(Ottawa) Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada, Sean Fraser, a pour la première fois offert, mais du bout des lèvres, un échéancier pour l’atteinte de l’objectif d’accueillir 40 000 réfugiés afghans.

Deux ans.

Mais attention : « il s’agit d’une estimation », a insisté le ministre, rappelant que la situation sur le terrain est hautement instable et que son intention demeure de tout faire pour accueillir ces gens le plus rapidement possible.

« Dans la mesure où nous avons la capacité de déplacer n’importe qui plus rapidement que ce qui est prévu maintenant, nous allons le faire aussi rapidement qu’il est humainement possible », a enchaîné le nouveau titulaire du portefeuille.

La pression sur les épaules du ministre s’est accentuée au cours des derniers jours. Jusqu’à présent, il avait toujours refusé de fixer ce qu’il qualifiait de « date artificielle » pour l’atteinte de la cible, dont on reste encore bien loin.

Les conservateurs ont d’ailleurs réclamé la mise sur pied d’un comité parlementaire spécial qui serait chargé d’examiner la réponse tardive du gouvernement canadien à la chute de Kaboul aux mains des talibans, à la mi-août.

Le comité en question prendra vie, les députés de la Chambre des communes ayant majoritairement voté en faveur de sa création, mercredi après-midi. Les libéraux qui prenaient part au vote s’y sont opposés, ce qui a inspiré des accusations de « camouflage » au chef du Parti conservateur, Erin O’Toole.

« Justin Trudeau et son gouvernement libéral ont voté pour dissimuler des documents qui révéleraient toute l’histoire de leur inaction dans les années et les mois qui ont précédé la chute de l’Afghanistan. Il a choisi une élection pour lui plutôt que des innocents », a-t-il pesté par voie de communiqué.

La capitale afghane, Kaboul, est tombée le 15 août. L’élection fédérale a été déclenchée le 13 août.

Le ministre défend la gestion libérale

Dans les couloirs du parlement, quelques heures plus tôt, le ministre Fraser n’a pas voulu s’étendre sur le passé. Il a cependant soutenu que même si « tout le monde savait que la situation était précaire en Afghanistan », la chute de Kaboul est survenue « beaucoup plus vite qu’on ne s’y attendait », a-t-il plaidé en mêlée de presse après la rencontre hebdomadaire du caucus libéral.

La clarté du recul est un luxe, mais pour le moment, mon objectif est d’amener autant de personnes ici le plus rapidement possible en manœuvrant au gré des contraintes des facteurs situationnels.

Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada

En l’espace de près de quatre mois, un peu plus de 4000 réfugiés sont arrivés au Canada. Le ministre espère que la cadence ira en augmentant. Il a souligné le fait que, plus tard cette semaine, un vol nolisé avec à son bord environ 520 réfugiés arrivera en sol canadien.

Et Sean Fraser a rappelé que le gouvernement canadien doit composer avec un gouvernement taliban qui ne montre aucun signe de collaboration – et même s’il le voulait, il « ne sait pas comment gouverner » et « ne sait pas comment gérer un aéroport ».

À ces difficultés logistiques s’ajoutent notamment des problèmes du côté de la machine bureaucratique. Des demandes restent lettre morte, et les personnes vulnérables, dont les interprètes qui ont soutenu les Forces armées canadiennes ou des journalistes pendant la mission en Afghanistan, se sentent abandonnées.

Un contexte de famine « sans précédent »

Le gouvernement Trudeau reconnaît qu’il doit appuyer sur l’accélérateur. En revanche, le ministre Fraser rappelle régulièrement que l’opération d’accueil de réfugiés syriens de 2015 et 2016 n’est pas comparable à celle qui est présentement en branle.

La situation sur le terrain est critique. À l’approche d’un hiver que l’on promet rude et à l’issue d’une période de récoltes qui a été plombée par une sécheresse, la famine guette des millions d’Afghans, s’alarme-t-on aux Nations unies.

Vendredi dernier, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré qu’à l’approche de l’hiver, éviter une famine généralisée était « une priorité immédiate » dans un contexte de famine « sans précédent » en Afghanistan.

Le HCR a lancé un appel pour un soutien accru aux 3,5 millions de personnes déplacées par le conflit en Afghanistan, dont 700 000 pour la seule année 2021. « Les gens n’ont pas assez à manger, et c’est très visible », a souligné le porte-parole de l’agence onusienne, Babar Baloch.

Info complémentaire

23 millions

Près de 55 % de la population afghane est confrontée à des « niveaux extrêmes de faim ». De ces 23 millions d'Afghans, près de 9 millions sont menacés de famine.

Source: Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)