(Québec) Avec son nouveau projet de lien de transport collectif entre Québec et Lévis, Geneviève Guilbault veut « donner le goût aux gens de renoncer à la voiture », favoriser la densification urbaine et freiner l’auto solo. Quant au tunnel autoroutier, qui aurait coûté près de 10 milliards, il n’y avait aucune donnée qui justifiait sa construction, a-t-elle reconnu.

« Pour ceux qui habitent ici, on n’a jamais vraiment eu d’offre de transport collectif autre que des autobus », a lancé la ministre des Transports jeudi, lors d’une conférence de presse attendue où elle a expliqué l’abandon de la promesse électorale caquiste de construire un tunnel autoroutier.

Elle a reconnu que les études commandées par le gouvernement ne permettaient pas de justifier la construction d’un tunnel autoroutier entre les deux villes, et que la pandémie et l’arrivée du télétravail ont réduit l’achalandage sur les deux ponts. L’an dernier, François Legault avait dit que le prix maximum de ce tunnel autoroutier était de 6,5 milliards. Mme Guilbault a reconnu qu’il aurait plutôt coûté de 9,5 à 10 milliards.

« Il faut prendre des décisions responsables. […] Sur le plan politique, c’est difficile pour mes 15 collègues [des régions de Québec et Lévis] et moi. […] J’ai des collègues très affectés », a-t-elle expliqué.

Mais elle a fait également un plaidoyer pour la « mobilité durable attractive » et contre l’auto solo. « La part modale de l’auto continue de gagner du terrain à Québec. […] Ce n’est pas de nature à s’inverser si on n’a pas une offre de transport collectif différente et attrayante », a-t-elle dit.

Or, en « ayant un tube de transport collectif vraiment efficace entre nos deux rives, on cannibalisait le tunnel routier ».

Pas d’échéancier

Elle a donc retenu la solution d’un « tunnel exclusif au transport collectif » pour « favoriser le transfert modal ».

Contrairement à son prédécesseur François Bonnardel, qui estimait que la densification urbaine était une « mode », Mme Guilbault en fait un objectif. Son tunnel exclusif au transport collectif permettra de « freiner la croissance de l’achalandage automobile sur les liens interrives », de « favoriser la densification des noyaux centraux de la rive nord et la rive sud » et de « diminuer les émissions de gaz à effet de serre ».

Mais le projet est peu avancé. On ne connaît ni son coût, ni son tracé, ni le mode de transport collectif qui y circulera. La ministre Guilbault fera une mise à jour « éventuellement ».

La veille, le premier ministre François Legault avait déjà expliqué sa « décision difficile, mais il faut comprendre que la situation a beaucoup changé ».

En septembre dernier, durant la campagne électorale, M. Legault disait pourtant que c’était « une évidence » qu’un troisième lien était nécessaire compte tenu du développement des deux villes et de l’achalandage routier dans la région malgré l’absence d’études pour appuyer son projet de tunnel.

Les conservateurs déçus

À Ottawa, le Parti conservateur, pour qui la région de Québec est fertile, a regretté cette volte-face caquiste. « Nous respectons la décision de Québec, mais contrairement au gouvernement Trudeau qui a concerté ses efforts avec les anti-voitures, un gouvernement conservateur aurait participé au volet de la circulation de véhicules plutôt que de s’y opposer comme ils l’ont fait. L’automobile n’arrêtera pas d’exister, électrique ou à hydrogène. Dans 30 ans, la nécessité de mobilité autoroutière va encore exister », s’est désolé le député Pierre Paul-Hus, le lieutenant québécois du chef Pierre Poilievre. Du côté du gouvernement libéral, où l’on avait déterminé que le projet autoroutier ne remplissait pas les critères pour justifier un financement à hauteur de 40 %, on veut attendre des détails sur la nouvelle itération du tube sous-marin avant de déterminer s’il se qualifie dorénavant pour toucher l’argent du fédéral. Le ministre Jean-Yves Duclos n’a toutefois pas caché sa satisfaction de constater l’abandon du projet autoroutier, qui va « soulager beaucoup de gens dans ma circonscription », a exprimé le député de Québec en mêlée de presse.

Mélanie Marquis, La Presse