(Ottawa) Les libéraux ont obtenu l’appui du Nouveau Parti démocratique (NPD) et du Bloc québécois pour l’adoption de leur projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Sans surprise, les conservateurs qui s’y opposaient depuis le début ont voté contre.

Sur les 333 députés composant actuellement la Chambre des communes, 207 ont voté pour et 113 contre, dont deux libéraux, Brendan Hanley du Yukon et Michael McLeod des Territoires du Nord-Ouest. Quelques minutes avant le suffrage, les conservateurs avaient tenté une manœuvre de dernière minute pour renvoyer le projet de loi en comité parlementaire et éviter le vote en troisième lecture, sans succès.

« C’est la plus importante législation [en] une génération », a réagi le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, dans une vidéo publiée sur Twitter après le vote. « Ça va renforcer l’interdiction nationale pour les armes d’assaut, ça va mettre en place un gel national pour les armes de poing et, finalement, l’introduction de protocoles rouges et jaunes pour mieux protéger les femmes et les jeunes filles. »

Les mesures « drapeau rouge » et « drapeau jaune » permettront respectivement à quiconque de demander au tribunal de confisquer des armes à feu par mesure de sécurité ou de suspendre le permis du titulaire.

Le ministre Marco Mendicino a ajouté qu’il espérait que le Sénat puisse adopter le projet de loi C-21 « aussitôt que possible ». Le débat en deuxième lecture à la Chambre haute doit débuter durant la semaine du 29 mai.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a de nouveau accusé le premier ministre Justin Trudeau de vouloir bannir les armes de chasse au moyen de C-21. « Ce n’est pas le chasseur de Saguenay qui fait des fusillades au centre-ville de Toronto, a-t-il dit en mêlée de presse. […] C’est des criminels et c’est des trafiquants d’armes, donc nous, les conservateurs, allons mettre des ressources dans le renforcement de la frontière pour empêcher l’importation des armes et nous allons mettre des vrais criminels récidivistes en prison pour protéger les citoyens. »

« Projet imparfait »

Le projet de loi C-21 avait soulevé la controverse l’automne dernier lorsque les libéraux avaient déposé des amendements de dernière minute visant à interdire les armes d’assaut. Celles-ci faisaient déjà l’objet d’une interdiction par décret. Le texte législatif visait au départ à imposer un gel sur les armes de poing.

Les amendements visaient à enchâsser l’interdiction des armes d’assaut dans la législation pour éviter qu’elle ne soit facilement infirmée par un éventuel gouvernement conservateur, tout en ajoutant davantage de modèles d’armes qui seraient prohibées. L’un de ces amendements comprenait une liste de plus de 300 pages de modèles qui seraient interdits, dont certaines armes utilisées par les chasseurs et les Autochtones, ce qui avait provoqué une levée de boucliers.

Les libéraux avaient retiré ces amendements quelques mois plus tard avant de soumettre de nouvelles modifications qui faisaient l’objet d’un plus large consensus et ont ainsi obtenu l’appui du NPD. Le chef Jagmeet Singh, qui avait dû dissiper les doutes sur la position de son parti concernant l’interdiction des armes d’assaut, n’a pas réagi jeudi.

« On a voté en faveur de ce projet imparfait, certes, mais au moins, on a contribué à son amélioration », a estimé pour sa part la députée bloquiste Kristina Michaud, qui a réussi à faire plusieurs gains lors de l’étude du projet de loi en comité parlementaire.

Parmi ceux-ci, le retrait des mots « fusils de chasse » dans la version française de la définition visant à interdire les armes d’assaut et celui de la longue liste d’armes prohibées. « On est allés faire adopter des amendements à l’unanimité sur le besoin d’avoir un permis valide de possession et d’acquisition pour acheter un chargeur », a-t-elle ajouté.

Le groupe PolySeSouvient a souligné dans un communiqué le progrès que représente C-21 pour protéger les victimes de violence conjugale contre la violence armée, mais il déplore du même souffle que l’interdiction des armes d’assaut dans la législation s’appliquera seulement aux nouvelles armes qui entreront sur le marché canadien, et non à celles qui sont déjà en circulation. Une définition d’armes prohibées et une liste auraient permis de retirer les armes d’assaut existantes et d’empêcher qu’elles soient mises en marché.

PolySeSouvient réclamait une interdiction des armes d’assaut plus robuste afin d’éviter de nouvelles tueries de masse comme celle de l’École Polytechnique en 1989.

L’histoire jusqu’ici

Mai 2022

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, dépose le projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu.

Novembre 2022

Les libéraux déposent deux amendements visant à interdire les armes d’assaut alors que les élus qui étudient le projet de loi en comité viennent de terminer d’entendre les groupes lors de leurs consultations. Le lobby des armes exige que le gouvernement fasse marche arrière et réussit à mobiliser de nombreux chasseurs.

Décembre 2022

L’Assemblée des Premières Nations s’oppose au projet de loi C-21 et réclame que les fusils utilisés par les Autochtones pour assurer leur subsistance, comme les SKS, soient retirés de la liste des armes prohibées.

Février 2023

Les libéraux retirent les amendements controversés, dont la longue liste de modèles d’armes d’assaut prohibés, et soumettent quelques mois plus tard de nouveaux amendements moins litigieux.