(Ottawa) L’opération de rapatriement des Canadiens coincés au Soudan se met en branle sur fond de cessez-le-feu : un avion C-17 canadien est dans la région et attendait lundi soir qu’on lui ordonne de décoller. Déjà, 58 Canadiens ont été évacués à bord d’un appareil allemand, mais la mission ne sera pas simple, prévient un ancien diplomate canadien qui a œuvré au Soudan et au Soudan du Sud.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé lundi qu’un avion de l’Allemagne avait décollé de la capitale soudanaise, Khartoum, avec à son bord 58 citoyens canadiens. Il a dévoilé l’information à l’ambassade d’Allemagne à Ottawa, avant un dîner avec le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, en visite au Canada.

Il a aussi signalé que d’autres personnes devraient être secourues prochainement. « Nous avons aussi un C-17 dans la région, et nous assurerons aussi le transport aérien », a-t-il déclaré, sans donner davantage de précisions.

Il y avait 1439 Canadiens enregistrés au Soudan en date du 24 avril, selon les données fournies lundi par Ottawa, mais il pourrait y en avoir plus. La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, assurait lundi que des options « d’assistance au départ » seraient mises en œuvre « dès que les conditions le permettraient ».

Des conditions qui pourraient justement s’améliorer si les factions armées belligérantes respectent le cessez-le-feu de 72 heures qui devait entrer en vigueur à minuit, lundi, ouvrant un possible corridor pour les étrangers qui souhaitent quitter le pays, a espéré le secrétaire d’État américain, Antony Blinken.

« Nous espérons que ça tienne. Ce serait très aidant pour la sécurité de tous dans la région, évidemment », a commenté la ministre canadienne de la Défense nationale, Anita Anand, à l’issue d’une comparution devant un comité sénatorial, lundi.

Fuir le vaste pays par voie terrestre ou par la mer Rouge n’est pas aisé, tandis que les aéroports, eux, sont des cibles « hautement stratégiques », relève Nicholas Coghlan, qui a été le premier chef de bureau diplomatique en résidence du Canada dans la capitale soudanaise de 2000 à 2003.

« Les Forces armées soudanaises ont des capacités aériennes que les Forces de soutien rapide (FSR) n’ont pas. Si vous êtes le commandant des FSR, que faites-vous ? Prendre le contrôle de tous les aérodromes. C’est l’enjeu numéro un », croit-il.

Opération « très complexe »

Chose certaine, une opération de cette envergure dans la poudrière soudanaise est « très complexe », insiste celui qui a aussi été le premier ambassadeur du Canada en résidence à Juba, au Soudan du Sud, au moment où la guerre civile a éclaté, en 2013.

« Il y avait 17 citoyens canadiens au registre, se souvient-il. On en a évacué 150 la première semaine. »

Si les locaux de l’ambassade du Canada à Khartoum ont été désertés, le gouvernement mise sur l’inscription de ses ressortissants au registre des Canadiens à l’étranger, ainsi que sur des collaborations avec des pays comme l’Égypte, le Kenya et les Émirats arabes unis.

La ministre Joly doit aussi s’entretenir avec son homologue de Djibouti, où le Canada a déployé ces derniers jours des membres de l’Équipe permanente de déploiement rapide (EPDR), et où sont par ailleurs situées les plus importantes bases militaires des États-Unis et de la France sur le continent africain.

Au Soudan comme en Afghanistan ?

Les pays qui préparent des plans de rapatriement de leurs citoyens sont confrontés à de sérieux obstacles sur le terrain. Le gouvernement britannique, qui avait essuyé de nombreuses critiques pour sa gestion du départ chaotique d’Afghanistan en 2021, est surveillé de près par l’opposition.

Le gouvernement canadien a aussi connu son lot de difficultés en cette matière. À Ottawa, lundi, pendant la période des questions, les libéraux n’ont été interpellés qu’une seule fois sur la situation au Soudan. Mais sur Twitter, la députée conservatrice Michelle Rempel Garner a déjà adressé des reproches au gouvernement.

« Après l’évacuation bâclée de l’Afghanistan, les libéraux étaient censés élaborer un plan pour s’assurer que le même scénario ne se reproduise plus. Il s’avère que ce plan semble être de prier que rien ne se passe. Les Canadiens bloqués au Soudan souffrent à cause de cet échec », a-t-elle déploré.

Il existe toutefois une « différence majeure » : contrairement au gouvernement taliban, les groupes armés du Soudan n’ont pas comme objectif de prendre les Occidentaux en chasse, précise Nicholas Coghlan. « Ils sont violents, brutaux, mais l’Occident n’est pas l’ennemi. »

Assouplissements migratoires

Le ministre canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, a par ailleurs annoncé que des mesures seraient adoptées afin de faire en sorte que les ressortissants soudanais puissent demander gratuitement la prolongation de leur statut au Canada et changer de catégorie temporaire.

Le Canada suspendra également les frais de passeport et de titre de voyage pour résident permanent pour les citoyens et les résidents permanents du Canada au Soudan qui souhaitent partir, a-t-il été annoncé par voie de communiqué.

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    Les affrontements, qui ont principalement frappé la capitale, Khartoum, et le Darfour, dans l’ouest du pays d’Afrique, ont jusqu’à présent fait plus de 420 morts et 3700 blessés.
    source : Organisation mondiale de la Santé