Le gouvernement Legault a trop tardé à reconnaître la crise du logement et doit impérativement et immédiatement dresser un état de situation et préparer un plan de sortie de crise.

« Ça prend des chiffres pour comprendre qu’on avance. Où est le plan d’action ? », s’est interrogé le président et directeur général de Centraide du Grand Montréal, Claude Pinard, lors d’une conférence de presse organisée par l’Institut de développement urbain du Québec, mercredi dans la métropole.

Dans une rare sortie commune, des acteurs du secteur de la construction, de l’immobilier, du milieu communautaire et des élus municipaux ont lancé un cri d’alarme qu’ils espèrent être entendus jusque dans le bureau du premier ministre François Legault.

« Actuellement, il y a des familles qui se retrouvent sans logis et je dois vous dire que si on ne réagit pas aujourd’hui, le 1er juillet 2024, le 1er juillet 2025, le 1er juillet 2026 seront pires encore », a affirmé la présidente-directrice générale de l’Institut, Isabelle Melançon.

Souffrance humaine

« On veut éviter que les ménages souffrent humainement. On veut aussi éviter que des jeunes doivent renoncer à leurs projets d’études faute de se trouver un logement abordable dans les villes étudiantes du Québec. On veut éviter que les entreprises voient leur croissance freinée par l’inaction », a-t-elle ajouté.

Déplorant l’absence de grands projets de construction de logements sociaux ou abordables, Claude Pinard a ainsi illustré ce que ça signifie : « Vous n’avez qu’à regarder à l’extérieur et voir ces tours de condos qui sont magnifiques, mais qui, pour une femme monoparentale qui gagne 45 000 $, qui cherche un 4 et demi, n’a pas les moyens de payer 2500 $ pour venir s’installer dans le centre-ville de Montréal. »

« Pour beaucoup de personnes en situation de vulnérabilité, le logement est la plus grosse dépense. C’est le premier indicateur de la pauvreté chez la personne. Ça fait en sorte que lorsque vous payez 50 % de vos revenus nets pour vous loger, vous êtes en banque alimentaire le 15 (du mois) au lieu du 28 », a-t-il fait valoir.

Des chantiers au plus vite

Tous s’entendent pour dire que la crise est imputable à une offre de logements insuffisante et que cette situation va s’aggraver puisque l’on prévoit une baisse du nombre de mises en chantier, alors qu’elles devraient être multipliées par trois pour soulager le marché.

Et pour le vice-président aux affaires publiques de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), Marc-André Plante, on ne peut plus laisser traîner. « On veut que dès mars 2024 les chantiers repartent partout au Québec. On veut qu’on soit en action, qu’un plan d’action commun, discuté, soit déposé. On veut du logement pour tout le monde. On veut du logement communautaire. On veut du logement abordable », a-t-il déclaré.

Inertie gouvernementale

Isabelle Melançon n’a pas hésité à pointer du doigt l’inertie du gouvernement caquiste, rappelant que Québec a longtemps refusé de reconnaître l’existence d’une crise du logement. « Tant et aussi longtemps qu’on ne nomme pas la crise – parce que c’est une crise dont il est question – c’est difficile d’y faire face. Quand on n’a pas le bon diagnostic, c’est difficile d’avoir le bon remède », a-t-elle tranché.

Pourtant, poursuit-elle, tous les signes étaient là. « On avait vu la diminution des mises en chantier venir. On avait vu l’augmentation des taux d’intérêt faire des bonds spectaculaires. On avait aussi bien sûr remarqué qu’il manquait d’offre au Québec en logement et qu’il manquait d’abordabilité. »

« Devant la non-réponse du gouvernement, on a repris la route, on est allés rencontrer les partenaires municipaux », a-t-elle raconté, soulignant que l’initiative avait l’appui des élus de Montréal, Québec, Gatineau, Trois-Rivières, Longueuil, Laval et Rimouski.

Pour eux, toutes les mesures avancées jusqu’ici attaquent d’ailleurs le problème à la pièce, ce qui ne permettra pas de résoudre la crise à moyen ou long terme. Ils font valoir, dans une lettre ouverte publiée mercredi matin, que « l’habitation est un enjeu qui concerne également les infrastructures, le transport, l’économie, la santé, l’immigration, les aînés et l’itinérance » et que cette complexité « appelle une approche transversale » impliquant plusieurs ministères et d’autres acteurs de la société.