(Ottawa) Les libéraux de Justin Trudeau redoutent les conséquences politiques d’une grève des fonctionnaires fédéraux qui pourrait être déclenchée à compter de la fin du mois de mai.

Une grève pourrait évidemment perturber à nouveau les services comme la livraison des passeports, l’étude des demandes de prestations d’assurance-emploi, ou encore les remboursements d’impôts aux contribuables, entre autres exemples.

Mais un débrayage pourrait également mettre en péril l’entente qu’ont conclue les libéraux avec les néo-démocrates en mars dernier pour avoir les coudées franches à la Chambre des communes, si Ottawa devait être contraint d’adopter une loi de retour au travail.

De leur côté, les syndicats représentant les employés du gouvernement fédéral sont bien conscients de leur rapport de force, et promettent d’exercer les moyens de pression nécessaires pour obtenir notamment des augmentations salariales qui tiennent compte de la hausse du coût de la vie.

Dans les rangs libéraux, on redoute qu’un mouvement de grève puisse nuire de nouveau à la prestation des services essentiels. On a encore frais en mémoire la pluie de critiques qui s’est abattue sur le gouvernement Trudeau l’été dernier avec la crise des passeports et le chaos dans les aéroports.

« Il faut regarder comment vont fonctionner les services s’il y a une grève. C’est évident que ça va être affecté », a indiqué une source libérale qui a requis l’anonymat afin de pouvoir s’exprimer plus librement.

Une autre source libérale a fait valoir qu’un débrayage de la fonction publique pourrait provoquer de vives tensions entre le gouvernement Trudeau et le Nouveau Parti démocratique (NPD) si Ottawa devait adopter une loi de retour au travail.

Début des votes de grève

Les votes de grève se sont mis en branle mardi pour les 35 000 fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Si une grève était déclenchée, elle pourrait survenir en plein dans la période des impôts. Les services essentiels seraient cependant maintenus, assure-t-on dans le camp syndical.

Pour le moment, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) n’a pas décidé quelle forme prendrait cette grève : tournante, illimitée, par jour ou autre.

Le vice-président exécutif régional de l’AFPC, Yvon Barrière, s’attend à un « vote extrêmement fort en faveur » de la grève. « Savez-vous qui nous a aidés ? C’est [la présidente du Conseil du Trésor] Mona Fortier, qui a unilatéralement annoncé à la fin décembre la fin du télétravail à temps plein », lâche-t-il.

Le leader syndical ne s’en cache pas : le syndicat aura un important rapport de force.

« Définitivement ! Je ne vois pas avec qui Justin Trudeau peut faire une alliance avec une loi anti-travailleurs », dit M. Barrière. Seuls les conservateurs seraient susceptibles d’appuyer une loi spéciale, croit-il.

« Est-ce que Justin Trudeau va mettre un genou à terre devant Pierre Poilievre ? Jamais, parce qu’encore récemment, il critiquait Doug Ford pour le projet de loi visant le retour au travail des employés de soutien en éducation », soutient-il.

Au cours des prochaines semaines, environ 120 000 membres de l’AFPC seront appelés à se prononcer sur un mandat de grève. Les enjeux des salaires et de la fin du travail à distance à temps plein sont au cœur du litige.

Le gouvernement fédéral offre 1,5 % d’augmentation la première année, 3 % la deuxième, puis 2 % et 1,75 %, soit une moyenne de 2,06 % par année. L’Alliance réclame 4,5 % d’augmentation par année.

Une grève ferait mal politiquement, croit Boulerice

Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice, a affirmé que les libéraux ont tout à fait raison de craindre qu’ils pourraient payer un prix politique advenant que les fonctionnaires se prononcent en faveur de la grève. Il a dit s’attendre à ce qu’une grève soit déclenchée.

« C’est préoccupant, parce qu’il n’y a pas de mouvement à la table de négociations. S’il y a une grève, les libéraux vont être politiquement mal pris. Ils ont eu de la difficulté à offrir de bons services. Ça va s’ajouter à leur bilan », a indiqué M. Boulerice, qui est aussi porte-parole du NPD en matière de travail.

« Les syndicats ne veulent pas que les employés de la fonction publique s’appauvrissent, a-t-il aussi analysé. L’inflation frise les 7 %. Aussi, on veut que la fonction publique demeure compétitive et que l’on puisse retenir des gens et attirer de nouvelles personnes. »

Il a aussi affirmé que le NPD s’opposerait bec et ongles à une loi spéciale de retour au travail. Il a d’ailleurs rappelé que l’accord de gouvernance entre les libéraux et le NPD prévoit le dépôt d’une loi anti-briseurs de grève en 2023.

Au cabinet de la ministre Mona Fortier, on signale que « les fonctionnaires ont le droit de faire la grève » et que le gouvernement Trudeau « respecte ce droit », sans vouloir s’avancer sur le scénario hypothétique du dépôt d’une loi de retour au travail.

« Nous sommes déterminés à conclure avec tous les agents négociateurs des ententes qui sont équitables pour les employés et qui tiennent compte du contexte économique et financier actuel », a-t-on ajouté dans la même déclaration écrite.

En savoir plus
  • 37 %
    C’est le score qu’obtiendrait le Parti conservateur si des élections avaient lieu cette semaine, contre 29 % pour les libéraux et 18 % pour le NPD.
    source : Abacus Data (SONDAGE PUBLIÉ MERCREDI)