(Québec) Québec a lancé des « vérifications » auprès de certaines municipalités qui ont imposé des hausses de taxes salées pour cette année. Il se demande si ces augmentations dépassant 10 voire 20 % sont justifiées. Cette sortie de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a causé la surprise dans le monde municipal, qui trouve son attitude « regrettable ».

Au Salon bleu mardi, la députée libérale Virginie Dufour a dénoncé des hausses « fulgurantes » des comptes de taxes aux quatre coins du Québec. « À Compton et Lac-Saint-Joseph, le compte de taxes a monté de 12 % ; à Notre-Dame-du-Mont-Carmel, 15 % ; à Saint-Mathieu-du-Parc, 17 % ; Rivière-Rouge, 20 % ; à Potton, ça va aller jusqu’à 28 % », a énuméré la porte-parole de l’opposition officielle en matière d’affaires municipales.

Selon elle, ces hausses « intenables » s’expliquent par « le laisser-faire du gouvernement », qui refuse de s’engager à mettre en place « une vraie réforme de la fiscalité municipale ». « Les municipalités sont trop dépendantes de la taxe foncière. Elles ont besoin de varier leurs sources de revenus », a-t-elle expliqué.

« Pendant que les villes sont prises à la gorge, le gouvernement ne paye pas ses taxes. Les écoles, les hôpitaux, les CHSLD, toutes les propriétés de l’État ne payent que 70 % de leurs taxes municipales. L’autre portion, le 30 %, bien, c’est assumé par les citoyens, vous et moi », a-t-elle déploré.

La ministre Andrée Laforest a répliqué que des fonctionnaires avaient été chargés de vérifier si les augmentations étaient justifiées dans « certaines » villes. Elle refuse de les nommer pour l’instant, plaidant que son équipe ne lui a pas encore remis de « rapports ».

« La hausse de taxes, comme vous le mentionnez, 24 %, 28 %, est-ce que c’est normal ? Comme citoyenne, je trouve que c’est beaucoup », a lancé la ministre en Chambre.

Pour certaines municipalités […], il y a des gens de mon ministère qui se sont déplacés pour voir si cette hausse de taxe était acceptable. Alors, il y a des vérifications qui se font présentement.

Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales

La ministre Andrée Laforest a rappelé que de « nouveaux services » ou l’ajout d’infrastructures pouvaient entraîner des augmentations de taxes.

Elle a réitéré que « c’est important de respecter la capacité de payer des citoyens » et que « les élus sont imputables devant » leur population.

« Je peux vous dire qu’il y a plusieurs municipalités qui ont gelé les taxes, donc ça, est-ce que c’est une bonne manière aussi ? », a-t-elle relevé.

Appel à la « prudence »

Le président de la Fédération des municipalités du Québec, Jacques Demers, dit avoir pris connaissance avec « surprise » des propos de la ministre. Il l’invite à faire preuve de « la plus grande prudence et à respecter les municipalités, reconnues comme des gouvernements de proximité, et qui ne sont pas sous la tutelle du gouvernement du Québec ».

Il m’apparaît regrettable que la ministre commente des situations particulières alors que les budgets ont été adoptés démocratiquement, dans le respect des règles et alors que les élus municipaux concernés sont en mesure de rendre compte de leurs décisions auprès des citoyens.

Jacques Demers, président de la Fédération des municipalités du Québec

Il a rappelé que l’inflation frappait les municipalités, qui n’ont obtenu aucune aide directe pour y faire face. La FMQ demande plutôt à la ministre des Affaires municipales de l’appuyer dans ses revendications auprès de son collègue des Finances.

« Contrairement au gouvernement du Québec, pour qui l’inflation a eu un effet très positif sur ses revenus, les municipalités sont aux prises avec une augmentation considérable de leurs dépenses. Par exemple, seulement pour les dépenses liées au déneigement, la hausse est évaluée en moyenne à 35 % pour 2023. Dans ma municipalité, c’est 109 % d’augmentation pour l’entretien hivernal, le coût au kilomètre passant de 4000 $ à 8800 $ », a signalé Jacques Demers, maire de Sainte-Catherine-de-Hatley.

Pas d’ingérence, un « accompagnement »

Quelques heures après la sortie de la ministre, son cabinet a apporté des nuances importantes. Le gouvernement n’a pas l’intention de sévir contre des municipalités et n’a pas le pouvoir de le faire de toute façon, a-t-il souligné. Il ne peut casser des décisions en matière de taxation. Son objectif est plutôt d’offrir un « accompagnement » aux villes qui le souhaitent. Il veut respecter le principe de l’autonomie municipale.

Par ailleurs, Andrée Laforest a signalé qu’un comité avait été mis en place pour revoir la fiscalité municipale, un engagement que le gouvernement avait pris avec les représentants des villes.

Au début du mois, des résidants de Potton ont demandé l’intervention de Québec à la suite d’une hausse de taxes frisant les 28 % dans l’un des secteurs de cette municipalité de l’Estrie.

Lisez « Des citoyens de Potton réclament l’intervention de Québec »

Avec la collaboration d'Ariane Krol, La Presse