(Québec) François Legault a pris la décision « difficile » d’abandonner sa promesse de troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis parce que « la situation a beaucoup changé » depuis les élections de l’automne dernier.

« C’est une décision difficile, mais il faut comprendre que la situation a beaucoup changé », a-t-il plaidé lors d’une brève mêlée de presse, mercredi, juste avant la période des questions au Salon bleu.

Entre le mois de septembre, où il a défendu jour après jour cette importante promesse électorale, et aujourd’hui, il plaide que de nouvelles données sur le télétravail ont tout changé. « On pensait que ça reviendrait comme avant la pandémie […], mais on voit qu’il y a des changements importants dans les habitudes, entre autres aux heures de pointe. […] Il faut s’adapter à l’évolution de ce changement-là. »

Malgré l’absence d’études pour appuyer son projet de tunnel, François Legault disait pourtant en campagne électorale que c’était « une évidence » qu’un troisième lien était nécessaire compte tenu du développement des deux villes et de l’achalandage routier dans la région.

Transport collectif

Mais cette nouvelle réalité où les gens travaillent davantage à la maison n’empêche pas le gouvernement de maintenir le cap pour la construction d’un nouveau lien entre Québec et Lévis, qui sera cependant réservé au transport collectif. La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, en fera l’annonce jeudi matin, en même temps qu’elle présentera les études sur l’achalandage démontrant une baisse de la circulation sur les deux ponts existants qui relient les deux villes.

Geneviève Guilbault a expliqué que le gouvernement avait pris cette décision par pragmatisme.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Geneviève Guilbault

« On a eu à prendre une décision très difficile dans le troisième lien, mais qui, à notre sens, est une décision responsable », a dit Mme Guilbault. Elle avait affirmé, le soir de la victoire caquiste d’octobre dernier, que « le signal est clair que les gens des deux régions [Québec et Lévis] veulent un troisième lien ».

Le député de Beauce-Nord, Luc Provençal, n’a pas caché sa déception. « Quand j’étais président des élus de Chaudière-Appalaches, j’ai travaillé pour appuyer le troisième lien. Personnellement, j’ai une déception », a-t-il affirmé. Il a soutenu que des maires de la Rive-Sud lui avaient déjà fait part de leur mécontentement. La ministre Martine Biron, élue dans Chutes-de-la-Chaudière, a aussi admis qu’elle entendait la déception de ses électeurs. « Bien sûr, bien sûr », a-t-elle dit brièvement. Aux abonnés absents, le ministre Éric Caire, qui avait promis de démissionner si la CAQ y renonçait, n’a pas fait de commentaires.

À l’origine, c’est la Chambre de commerce de Lévis qui avait ramené sur la place publique l’idée d’ajouter un lien routier entre les deux rives en 2014 et qui avait amené la CAQ à épouser la cause. Elle ne digère pas cette volte-face. « C’est une gifle ! J’ai plein d’appels de membres et de chambres de commerce de Chaudière-Appalaches qui veulent se mobiliser parce qu’eux autres aussi se sentent floués. Oui, on est floués, c’est le mot ! », a dénoncé sa présidente, Marie-Josée Morency. Un tunnel réservé à 100 % au transport collectif « n’a pas de sens » à ses yeux.

Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, devra aussi encaisser le coup. Il n’a pas encore réagi publiquement, mais il a affirmé le mois dernier que « la déception sera forte si le projet est réduit uniquement au transport en commun », rapportait Radio-Canada.

À Québec, c’est le contraire : Bruno Marchaud est aux anges. « C’est un choix logique qui s’imposait : moderne, écologique et économique », a-t-il dit, en saluant le courage de Geneviève Guilbault.

« Roulés dans la farine »

À l’Assemblée nationale, le Parti libéral, Québec solidaire et le Parti québécois préconisaient tous un projet de transport collectif pour lier les villes de Québec et Lévis. Ils crient donc victoire sur ce point, mais ils critiquent néanmoins le recul de la CAQ.

« En campagne électorale, François Legault en a fait une position phare. Il a roulé tout le monde dans la farine, François Legault », a dénoncé le chef libéral par intérim, Marc Tanguay.

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, estime qu’il s’agit de la victoire « du gros bon sens et de la science » contre « l’entêtement de la CAQ ».

« Au-delà de l’inflation, au-delà même de la pandémie […], la question de fond demeure. En pleine crise climatique, ajouter des voies d’autoroute pour décongestionner une ville, ça n’a pas de bon sens. Ce n’est pas ça que la science nous dit de faire, ce n’est pas ça que la région a besoin, ce n’est pas ça que le gros bon sens nous enseigne comme étant la meilleure solution », a-t-il dit.

Il affirme avoir un « préjugé favorable » à l’endroit du transport collectif, mais attendra les détails du projet avant de l’appuyer ou non.

De son côté, Paul St-Pierre Plamondon est également favorable au transport collectif pour unir les deux villes. Mais il a « beaucoup de difficulté à croire » que François Legault croyait ce qu’il disait en campagne électorale.