(Québec) Les trois députés du Parti québécois ont été refoulés à l’entrée du Salon bleu puisqu’ils n’ont pas prêté allégeance au roi Charles III. Ils devront attendre l’adoption d’une loi rendant facultatif ce serment pour siéger, ce qui pourrait survenir au mieux la semaine prochaine.

« On se dit qu’on va continuer à se tenir debout et on va continuer à respecter le fonctionnement de l’institution. Je ne vous cache pas que j’ai hâte de pouvoir entrer dans le Salon bleu », a lancé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon après une matinée mouvementée où ses deux collègues et lui ont été refoulés aux portes de la Salle de l’Assemblée nationale.

M. St-Pierre Plamondon fonde ses espoirs en une motion adoptée à l’unanimité jeudi par les parlementaires voulant que « le serment d’allégeance au roi devienne facultatif suivant l’adoption rapide d’un projet de loi ».

Là, ce qu’on voit, c’est que tous les partis disent : « On est prêts à l’adopter très rapidement, la loi. » On peut se retrouver dès la semaine prochaine en train de siéger.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Le gouvernement Legault s’est engagé à déposer le projet de loi dès la semaine prochaine, au mieux mardi, ce qui ne laisse que trois jours pour l’adopter. Les travaux parlementaires prennent fin le vendredi 9 décembre pour la pause des Fêtes et ne reprennent qu’en février.

Québec solidaire et les libéraux ont déjà indiqué qu’ils étaient prêts à procéder à son adoption rapide, en l’absence des péquistes, qui ne peuvent siéger. M. St-Pierre Plamondon rejette toutefois l’accusation de faire faire le travail par les autres.

« Avec la pression puis l’émotion qui étaient là ce matin, je pense qu’on fait notre juste part pour faire avancer ce dossier-là », a soutenu le chef péquiste, qui se réjouit d’avoir fait progresser sa cause.

A contrario, les élus de QS ont finalement accepté de prêter serment au roi une dernière fois pour pouvoir changer les règles du jeu. Au premier jour des travaux parlementaires, le parti a d’ailleurs déposé son propre texte législatif visant à reconnaître le serment des députés envers le peuple du Québec comme seul serment obligatoire à leur entrée en fonction.

« Un ordre clair »

Au matin, il y avait de la tension dans l’air à l’entrée de la Salle de l’Assemblée nationale, là où les députés délibèrent et votent les lois. M. St-Pierre Plamondon et les députés de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, et des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, avaient fait savoir qu’ils tenteraient d’entrer dans cette salle sans avoir prêté serment au roi.

Je ne tente pas un coup de force, je pense qu’on devrait nous laisser rentrer parce que j’ai prêté serment au peuple québécois et à sa constitution.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois, ému, marchant vers le Salon bleu

Des dizaines d’attachés politiques de tous les partis attendaient pour voir la scène, et les médias nationaux étaient aux aguets. À son arrivée, il a demandé, tout doucement, presque en chuchotant, à parler à la sergente d’armes alors que le constable spécial en place lui refusait l’entrée.

« J’ai reçu un ordre clair », lui a répondu la responsable de la protection des parlementaires dans la salle des séances et gardienne de la masse. Paul St-Pierre Plamondon avait en main une missive adressée à la nouvelle présidente de l’Assemblée nationale, Nathalie Roy, et faisait valoir qu’il avait été dûment élu aux élections d’octobre.

La présidente dit non

Les trois péquistes tentaient de forcer la main de Mme Roy, nouvellement élue à la présidence. L’ancien président François Paradis avait déjà signifié son opposition à l’entrée de députés non assermentés le mois dernier. Les péquistes remettaient toutefois en question sa légitimité, puisqu’il n’était plus élu.

Mais ce fut sans succès. Mme Roy a repris le même refrain que son prédécesseur : on ne peut pas modifier une loi par une motion parlementaire, comme le demande le Parti québécois, a-t-elle réitéré. Elle ne remet pas en doute la décision rendue par M. Paradis, même s’il n’était plus élu. Il a pris cette décision pour donner de la « prévisibilité » aux élus.

Quelques minutes plus tôt, le premier ministre François Legault avait coupé court au suspense en soutenant que de siéger sans avoir prêté serment au roi « pourrait avoir un impact sur les lois qu’on a ».

Une version antérieure de ce texte indiquait erronément que le gouvernement pourrait au mieux présenter son projet de loi mercredi alors qu’il pourrait le faire mardi.

Un député libéral contre la monarchie

Est-ce qu’un vent antimonarchiste souffle sur le Québec ? Le député libéral André Fortin a même révélé qu’il voterait oui à un référendum pour rompre avec la monarchie au Canada. « Personnellement ? Oui. Personnellement, je suis prêt. Je ne sens pas une allégeance particulière au roi d’Angleterre. […] Je ne parle pas au nom du Parti libéral. Vous me demandez, comme individu, comment je me positionnerais dans un référendum sur cette question-là. Bien, voilà la réponse », a-t-il lancé à la presse parlementaire.

« Je pense qu’on est dus pour une conversation sur l’importance qu’on y accorde, sur le rôle que la monarchie a dans notre système canadien. Il y a d’autres pays qui l’ont eue, cette conversation-là. Si l’Australie est capable d’avoir une conversation qui mène jusqu’à un référendum sur cette question-là, je ne vois pas pourquoi le Canada serait incapable d’avoir une telle conversation », a-t-il ajouté.

Charles Lecavalier, La Presse