(Québec) La décision du gouvernement Legault de bannir l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures n’est même pas digne d’une république bananière, juge le PDG de la gazière albertaine Questerre, qui compare plutôt le Québec aux anciennes républiques soviétiques.

« J’ai fait affaire avec des républiques bananières, en Amérique du Sud et en Afrique, et je peux vous dire que jamais elles n’auraient fait ça. Pour faire une comparaison, il faut penser aux anciennes républiques soviétiques », dénonce Michael Binnion, en entrevue avec La Presse.

Questerre possède des droits d’exploration des hydrocarbures dans les basses terres du Saint-Laurent, et souhaite les exercer, notamment en mettant de l’avant un projet pilote en partenariat avec le Conseil des Abénakis de Wôlinak dans la région de Bécancour.

L’entreprise veut développer une technologie expérimentale de captage et de stockage de CO2 qui compenserait les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la production de gaz naturel, et sans usage de « fluides toxiques » ou de fracturation hydraulique. Avec ce projet, M. Binnion croit avoir atteint une forme d’acceptabilité sociale. « On répond à toutes les demandes formulées par Québec. J’ai écouté les environnementalistes, j’ai bien écouté les gens de Québec. On est le concepteur d’un nouveau projet avec zéro émission, zéro fluide toxique, zéro [fracturation] », dit en français l’entrepreneur albertain.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Michael Binnion, PDG de la gazière Questerre

Mais le gouvernement Legault n’a pas l’intention d’autoriser ce projet pilote. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a déposé la semaine dernière un projet de loi qui mettrait officiellement fin à l’exploitation et à la prospection de gisements de pétrole et de gaz au Québec. « On a pris un engagement clair, un engagement cohérent avec nos ambitions en matière de transition énergétique ici, au Québec. Pour nous, l’avenir, c’est l’énergie renouvelable, c’est l’énergie verte, c’est l’énergie propre », a expliqué M. Julien la semaine dernière.

« Confiscation »

Le projet de loi prévoit également que les entreprises bouchent les puits existants. En contrepartie, le gouvernement Legault propose une somme globale de 100 millions pour indemniser l’industrie, qui inclut un remboursement de 75 % des frais pour fermer les puits existants, ainsi que le remboursement des frais d’exploration entre 2015 et 2021.

« Ce n’est pas une compensation, c’est une confiscation », réplique M. Binnion.

Imaginez : le gouvernement veut construire une autoroute et exproprie votre maison. Mais il vous demande de la démolir vous-même, en vous disant : je vais te rembourser 75 % des frais. Et en plus, il ne te donne pas la pleine valeur de ta maison, mais te propose le remboursement des frais courants des dernières années.

Michael Binnion, PDG de la gazière Questerre

L’homme d’affaires affirme que Questerre est venue faire de la prospection il y a près de 20 ans à la demande du gouvernement du Québec. « Ils nous ont demandé de venir au Québec pour trouver du gaz. Et nous avons fait la découverte d’un très riche gisement », souligne-t-il. L’entreprise, dit-il, a dépensé 175 millions au Québec depuis 20 ans, seulement en coûts directement liés aux opérations d’exploration. C’est sans compter les coûts en administration et en communication. En procédant ainsi, le Québec va nuire à son image et va refroidir les investisseurs étrangers, croit M. Binnion, qui n’hésitera pas à en parler aux fonds d’investissement avec qui il collabore, notamment en Norvège.

Même si tous les partis à l’Assemblée nationale sont d’accord sur le principe du projet de loi déposé par la Coalition avenir Québec, M. Binnion n’entend pas baisser les bras et va continuer sa bataille pour exploiter les ressources gazières de la vallée du Saint-Laurent. Il accuse le gouvernement Legault d’avoir une vision « passéiste » et souligne que malgré la loi, le Québec consommera toujours des hydrocarbures. Ils proviendront tout simplement d’ailleurs. « C’est un bon projet, à proximité des centres de consommation. Je suis passionné, je pense que c’est la bonne chose à faire », dit-il.

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    Nombre de permis d’exploration qui seraient éliminés par le projet de loi mettant fin à la production d’hydrocarbures au Québec. Le Parti libéral et le Parti québécois sont d’accord avec le principe, mais ils aimeraient réduire au minimum l’indemnisation accordée à l’industrie. Québec solidaire refuse pour sa part toute forme d’indemnisation.
    SOURCE : MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE ET DES RESSOURCES NATURELLES