(Ottawa) Le chef conservateur, Pierre Poilievre, réclame la comparution du frère du premier ministre Justin Trudeau, Alexandre Trudeau, devant un comité de la Chambre des communes.

Le leader de l’opposition officielle a ouvert la période des questions de lundi avec cette demande. Il a justifié la pertinence de sa requête en soulignant qu’Alexandre Trudeau a signé, au nom de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, le contrat officialisant un don chinois de 200 000 $, en 2016.

Le premier ministre n’étant pas présent à la séance, le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Mark Holland, a donné la réplique à Pierre Poilievre. Il n’a pas directement répondu à la question, arguant que Justin Trudeau n’était plus impliqué au sein de la Fondation.

Il en a profité pour accuser le chef conservateur de faire une « fixation » sur la famille Trudeau.

Les discussions entourant le « don chinois » à la Fondation Trudeau remontent à 2014. À cette époque, les deux hommes d’affaires Zhang Bin et Niu Gensheng ont exprimé le désir de faire un don de 800 000 $ à la faculté de droit de l’Université de Montréal ainsi que de 200 000 $ à la Fondation Trudeau.

La démarche n’aboutira finalement qu’en 2016. Le don devait être fait en trois versements, deux de 70 000 $ et le dernier, de 60 000 $. Le dernier chèque n’a jamais été versé. Le contrat officialisant le don est signé par Zhang Bin, Niu Gensheng, le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, et Alexandre Trudeau.

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Le recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, Zhang Bin, Alexandre Trudeau et Niu Gensheng, en juin 2016

À l’époque, le frère cadet de Justin Trudeau était membre du conseil d’administration de la Fondation, et il était autorisé à conclure ce genre d’entente, a fait valoir celui qui était président de la Fondation à l’époque, Morris Rosenberg.

Après avoir peiné à rembourser le don de 140 000 $, la Fondation est finalement parvenue à le retourner vendredi passé.

Réticences à la création d’un registre

Les bloquistes, pour leur part, ont continué de faire pression en faveur de la récusation du rapporteur spécial David Johnston, entretenant des doutes sur l’indépendance de l’ancien gouverneur général, qui a été membre de la Fondation Trudeau.

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David Johnston

Le gouvernement s’en remettra à ses recommandations, qui sont attendues d’ici le 23 avril. Il a aussi lancé des consultations sur la pertinence de mettre sur pied un registre des agents d’influence étrangers.

L’outil est vu d’un mauvais œil par des législateurs, sous prétexte qu’il pourrait alimenter le racisme. Un député libéral de la région d’Ottawa, Chandra Arya, a d’ailleurs accepté de parrainer une pétition priant le gouvernement de « reconsidérer » le projet.

Car un registre ne permettrait pas « véritablement de contrer l’intimidation subie par les Canadiens », et il constituerait une « façon trompeuse de cerner des sources d’influence étrangère », lit-on dans le libellé de la pétition, signée par près de 600 personnes.

L’élu libéral a refusé les demandes d’entrevue, préférant fournir une déclaration écrite.

« Certains Canadiens craignent le projet de registre de transparence des influences étrangères. Je suis d’accord avec les préoccupations exprimées par les pétitionnaires, et leurs suggestions raisonnables », a-t-il soutenu.

Les consultations doivent prendre fin le 9 mai prochain.

De hauts fonctionnaires vantent auprès de Justin Trudeau depuis près d’un an les mérites d’un registre des agents d’influence étrangers pour contrer l’ingérence étrangère, comme l’a fait l’Australie en 2018.

Le premier ministre du Canada a d’ailleurs eu une conversation à ce sujet avec le premier ministre de l’Australie, Anthony Albanese, le 30 juin 2022, montrent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Dans une note à l’intention de Justin Trudeau, la greffière du Conseil privé, Janice Charette, affirme que ce registre a fait ses preuves dans les pays qui l’ont adopté. Cet outil permet sans l’ombre d’un doute de mettre en lumière les activités que mènent des individus ou des entités au nom de pays autoritaires, y soutient-elle.

« Les registres des agents d’influence étrangers sont considérés à l’échelle internationale comme l’un des meilleurs outils pour contrer l’ingérence étrangère. Les États-Unis ont adopté la Loi sur l’enregistrement des agents étrangers à cette fin en 1938 », écrit-elle dans un document daté du 18 août 2022.

Avec Katia Gagnon et Hugo Joncas, La Presse