(Ottawa) Le Bloc québécois joint sa voix à celles du gouvernement du Québec et du Parti conservateur du Canada pour réclamer la démission d’Amira Elghawaby et la suppression de son poste, malgré ses excuses. Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice dénonce cette prise de position « insensée et déconnectée de la réalité des communautés musulmanes ».

Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, estime que le premier ministre Justin Trudeau a « contaminé » ce poste en faisant « quelque chose qui a dérivé vers une dénonciation de l’identité et des valeurs québécoises » et en créant un « amalgame entre laïcité et islamophobie ».

« Soit dans la foulée de ses propres excuses, elle admet s’être disqualifiée et elle quitte volontairement [son poste], soit le premier ministre admet son erreur et lui demande de se retirer », a-t-il déclaré au lendemain de sa rencontre avec Mme Elghawaby.

La nouvelle représentante fédérale de la lutte contre l’islamophobie est au cœur d’une controverse depuis sa nomination, il y a une semaine. Elle a déjà écrit que la « majorité des Québécois » semblaient « influencés par un sentiment antimusulman » dans une chronique où elle s’opposait à la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21). Cette loi interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignants.

M. Trudeau avait admis la veille avoir été au courant de certains des écrits de Mme Elghawaby avant de la nommer, sans vouloir préciser lesquels. Il avait tenté de calmer le jeu en expliquant pourquoi une majorité de Québécois étaient attachés au principe de la laïcité tout en continuant d’appuyer la nomination de cette militante pour les droits de la personne.

Mme Elghawaby a présenté ses excuses après sa rencontre avec le chef bloquiste mercredi. « Je suis convaincue, je sais et je le dis, que les gens québécois ne sont pas racistes, avait-elle déclaré à sa sortie de la rencontre avec le chef bloquiste. Ce n’était pas mon intention et, pour les blessures que j’ai faites avec mes mots, je m’excuse sincèrement. »

Le NPD accuse le bloc de partisanerie

Cette rencontre n’était donc qu’un exercice de stratégie partisane, conclut le député du Nouveau Parti démocratique Alexandre Boulerice. « Je trouve que le Bloc québécois vient de montrer son véritable visage. Ça n’a jamais été à propos d’Amira Elghawaby, en fait. Ça a toujours été à propos de la lutte contre l’islamophobie. »

Il soutient que le poste de Mme Elghawaby est nécessaire pour éviter « un autre drame » comme celui de l’attentat à la grande mosquée de Québec où six personnes ont été tuées. La création de ce poste avait été demandée par les communautés musulmanes à l’issue du Sommet national sur l’islamophobie en 2021 en raison d’une montée des crimes haineux au cours des dernières années.

Il y a un paquet de personnes qui, depuis des années, sont montrées du doigt, qui souffrent de discrimination, de propos antimusulmans, de discrimination dans le logement, dans l’emploi, des gens qui se font insulter dans la rue, dans les lieux publics, dans les transports en commun.

Alexandre Boulerice, député du NPD

Il a souligné le « deux poids, deux mesures » du Bloc québécois. Yves-François Blanchet avait dû s’excuser lors de la campagne électorale de 2019 pour les propos offensants envers les musulmans de quatre de ses candidats, dont Caroline Desbiens, qui a été élue.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Yves-François Blanchet

Trois des quatre partis représentés à l’Assemblée nationale réclament également la démission d’Amira Elghawaby. Le Parti libéral du Québec et le Parti québécois ont appuyé une motion en ce sens présentée par la Coalition avenir Québec mercredi. Québec solidaire s’est abstenu de voter et doit rencontrer la représentante fédérale au cours des prochains jours.

Celle-ci devait également rencontrer le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, qui s’était dit « profondément blessé » par ses propos. Il ne compte pas s’adresser à la presse par la suite.

Le PCC garde sa position

Des leaders de la communauté musulmane du Québec ont joint Mme Elghawaby au cours des derniers jours pour lui demander de présenter ses excuses, ce qu’elle n’avait pas fait avant sa rencontre avec M. Blanchet mercredi1. Le cofondateur du Centre culturel islamique de Québec, Boufeldja Benabdallah, a insisté en entrevue avec La Presse sur l’importance ressentie par ces représentants de la communauté de faire un geste afin de tenter de calmer la grogne.

À l’instar du Bloc québécois, le Parti conservateur du Canada (PCC) continue de demander la démission de Mme Elghawaby, sans aller jusqu’à réclamer la suppression du poste. « Dès vendredi passé, M. [Pierre] Poilievre a mentionné qu’elle n’avait pas la légitimité, compte tenu de ses propos dans le passé, de continuer à occuper ce poste-là et on garde la même position », a répondu le député de la région de Québec Pierre Paul-Hus, jeudi.

Le chef conservateur Pierre Poilievre avait dénoncé sur les réseaux sociaux ses « remarques anti-québécoises, anti-juives et anti-policières ». Dans une autre de ses chroniques, Mme Elghawaby suggérait de désarmer les policiers.

1. Lisez « Des leaders musulmans ont réclamé des excuses à Amira Elghawaby »