(Ottawa) Le président Joe Biden est conscient que l’enjeu du chemin Roxham est « une priorité » pour Ottawa, et il en sera assurément question lors de sa visite au Canada en mars, a assuré Justin Trudeau – une promesse qui ne rassure en rien le Bloc québécois.

« Je peux vous assurer que dans mes conversations directement avec le président Biden, il comprend à quel point c’est une priorité pour le Canada, et c’est une priorité partagée de travailler ensemble pour assurer la sécurité de notre frontière partagée », a lancé le premier ministre, jeudi.

« Et ça va certainement être une conversation que nous allons continuer d’avoir avec l’administration américaine, y compris lors de la visite [du président] plus tard le mois prochain », a-t-il ajouté en point de presse à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

L’existence même de négociations entre Washington et Ottawa a été mise en doute par l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen : en entrevue sur les ondes de CBC, mercredi, il a refusé de confirmer qu’il y avait des pourparlers entre voisins.

« Vous n’avez jamais vu ou entendu personne des États-Unis confirmer qu’il y a des discussions spécifiques en cours sur l’Entente sur les tiers pays sûrs, et je ne serai pas le premier représentant américain à faire cette déclaration », a-t-il affirmé.

L’envoyé de la Maison-Blanche a également minimisé ce qui se joue au chemin Roxham.

L’afflux de demandeurs d’asile est « un symptôme » du vaste enjeu qu’est celui de la migration irrégulière, a-t-il fait valoir dans cet entretien.

« C’est une erreur de penser que l’on peut résoudre le problème en traitant uniquement les symptômes. Il faut traiter les causes sous-jacentes de la migration irrégulière », a commenté le diplomate, assurant tout de même que les États-Unis s’engageaient à avoir des discussions « productives » avec leur voisin au nord.

Le Bloc québécois « consterné »

Le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe, qui talonne les libéraux dans ce dossier, s’est dit « consterné » d’entendre l’ambassadeur parler d’une absence de négociations. Et il n’a aucunement été rassuré d’entendre Justin Trudeau promettre d’en discuter avec Joe Biden.

« Quand on parle de négociations sérieuses, par exemple pour renouveler une entente de libre-échange, on mandate des négociateurs au nom du gouvernement, on prépare un calendrier de rencontres, on se donne des objectifs. Ce n’est pas dire : “Je vais en parler quand Biden va venir” », a-t-il illustré en entrevue.

Il y voit une nouvelle démonstration que la seule solution au problème est la suspension du pacte, ce que le gouvernement canadien a tout le loisir de faire en invoquant unilatéralement l’article 10 : « Là, je te jure que les Américains courraient pour venir à la table de négociations, que ça les froisse ou pas ».

« Nous voulons tous fermer Roxham »

Le premier ministre a tenu mercredi des propos contrastant avec ceux qu’il tenait jusqu’à présent au sujet du chemin Roxham, alors qu’il est soumis à de fortes pressions politiques en provenance de François Legault, à Québec, et du chef conservateur Pierre Poilievre, à Ottawa.

Les deux l’ont exhorté à fermer le passage, le second l’ayant sommé mardi de verrouiller le chemin « d’ici 30 jours », sans toutefois expliquer comment cette fermeture devrait s’opérer.

« Fermer Roxham Road, c’est ce que nous voulons tous. Mais il n’y a pas de solution simpliste là-dedans », a-t-il déclaré, en disant que son gouvernement tentait de le faire « depuis des années », et en réitérant que la renégociation de l’Entente sur les tiers pays sûrs était un passage obligé afin d’y parvenir.

Là encore, Alexis Brunelle-Duceppe voit matière à critique.

« On nage en plein paradoxe ! C’est quasi schizophrénique. On a un premier ministre qui nous dit que ça fait des années qu’il veut fermer Roxham, mais en même temps, il signe des contrats […] pour pérenniser des infrastructures pour les 10 prochaines années au chemin Roxham », a-t-il raillé.

Les entrées irrégulières de migrants à ce point d’entrée non officiel n’ont pas ralenti en en janvier, alors que 4875 personnes ont été interceptées par les agents de la Gendarmerie royale du Canada. En 2022, près de 40 000 interceptions ont été recensées, du jamais-vu.