(Ottawa) Des députés canadiens se demandent avec quelle vigueur et quelle transparence ils devraient contester les mesures prises par le gouvernement israélien pour réduire le pouvoir des juges et étendre les colonies juives, illégales, en territoires palestiniens.

Les députés canadiens se demandent avec quelle vigueur et s’ils devraient publiquement contester les mesures prises par le gouvernement d’extrême droite d’Israël pour réduire le pouvoir des juges et étendre les colonies illégales sur les terres palestiniennes.

« Nous avons parfois des conversations difficiles, parce que nous sommes des amis. Mais ça ne veut pas dire que l’amitié est jetée par-dessus bord », a déclaré mardi la députée libérale torontoise Ya’ara Saks, lors d’une table ronde de députés majoritairement juifs.

Elle s’exprimait dans le cadre d’une conférence organisée par l’ambassade d’Israël pour marquer le 75e anniversaire de la création de l’État d’Israël, alors que le gouvernement de Justin Trudeau exprime de plus en plus ses inquiétudes concernant la politique du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Le nouveau gouvernement de coalition a autorisé l’expansion de colonies de peuplement juives dans les territoires palestiniens, illégale au regard du droit international — mais une prétention contestée par Israël. Ce nouveau gouvernement Netanyahou veut aussi permettre au Parlement israélien d’annuler des arrêts de la Cour suprême du pays.

Le Canada s’est dit publiquement préoccupé par ces deux mesures, ainsi que par la recrudescence des attentats terroristes perpétrés par des groupes palestiniens contre des Israéliens. Ottawa a aussi dénoncé l’assaut donné par la police israélienne contre la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, le mois dernier.

La table ronde de mardi s’est largement concentrée sur la réforme judiciaire en cours, qui a provoqué des manifestations monstres en Israël.

La députée Saks s’est dite préoccupée par cette réforme. Mais elle a souligné que cela ne change rien à la politique de longue date du Canada qui préconise une solution à deux États dans cette région du Proche-Orient.

Au-delà de tout alignement éventuel d’Ottawa sur le gouvernement israélien, elle a déclaré que le Canada plaiderait pour l’autodétermination des Israéliens et des Palestiniens, et que le financement de l’aide pour des projets visant à réduire les tensions entre les deux camps était essentiel pour créer les conditions de la paix.

Housefather plus prudent

Un autre libéral, le député montréalais Anthony Housefather, a affirmé de son côté qu’il valait mieux soulever en privé les préoccupations concernant la démocratie israélienne.

« Je crois qu’en général, vous voulez éviter de critiquer vos amis en public, a-t-il déclaré. Israël est constamment pointé du doigt dans les organisations internationales. »

M. Housefather a déclaré qu’il soutenait en privé que le recul démocratique en Israël rendait plus difficile pour les Canadiens de défendre cet État. Le député de Mont-Royal a expliqué qu’il ne parlait publiquement que des questions qui affectent tous les Juifs, comme l’accès aux espaces de prière en Israël ou à la citoyenneté.

M. Housefather a déclaré qu’il soutenait en privé que le recul démocratique en Israël rendait plus difficile pour les Canadiens de défendre cet État. Le député de Mont-Royal a expliqué qu’il ne parlait publiquement que des questions qui affectent tous les Juifs, comme l’accès aux espaces de prière en Israël ou à la citoyenneté.

Lors de la table ronde, M. Housefather a révélé que les députés membres du Groupe interparlementaire Canada-Israël se réuniront la semaine prochaine pour entendre un législateur du gouvernement israélien et un politicien de l’opposition afin de comprendre tous les enjeux de la réforme judiciaire et de déterminer comment le Canada devrait réagir.

La cheffe adjointe des conservateurs à Ottawa, Melissa Lantsman, a déclaré qu’elle n’interviendrait « jamais » sur une question de politique intérieure en Israël, car il n’existe pas de consensus parmi ses électeurs, et cela n’attire que les critiques d’Israël.

Mme Lantsman a fait valoir que malgré le fait que le Canada se soit rangé du côté d’Israël lors de presque tous les votes aux Nations unies, les partis politiques hésitent à condamner les attaques contre Israël en raison de la politique partisane. « Le poids du nombre ne sera jamais en faveur de la communauté juive, qui est souvent seule dans les moments où c’est vraiment, vraiment difficile », a-t-elle déclaré.

La députée ontarienne a spécifiquement dénoncé le silence des partis en mai 2021, lorsqu’une crise sur les expulsions de familles palestiniennes avait conduit à des attaques à la roquette contre Israël, suivies de frappes aériennes dans la bande de Gaza. L’organisme B’nai Brith Canada avait ensuite documenté une augmentation des incidents antisémites ce mois-là.

Anti-israéliens ou antisémites ?

Le député néo-démocrate Randall Garrison a déclaré à la table ronde qu’il avait encouragé son chef, Jagmeet Singh, « à être plus énergique » en soulignant le soutien du parti à une solution à deux États. Le NPD a recommandé des sanctions et un gel des ventes d’armes à Israël, mais M. Garrison a déclaré que certains éléments du parti voulaient aller bien au-delà.

« Il y a des voix très fortes dans mon parti qui sont anti-israéliennes et antisémites, je ne le nierai pas, a déclaré le député de la Colombie-Britannique. Je ne crois pas qu’ils représentent la majorité des néo-démocrates. Ils ne représentent certainement pas notre caucus au Parlement. »

Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international des Communes a voté mardi pour examiner les tendances récentes en Israël, mais aussi la violence des groupes terroristes contre les Israéliens. Les membres de tous les partis, sauf les conservateurs, ont voté en faveur de la tenue de ces audiences.

Le NPD, qui avait proposé cet examen, a accepté les amendements libéraux qui changeaient une référence à la « Palestine » pour parler plutôt de « la Cisjordanie et Gaza » — la façon dont le gouvernement se réfère à ces territoires.

Plus tôt cette semaine, le Canada a imité de nombreux pays occidentaux en ne participant pas à un évènement lundi aux Nations unies commémorant le déplacement forcé de Palestiniens lors de la fondation d’Israël, appelé la « Nakba », qui signifie « catastrophe » en arabe. Affaires mondiales Canada n’a pas répondu aux questions sur les raisons pour lesquelles sa délégation n’était pas présente à cette commémoration.

À la Chambre des communes, plus tôt ce mois-ci, la députée libérale Ruby Sahota et le député néo-démocrate Alexandre Boulerice avaient tous deux appelé Ottawa à souligner la « Nakba ».