(Ottawa) Le Bloc québécois réclame la révocation immédiate du mandat confié à l’ancien gouverneur général David Johnston sur l’ingérence étrangère et la tenue d’une enquête publique et indépendante.

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a exposé cette demande lundi dans la foulée de la publication d’une lettre dans le quotidien The Globe and Mail en fin de semaine, qui a été rédigée par un lanceur d’alerte issu des rangs du Service canadien du renseignement et de sécurité (SCRS). C’est ce lanceur d’alerte qui a divulgué des documents secrets au Globe and Mail au cours des dernières semaines qui jettent la lumière sur l’ingérence chinoise durant les élections fédérales de 2019 et 2021.

Dans cette lettre, intitulée « La menace ignorée » (A threat ignored), l’espion canadien affirme avoir entrepris cette démarche qui pourrait mettre en péril sa carrière, voire lui valoir une peine de prison, parce qu’il juge que le gouvernement Trudeau n’a pas pris la menace d’ingérence étrangère suffisamment au sérieux.

Lisez le texte du Globe and Mail (en anglais)

The Globe and Mail a publié la lettre de ce lanceur d’alerte tout en protégeant son identité en raison des sanctions auxquelles il pourrait s’exposer.

« Lorsque j’ai pris conscience pour la première fois de l’importance de la menace posée par l’ingérence étrangère pour nos institutions démocratiques, j’ai travaillé – comme l’ont fait de nombreux collègues anonymes et infatigables – pour doter nos dirigeants des connaissances et des outils nécessaires pour la contrer », écrit le lanceur d’alerte dans sa lettre.

« Les mois passèrent, puis les années. La menace grandissait en urgence ; les actions sérieuses sont restées sans suite. Je me suis efforcé, seul et avec d’autres, de faire part directement de mes préoccupations concernant cette menace à ceux qui étaient en mesure de demander des comptes à nos hauts fonctionnaires. Malheureusement, ces personnes n’ont pas pu le faire. »

« Dans le temps qui s’est écoulé, une autre élection fédérale s’était déroulée, la menace d’ingérence s’était accrue et il était devenu de plus en plus évident qu’aucune mesure sérieuse n’était envisagée. Pire encore, les preuves de hauts fonctionnaires ignorant l’ingérence commençaient à s’accumuler », a-t-il ajouté.

Pour le chef bloquiste, cette lettre confirme plus que jamais la nécessité de tenir une enquête publique.

« Justin Trudeau a prétendu qu’il n’avait reçu, dans le passé, aucune information quant aux influences exercées par le régime communiste chinois. Tout semble indiquer le contraire. Il aurait alors délibérément, et de façon répétée, ignoré les signaux de son propre service de renseignement quant aux risques d’ingérence étrangère sur le processus démocratique canadien », a affirmé M. Blanchet lundi.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Yves-François Blanchet

« Pour que, dans un service de renseignement dont la culture [et] l’ADN en est un de secret, quelqu’un décide de rompre le secret […], il faut qu’il considère que c’est extrêmement grave ou qu’il soit extrêmement écœuré qu’après plus de 20 ans d’intervention [et] d’avertissements, aucun premier ministre canadien n’ait pris cela au sérieux à date et n’ait posé de gestes », a-t-il ajouté.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

David Johnston

La semaine dernière, Justin Trudeau a confirmé la nomination de M. Johnston au poste de rapporteur spécial. Son mandat consistera à examiner « les conséquences de l’ingérence étrangère dans les deux dernières élections générales fédérales » et à « formuler des recommandations spécialisées sur la manière de mieux protéger notre démocratie ».

À l’issue de cet exercice, le gouvernement respectera les recommandations de l’ancien gouverneur général, lesquelles pourraient inclure « une enquête officielle, une révision judiciaire ou un autre processus d’examen indépendant, et les mettra en œuvre », a-t-on fait savoir.

Le Parti conservateur, le Bloc québécois et le NPD exigent la tenue d’une enquête publique indépendante sur les allégations d’ingérence de la Chine dans les élections fédérales. Au cours des dernières semaines, le quotidien The Globe and Mail a rapporté que la Chine a utilisé des stratégies sophistiquées pour assurer l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire et la défaite de certains candidats conservateurs jugés hostiles au régime communiste de Pékin.

Lundi, les conservateurs ont en outre lancé une nouvelle tentative visant à faire témoigner en comité la directrice de cabinet du premier ministre, Katie Telford, au sujet des allégations d’ingérence de la Chine durant les deux derniers scrutins.

Le Parti conservateur utilise sa journée d’opposition pour forcer la tenue d’un débat sur une motion en ce sens. Le vote doit avoir lieu mardi.

Les conservateurs tentent depuis des semaines de faire adopter une motion similaire par le comité de la procédure, mais les députés libéraux ont empêché la tenue d’un vote en discourant durant de longues heures sur une panoplie de sujets.

Avec la Presse canadienne