Malgré la mort récente de ses deux beaux-fils, la députée de Soulanges trouve la force de mener de nouvelles batailles.

(Québec) Marilyne Picard a retiré tous les portraits de famille des murs de sa maison de Saint-Lazare, dans sa circonscription de Soulanges.

Ceux de Noah-Leewis et de London-Eliot, disparus à moins d’une année d’intervalle en 2021 et en 2022.

Leurs urnes, leurs mèches de cheveux, elle a tout placé dans un grand coffre quand le deuxième est mort, en novembre dernier.

« C’était trop difficile. On a tout enlevé ce qui nous faisait penser à eux », relate doucement la députée. « J’ai dit à mon conjoint : quand on va vouloir pleurer, quand on va vouloir les voir pour se remémorer les souvenirs, on prendra la décision d’ouvrir le coffre. »

Marilyne Picard nous accueille dans son bureau fraîchement rénové de l’Assemblée nationale. Sur le mur, une grande photo de sa plus jeune, Dylane, qui souffre d’une maladie génétique rare depuis la naissance.

Malgré ce jour gris de février, l’endroit est lumineux avec les grandes fenêtres qui donnent sur la Grande Allée. La semaine de travaux parlementaires vient de se terminer. « Là, j’ai hâte de voir ma petite famille », souffle-t-elle. Elle doit rentrer l’après-midi même.

De retour au travail depuis peu, la maman de 41 ans a accepté l’invitation de La Presse de revenir sur les derniers mois de sa vie. Des mois lors desquels le clan de Marilyne a eu sa part de malheurs.

« Il n’y a plus rien qui nous surprend de la vie. On est juste… tout peut arriver », souligne-t-elle. Elle s’arrête, puis reprend.

On a perdu [notre] innocence. Tu sais, avant, tu penses que tu vas être vieux, tu prépares tes vieux jours… mais c’est sans réaliser à quel point la vie peut être si courte, qu’elle peut finir n’importe quand.

La députée Marilyne Picard

« C’était impossible, inimaginable »

Le destin a frappé une première fois le soir du 18 décembre 2021. Noah-Leewis Mercier est mort après un accident de voiture où il était l’occupant, dans le secteur de Pointe-Claire. Le conducteur fait face à des accusations criminelles, a-t-on appris mardi.

L’adolescent a rendu son dernier souffle trois jours plus tard, le 21 décembre, la veille de son 17e anniversaire.

Le sort n’avait pas dit son dernier mot. Onze mois plus tard, son deuxième beau-fils, London-Eliot Mercier, a été heurté mortellement dans une rue de Montréal par un véhicule. Il avait 19 ans.

« Ça ne se pouvait même pas, un, mais là, deux, c’est juste… […] C’était impossible, inimaginable », raconte la députée, qui peine à mettre des mots sur la douleur ressentie.

« On a gardé la chambre d’Eliot intacte, on n’a même pas fait son dernier lavage », lance-t-elle, en laissant échapper un éclat de rire, comme pour adoucir sa peine. « On reporte ça… c’est encore trop frais. »

Un saut en politique pour les parents d’enfants handicapés

London-Eliot et Noah-Leewis étaient les fils du conjoint de Marilyne Picard. Il a aussi une fille aînée. Quand Marilyne est entrée dans leur vie, les trois étaient âgés de moins de 6 ans. Le couple a eu ensuite deux autres enfants, dont Dylane, qui est lourdement handicapée.

La petite, qui a 11 ans, a besoin de soins 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. « Ma cocotte, elle ne parle pas, elle ne marche pas, elle ne mange pas non plus ; elle a un gavage, il faut tout faire pour elle », raconte la mère de famille, qui fait des allers-retours à Québec pendant la session parlementaire.

C’est sa bataille pour les parents d’enfants handicapés qui a d’ailleurs amené la députée de Soulanges à faire le saut en politique en 2018, après avoir participé à la fondation du regroupement Parents jusqu’au bout.

En campagne électorale, François Legault a fait un arrêt touchant au domicile de Marilyne Picard, où il a pu constater l’ampleur des besoins quotidiens requis pour Dylane. Il a promis la création de 500 places dans des centres de répit pour les enfants handicapés.

C’est elle qui a plaidé auprès du premier ministre pour un tel engagement. Elle planche aussi pour réduire la paperasse administrative du programme d’allocation du chèque emploi-service, qui permet d’avoir recours à des services d’aide à domicile.

« Je veux juste changer encore plus les choses »

Et malgré les épreuves récentes, Marilyne trouve la force de mener de nouveaux combats, cette fois pour les parents endeuillés. Elle montre du doigt le fait qu’un parent ne peut s’absenter que pendant cinq jours, dont deux avec salaire, après la mort d’un enfant.

« Ça n’a pas de bon sens », s’exclame-t-elle. « Je veux juste changer encore plus les choses […], ça justifie encore plus ma présence ici […]. C’est vraiment triste, ce qui s’est passé, mais il faut sortir un peu de… je ne veux pas dire de “positif”, mais il faut se relever », plaide-t-elle.

Elle dit aussi garder le cap grâce à son noyau familial, qu’elle compare à un « bloc vraiment solide ».

Ensemble, on est solidaires. On se comprend, on a la même peine.

La députée Marilyne Picard

Pour la suite, Marilyne Picard veut s’accorder du temps pour reprendre « doucement » ses activités professionnelles, du temps aussi pour vivre le deuil. « Il y a des jours où je ne suis pas tellement très, très résiliente », admet-elle, en riant.

Le sourire ne quitte d’ailleurs jamais bien longtemps le visage de Marilyne pendant l’entretien. Une force qui permet de croire que ceux de London-Eliot et de Noah-Leewis retrouveront leur place sur les murs de la maison.