(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau accuse le Parti conservateur de sombrer dans la partisanerie sans borne en attaquant durement la crédibilité de l’ancien gouverneur général David Johnston, à qui il a confié le mandat se pencher sur les allégations d’ingérence de la Chine lors des élections fédérales de 2019 et 2021.

De passage à Guelph, vendredi, où il a annoncé les détails d’un fonds fédéral visant à accélérer la construction de logements abordables, M. Trudeau a vigoureusement défendu la feuille de route de M. Johnston, qui agira comme rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère.

À ce titre, M. Johnston aura comme tâche d’examiner les documents secrets des agences de sécurité sur cette affaire, et pourra aussi recommander au gouvernement Trudeau de tenir une enquête publique sur cette délicate question s’il le juge à-propos.

Le Parti conservateur et le Bloc québécois ont vertement critiqué la nomination de M. Johnston en faisant notamment valoir que les liens d’amitié entre ce dernier et la famille Trudeau pourraient mettre en doute son impartialité. Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a aussi relevé que M. Johnston, qui avait été nommé gouverneur général par l’ancien premier ministre Stephen Harper, est membre de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau.

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Justin Trudeau

« Ce que le Parti conservateur est en train de faire maintenant, cela vient miner la crédibilité de nos institutions, et il fait le travail de la Chine et de la Russie d’une certaine façon mieux qu’ils auraient bien pu vouloir voulu le faire eux-mêmes », a soutenu M. Trudeau en point de presse.

« David Johnston a servi ce pays de nombreuses façons différentes tout au long d’une carrière irréprochable. Il a été notre gouverneur général, il a servi dans de nombreuses capacités avec intégrité. Quand nous cherchons quelqu’un qui mettra toujours le pays en premier et placera les intérêts des Canadiens au cœur de tout ce qu’il fait, il n’y a pas de meilleur nom que David Johnston », a ajouté le premier ministre.

Il a par la suite accusé les conservateurs de se livrer à des « attaques partisanes horribles » contre un homme « d’une intégrité extraordinaire ».

« Si tout le monde avait besoin d’une illustration très claire que la partisanerie est plus importante pour les conservateurs, les attaques complètement infondées contre David Johnston en sont une preuve », a-t-il fait valoir.

Le Parti conservateur, le Bloc québécois et le NPD continuent d’exiger la tenue d’une enquête publique indépendante sur les allégations d’ingérence de la Chine dans les élections fédérales. Au cours des dernières semaines, le quotidien The Globe and Mail a rapporté que la Chine a utilisé des stratégies sophistiquées pour assurer l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire et la défaite de certains candidats conservateurs jugés hostiles au régime communiste de Pékin durant le dernier scrutin.

Le Parti conservateur estime qu’au moins huit de ses candidats ont été défaits aux élections fédérales de 2021 en raison d’une campagne de désinformation menée sur les réseaux sociaux tels que WeChat.

De passage à Vancouver pour parler également de logement, Pierre Poilievre a répliqué aux critiques du premier ministre en soutenant que c’est lui qui sème le chaos en refusant de tenir une enquête publique.

« Des documents et des breffages lui ont été fournis depuis six ans indiquant qu’un gouvernement autoritaire étranger était en train de se mêler de nos affaires et de nos élections. Il n’a littéralement rien fait », a fait valoir M. Poilievre.

Mercredi, M. Trudeau a confirmé la nomination de M. Johnston au poste de rapporteur spécial. Son mandat consistera à examiner « les conséquences de l’ingérence étrangère dans les deux dernières élections générales fédérales » et à « formuler des recommandations spécialisées sur la manière de mieux protéger notre démocratie ». À l’issue de cet exercice, le gouvernement respectera les recommandations de l’ancien gouverneur général, lesquelles pourraient inclure « une enquête officielle, une révision judiciaire ou un autre processus d’examen indépendant, et les mettra en œuvre », a-t-on fait savoir mercredi.

Le principal intéressé, David Johnston, a fait savoir dans une déclaration à La Presse qu’il compte annoncer les contours de son enquête « rapidement ».

« Toute tentative d’atteinte à notre démocratie est une affaire sérieuse et il est essentiel que nous prenions des mesures pour protéger nos institutions et maintenir la confiance des Canadiens dans notre démocratie. J’ai le privilège d’accepter la nomination de rapporteur spécial indépendant pour aider à protéger l’intégrité de la démocratie canadienne », a-t-il indiqué dans sa déclaration.

« Je travaillerai avec des fonctionnaires pour finaliser le mandat, qui sera rendu public rapidement, afin d’examiner l’ingérence étrangère dans les deux dernières élections générales fédérales et de formuler des recommandations appropriées sur la manière de protéger davantage notre démocratie et de maintenir la confiance des Canadiens à son égard », a-t-il ajouté dans sa déclaration, qui a été transmise par le Bureau du Conseil privé.