(Ottawa) Louise Arbour, Louise Otis, Irwin Cotler, Guy Saint-Jacques : pressé de voir le gouvernement annoncer le déclenchement d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère avant les vacances d’été, le Bloc québécois prend l’initiative de proposer les noms de personnes qui auraient, selon lui, les compétences requises afin de mener l’exercice.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a écrit lundi soir au ministre Dominic LeBlanc pour lui résumer ses attentes quant aux contours d’une possible enquête publique, mais également afin d’avancer les noms de personnes qui pourraient se retrouver aux commandes d’un tel exercice.

Parmi eux figurent Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, Louise Otis, présentement juge au tribunal de l’OCDE, Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice libéral, ainsi que Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine.

« Je veux remercier le chef du Bloc québécois d’avoir soumis des noms intéressants et raisonnables. Nous sommes très ouverts à les regarder et continuer de travailler avec eux pour établir un processus qui va avoir la confiance de cette Chambre », a réagi le premier ministre Justin Trudeau à la période des questions.

D’après le chef Blanchet, il pourrait par ailleurs être pertinent de nommer des commissaires adjoints. « À titre d’exemple, monsieur Jean-Pierre Kingsley, ancien directeur général des élections du Canada, pourrait ainsi occuper un poste de commissaire adjoint », a-t-il avancé dans sa missive de lundi.

La GRC enquête

M. Blanchet a proposé cette brochette de candidats au moment même où le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Michael Duheme, a indiqué que le corps policier a ouvert une enquête sur les allégations selon lesquelles le député conservateur Michael Chong et des membres de sa famille vivant à Hong Kong ont été la cible d’une campagne d’intimidation de la part du régime communiste chinois en 2021.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Michael Duheme

Appelé à témoigner devant un comité parlementaire, mardi, le commissaire Duheme a précisé que la GRC se penche également sur les allégations similiaires visant l’ancien chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, et la députée du NPD, Jenny Kwan.

Il a expliqué que la GRC a communiqué avec le bureau du Commissaire aux élections fédérales à ce sujet dans la foulée des révélations du quotidien The Globe and Mail.

« L’intimidation des députés est préoccupante, car elle constitue une menace pour la sécurité des dirigeants élus et pour notre démocratie », a certifié le commissaire Duheme, ajoutant que la GRC travaille de concert avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans ce dossier.

Blanchet veut de l’action avant les vacances

Au sujet de la commission d’enquête, « nous devons procéder rapidement, parce qu’il va de soi que le Parlement doit disposer de cet enjeu avant la fin de la présente session, soit dans 11 jours », a plaidé le chef bloquiste Yves-François Blanchet dans sa missive au ministre LeBlanc.

Invité par le chef bloquiste à se prononcer sur l’échéancier, Justin Trudeau n’a rien promis. « Nous sommes d’accord qu’il faut avancer de façon rapide et de la bonne façon, et je suis très ouvert à toutes ces discussions avec les partis d’opposition », s’est-il contenté de répondre.

Ayant échoué à susciter l’adhésion des partis d’opposition avec ce processus, le gouvernement a choisi de retourner les projecteurs vers eux, les mettant au défi de s’entendre sur la forme que devrait prendre une potentielle enquête publique.

Et les libéraux ne se privent pas de leur attribuer le blâme pour l’impasse qui a poussé le rapporteur spécial sur l’ingérence qu’avait nommé Justin Trudeau, l’ancien gouverneur général David Johnston, à remettre sa démission, vendredi dernier.

« On a vu, malheureusement, au fil des derniers mois, un niveau de partisanerie et de toxicité et d’attaques personnelles qui a été déplorable, mais je suis content que maintenant, les gens [soient] ouverts à prendre au sérieux l’enjeu de l’ingérence étrangère », a notamment raillé mardi le premier ministre.

Au gouvernement de trouver, selon le NPD

Si le Bloc a décidé d’aller de l’avant en identifiant de potentiels commissaires, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, pour sa part, préfère laisser ce soin au gouvernement. « Ce sont eux qui ont toutes les ressources pour faire les vérifications de sécurité », a-t-il plaidé en point de presse, lundi.

Il a cependant énoncé trois critères : la personne doit être un juge ou un ancien juge, ne doit pas avoir fait de dons politiques au cours de la dernière décennie et ne doit pas avoir d’affiliation avec la Fondation Pierre Elliott Trudeau.

Le Parti conservateur a aussi préféré, pour l’heure, évoquer des critères similaires.