(Charlottetown) Le gouvernement fédéral envisage sérieusement de plafonner le nombre de visas octroyés à des étudiants étrangers afin de notamment pallier à la crise du logement.

« Il y a plusieurs éléments qu’on regarde, notamment un plafond. […] C’est quelque chose qu’on va voir en profondeur », a déclaré mardi le nouveau ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, lors d’une mêlée de presse improvisée en marge de la retraite du cabinet fédéral à Charlottetown, la capitale de l’Île-du-Prince-Édouard.

M. Miller a expliqué qu’environ 700 000 étudiants sont présentement détenteurs d’un visa d’étudiant étranger. « C’est un chiffre énorme », a-t-il lancé.

« Ce sont pour la grande partie des gens qui viennent étudier, apprendre au Canada, peut-être bénéficier au pays à long terme, mais le volume, ça a eu un impact sur le logement en particulier. »

Le ministre Miller vise notamment à s’attaquer à ceux qui « abusent du système », une discussion qui passera notamment à travers les provinces qui sont responsables d’accréditer les institutions d’enseignement.

Plus tôt cette année, des centaines de personnes ont été soupçonnées d’avoir été prises dans un stratagème frauduleux dans lequel des agents d’immigration émettaient de fausses lettres d’acceptation pour faire venir des étudiants au Canada.

M. Miller a été incapable d’évaluer à quel point les étudiants internationaux représentent une pression sur l’offre de logements et a assuré que « même nos meilleurs experts ne seraient pas en mesure » de le dire précisément.

« La crise du logement n’a pas été créée par l’immigration ou les étudiants internationaux, mais l’augmentation du volume est quelque chose que nous ne pouvons pas ignorer », a-t-il dit.

Quoi qu’il en soit, M. Miller a dit ne pas envisager de scénario où Ottawa baisserait sa cible générale d’accueillir 500 000 immigrants par année. Du même souffle, il dit ne pas être « dogmatique » et assure qu’il va s’intéresser aux analyses « de tous les acteurs qui parlent des bénéfices de l’immigration, mais aussi des effets pervers qui se présentent ».

Questionnée à savoir si les ministres ont discuté d’une baisse des seuils d’immigration comme d’une solution à la crise, la vice-première ministre, Chrystia Freeland, a affirmé que les ministres sont « tous d’accord avec ce que le ministre Miller a dit ».

Bien qu’elle aussi insiste sur l’importance de l’immigration pour le Canada, elle juge également important d’« assurer les Canadiens qui sont ici, surtout pour assurer la jeunesse canadienne et pour rassurer les immigrants, les nouveaux Canadiens, qu’on aura assez de logements pour tout le monde ».

Or, sur ce sujet délicat, tous ne sont visiblement pas sur la même longueur d’onde.

Le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, juge quant à lui que ce serait « une solution simpliste et probablement pas tout à fait efficace » de s’attaquer aux cibles d’immigration « précisément parce que dans beaucoup de cas, les immigrants qu’on amène sont ceux et celles qui vont participer dans les projets de construction ».

Des experts s’adressent aux ministres

La deuxième de trois journées de la retraite du cabinet a également été marquée par la présentation faite par deux experts en logement des conclusions d’un récent rapport sur le rôle du gouvernement fédéral pour résoudre la crise à travers le pays.

« C’est un problème vraiment complexe. En fait, c’est un peu un nœud gordien lorsqu’il s’agit de politiques, et je pense que nous avons réussi à tracer une voie à suivre, une issue », a déclaré Tim Richter, président-directeur général de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, après la rencontre.

Parmi les solutions évoquées : financer des projets à long terme, réintroduire des crédits d’impôt pour construire des appartements et mettre sur pied une stratégie nationale d’innovation pour augmenter la productivité dans le secteur du logement, a énuméré Mike Moffatt, directeur principal des politiques et de l’innovation au Smart Prosperity Institute.

En mêlée de presse, ils ont indiqué que plusieurs de leurs propositions sont peu coûteuses, comme supprimer les taxes de vente sur certains types de projets de construction, accélérer les approbations par l’intermédiaire de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) ou encore que l’organisme propose « un catalogue de modèles de logements préapprouvés, tout comme elle l’a fait dans les années 1940 et 1950 ».

MM. Richter et Moffatt soutiennent qu’une nouvelle stratégie nationale rassemblant les gouvernements, le secteur privé et les organismes sans but lucratif est nécessaire pour remédier à la pénurie de logements, et à la pénurie de logements abordables en particulier.

Les libéraux prévoient de faire du logement l’axe central de leurs efforts lors de la prochaine session parlementaire.

Les données du plus récent recensement national suggèrent qu’en 2021, environ 10 % de la population, soit 1,5 million de personnes, avait besoin d’un logement abordable, alors que le logement social ne représentait qu’environ 3,5 % du parc de logements du pays.

Les auteurs du rapport souhaitent que le Canada vise à doubler cette proportion.