(Ottawa) Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a décidé de ne pas rencontrer l’ancien gouverneur général David Johnston, qui enquête notamment sur les allégations d’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes.

Le premier ministre Justin Trudeau a nommé M. Johnston « rapporteur spécial » pour examiner les lacunes possibles dans la réponse du gouvernement fédéral à l’ingérence étrangère – et recommander s’il y a lieu de tenir une enquête publique.

M. Poilievre soutient que M. Johnston est incapable de remplir sa tâche de manière indépendante parce qu’il a déjà été membre de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, qui fait justement l’objet d’un examen minutieux pour avoir accepté un don qui serait lié au gouvernement chinois.

Le chef conservateur a indiqué aux journalistes jeudi qu’il avait envoyé une lettre à M. Johnston en avril lui demandant comment il pouvait enquêter sur la Fondation Trudeau de manière indépendante, mais qu’il n’avait pas reçu de réponse du rapporteur spécial.

M. Johnston, qui avait été nommé gouverneur général en 2010 par le premier ministre conservateur Stephen Harper, déclarait à CTV en 2016 que les liens d’amitié de sa famille avec les Trudeau remontaient à des décennies et qu’ils avaient l’habitude de faire du ski ensemble.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPECIALE

L’ex-gouverneur et « rapporteur spécial » David Johnston

Il a aussi déclaré que sa femme était également devenue une proche de la famille Trudeau lorsqu’ils vivaient tous sur la propriété de Rideau Hall, à Ottawa. En 2017, à la fin du mandat de M. Johnston à Rideau Hall, Justin Trudeau l’avait qualifié d’« ami de la famille », lors d’un discours au Parlement.

« C’est un ami de Justin Trudeau, un voisin au chalet, un ami familial et un membre de la Fondation Trudeau, qui a reçu 140 000 $ de Pékin », a déclaré en français M. Poilievre jeudi. « Donc, la Fondation Trudeau est impliquée dans l’ingérence étrangère, et M. Johnston est impliqué dans la Fondation Trudeau.

« Il a un travail bidon et il est incapable de l’effectuer de manière impartiale. Il doit simplement se retirer et autoriser une enquête publique indépendante sur l’ingérence de Pékin », a-t-il soutenu en anglais.

Le chef conservateur a déclaré que le Canada devait abandonner la « distraction du rapporteur spécial » et lancer une enquête publique pour se pencher sur les allégations d’ingérence étrangère chinoise dans les élections fédérales de 2019 et de 2021.

Les autres chefs ont rencontré M. Johnston

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a écrit mercredi soir sur Twitter qu’il avait rencontré M. Johnston, « rapporteur peu indépendant », et qu’il avait réclamé une commission d’enquête indépendante. « On s’est pas invités à souper », conclut M. Blanchet.

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a lui aussi rencontré M. Johnston, aux côtés de la députée de Vancouver Jenny Kwan, qui n’avait pas encore été informée qu’elle était une cible potentielle d’ingérence étrangère.

« Nous avons demandé à Jenny d’y assister, car elle a écouté très activement la communauté chinoise faire part de ses préoccupations concernant l’ingérence étrangère », a déclaré le NPD dans un communiqué. « Une grande partie de la discussion publique sur la question s’est concentrée sur les politiciens et nous voulions nous assurer que l’impact sur les gens ordinaires était pris en compte » par le rapporteur spécial.

Le NPD a déclaré qu’il avait sollicité cette rencontre et que M. Singh avait demandé au rapporteur spécial de recommander la tenue d’une enquête publique.

M. Johnston a siégé au conseil d’administration d’une quinzaine d’entreprises publiques et il a été nommé membre de la Fondation Trudeau en 2018.

Dans le cadre de son mandat de rapporteur spécial, il devra notamment déterminer ce que M. Trudeau, son personnel politique et les ministres savaient sur les tentatives d’ingérence par des agents étrangers, et ce que le gouvernement a fait à ce sujet. Le gouvernement assure que M. Johnston a accès à des documents secrets pour mener son enquête.

Le rapporteur spécial devrait formuler ses recommandations sur la nécessité ou non d’une enquête publique d’ici la semaine prochaine, mais il a jusqu’à la fin d’octobre pour terminer son examen.