34 ans.

« Les jeunes de 18 ans qui ont voté pour les libéraux en 2015 ont peut-être aujourd’hui une jeune famille ou sont entrés sur le marché du travail. En conséquence, le logement est vraiment un enjeu », résume Mme Smith.

Elle ajoute que la crise touche plusieurs groupes d’âge.

Les données de Statistique Canada indiquent que le salaire moyen a augmenté d’environ 26 % depuis 2015, le prix d’une maison a grimpé de plus de 70 %.

Parmi les autres personnalités qui viendront s’adresser aux ministres libéraux, notons Paul Kershaw, de l’Université de la Colombie-Britannique, Tim Richter, président de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance et Mike Moffatt, directeur du centre PLACE.

Les deux derniers ont récemment écrit avec Michael Brooks un rapport sur la situation du logement au pays. Selon une importante source libérale, celui-ci pourrait se transformer en « liste des tâches » à faire pour le gouvernement.

Les auteurs recommandaient notamment la création d’un plan coordonné avec les trois ordres de gouvernement et la mise en place d’une stratégie industrielle dirigée par une table ronde réunissant les constructeurs publics et privés, le secteur du logement à but non lucratif, les investisseurs et les travailleurs. « Ce plan devrait prévoir une meilleure collecte de données, des prévisions démographiques plus solides et plus fréquentes, ainsi qu’une meilleure recherche pour comprendre le système de logement du Canada », peut-on lire.

En entrevue, M. Moffatt a indiqué qu’il comptait répéter aux ministres le contenu du rapport. Pour lui, le faire d’être invité à leur parler est un signal positif que les recommandations ne seront pas oubliées sur une tablette.

« Si les ministres se fichaient de ce que nous avons à dire, ils ne nous auraient pas invités », plaide-t-il.