(Québec) Le gouvernement Legault refuse de resserrer dès maintenant la loi visant à empêcher toute personne reconnue coupable d’infraction ou d’inconduite à caractère sexuel d’accéder à des postes électifs et de direction. Une proposition soumise par les libéraux dans la foulée de la démission de l’ex-président de la FTQ-Construction Rénald Grondin.

Le gouvernement Legault a rejeté l’amendement du Parti libéral du Québec (PLQ), qui voulait profiter de l’étude du projet de loi 4, qui vise à renforcer la gouvernance des sociétés d’État, pour modifier la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, communément appelée la loi R-20.

Les troupes libérales réclament un resserrement de la loi R-20 pour éviter qu’une situation comme celle impliquant l’ex-président de la FTQ-Construction ne se reproduise. Rénald Grondin est parvenu à gravir les échelons du plus grand syndicat de la construction au Québec même s’il avait harcelé et agressé sexuellement une secrétaire pendant deux ans à l’époque où il était directeur général du local AMI.

« Une belle opportunité de rebâtir la confiance »

L’affaire avait fait l’objet d’une décision de la Commission des lésions professionnelles en 2012, dont La Presse a révélé l’existence en avril dernier1. M. Grondin a démissionné dans les heures ayant suivi la publication du reportage.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE VIDÉO

Rénald Grondin

La FTQ et la FTQ-Construction ont par la suite déclenché une enquête pour déterminer comment Rénald Grondin avait pu accéder à la présidence du syndicat malgré cette décision.

« Le gouvernement avait une belle opportunité de rebâtir la confiance », a déploré jeudi la députée libérale Isabelle Melançon à la période de questions.

« Malheureusement, il a rejeté l’idée du revers de la main, sans argumentation et sans proposition d’un nouveau libellé. L’enjeu est pourtant simple, il y a eu une situation à FTQ-Construction, personne ne veut voir une situation pareille se reproduire. Le gouvernement avait la possibilité de légiférer. Il a refusé », a-t-elle ajouté, talonnant le ministre des Finances, Eric Girard, dont relève le projet de loi 4.

Pas le bon moment, selon Eric Girard

« Ce qu’on fait, c’est moderniser la gouvernance des sociétés d’État. La Commission de la construction du Québec n’est pas une société d’État, mais on veut améliorer sa gouvernance. Vous amenez un amendement dont la portée, le mérite, les principes s’appliqueraient à l’ensemble de la société, l’ensemble de l’industrie de la construction », a répondu M. Girard, expliquant que le moment n’était pas le bon.

« Il faut qu’on fasse un travail en détail, qu’on regarde la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur les normes du travail. Il faut qu’on fasse une réflexion, ce n’est pas juste lancer un amendement comme ça pour faire de la politique avec ça », a-t-il ajouté au Salon bleu.

Les libéraux voulaient qu’on ajoute à la loi R-20 un article rendant « toute personne reconnue coupable ou responsable, par toute instance, au Canada ou ailleurs, de crimes, d’infraction ou d’inconduites à caractère sexuel ou en matière de harcèlement » inadmissible à « une fonction de direction ou de représentation » dans une association de salariés et une association représentative, comme un syndicat.

La loi R-20 empêche déjà des personnes déclarées coupables de certains crimes d’occuper des fonctions électives dans un syndicat. Mais, en ajoutant la notion d’une personne « responsable » de crimes ou d’inconduites à caractère sexuel ou en matière de harcèlement, la motion libérale proposait d’aller plus loin.

C’est la députée libérale et ex-ministre du Travail Lise Thériault qui avait présenté cette proposition dans les jours suivant la démission de Rénald Grondin, à la fin d’avril. Le ministre Jean Boulet s’était alors dit d’accord « sur le principe », mais avait déjà prévenu qu’il n’entendait pas apporter des amendements à la loi sans avoir en main les conclusions de l’enquête externe menée sur l’affaire Grondin.

« Quant à des amendements potentiels à la loi sur les relations de travail dans l’industrie de la construction, je ne suis pas fermé. Il y a des réflexions à faire, mais il va y avoir une enquête. Alors, souhaitons qu’elle soit la plus approfondie possible et qu’elle va nous permettre de compléter notre réflexion », avait assuré le ministre du Travail. « S’il y a des amendements à faire, on va s’assurer de les faire », avait-il ajouté.

1. Lisez « Président de la FTQ-Construction : il a gravi les échelons malgré des agressions »