La ministre des Affaires municipales n’a pas fini d’entendre des récriminations au sujet des hausses de taxes municipales, mais la façon dont Andrée Laforest pourrait intervenir n’est pas évidente.

« C’est une excellente nouvelle, enfin ! », s’est exclamé Douglas Brooks, de Franklin, en Montérégie, en apprenant que la ministre Andrée Laforest avait chargé des fonctionnaires de vérifier les hausses de taxes dans « certaines » villes. « On va s’assurer d’être sur la liste ! »

M. Brooks, qui a été battu aux dernières élections municipales après avoir été conseiller puis maire de Franklin, assure qu’il ne se représentera plus. La gestion de son village de 1900 habitants ne l’intéresse pas moins. La ministre recevra bientôt une lettre d’un petit groupe de citoyens, dont il fait partie, réclamant un meilleur encadrement des budgets des petites municipalités. « Il faut qu’on agisse parce qu’on voit trop de disparités dans la façon dont on fait les choses. »

Laurentides et Estrie

À Rivière-Rouge, dans les Laurentides, où le budget prévoyait une hausse de revenus de taxes de 25 %, la municipalité a accepté de revoir sa copie à la baisse après avoir reçu une pétition de près de 2000 signatures. Le nouveau budget devait être présenté aux citoyens jeudi soir.

François Landry, résidant de La Macaza qui avait posé sa candidature comme conseiller avant de se désister aux élections de 2021, a lancé une pétition semblable dans sa municipalité des Laurentides. Elle comptait 350 signatures jeudi, un nombre jugé « énorme » par M. Landry, puisque la localité compte moins de 1200 habitants, dont des villégiateurs difficiles à joindre. La pétition, qui a reçu l’appui du chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, doit être présentée à la séance du conseil de mardi prochain.

Des pétitions contre les hausses de taxes adoptées en conseil circulent aussi à Potton et à Sutton, en Estrie. À Potton, les responsables de la pétition ont demandé de voir leur député et espèrent que celui-ci les accompagnera pour rencontrer la ministre, dit Michel Trudel, qui a été candidat à un poste de conseiller aux dernières élections.

Intervention incertaine

De nombreux propriétaires, en particulier dans les petites municipalités, ont sursauté en recevant leur nouveau compte de taxes. L’augmentation de la valeur des propriétés, combinée à l’inflation, a fait bondir la facture de plus de 20 % pour certains. Il n’existe cependant pas de mécanisme pour que Québec vole à leur secours.

« Il n’y a malheureusement pas beaucoup de recours pour les citoyens, à part changer d’élus par la suite », résume Tommy Gagné-Dubé, spécialiste de la fiscalité municipale à la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. « Ça ne fait pas partie du mandat de la Commission municipale, ce ne sont pas des mécanismes qui sont prévus », dit le chercheur, qui est aussi conseiller municipal de Manseau, dans le Centre-du-Québec.

« Il n’y a rien dans la mission municipale qui dit que les citoyens doivent payer le moins cher possible », souligne de son côté la professeure à l’UQAM spécialisée en gestion municipale Danielle Pilette.

Outre l’inflation récente, les investissements requis pour faire face aux exigences gouvernementales pèsent lourd sur les petites municipalités, estime-t-elle. À moins de partager des ressources ou de se fusionner, les municipalités peuvent difficilement réduire ces coûts de conformité.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La professeure à l’UQAM spécialisée en gestion municipale Danielle Pilette

Cette crise médiatisée fait comprendre aux élus, un an trop tard, que temporairement, étant donné le niveau d’inflation et la difficulté d’ajustement des ménages, ils auraient dû être plus prudents et reporter des projets. C’est un avertissement pour l’an prochain : ne plus faire ça.

Danielle Pilette, professeure à l’UQAM spécialisée en gestion municipale

Les municipalités font face à des hausses de coûts bien supérieures à l’inflation, rappelle quant à lui Jean-Philippe Meloche, directeur de la faculté de l’aménagement et spécialiste des finances publiques locales à l’Université de Montréal. « Des hausses de dépenses de 10 % sans aucun service additionnel, c’est tout à fait normal cette année. »

« Ce n’est pas une injustice »

Une municipalité devrait ajuster son taux de taxation par rapport à l’augmentation de la valeur moyenne, mais pour les propriétaires dont la valeur augmente davantage que la moyenne, « il n’y a rien à faire, ils sont juste plus riches, ce n’est pas une injustice », fait valoir M. Meloche.

« C’est un repartage de la charge fiscale entre ceux qui deviennent plus riches et ceux qui ne le deviennent pas. »

Taxer davantage ou réduire les dépenses est toutefois un choix politique, rappelle-t-il. « Et la réponse des citoyens, c’est : “Vous avez fait le mauvais choix !” C’est tout à fait sain, ce qui se passe. »

Lisez « Hausses de taxes salées : Québec demande des comptes à des villes »
En savoir plus
  • 35 %
    Augmentation moyenne estimée des dépenses des municipalités liées au déneigement pour 2023
    Source : fédération québécoise des municipalités