(Ottawa) Le Parti conservateur réclame la création d’un comité parlementaire spécial chargé d’examiner la réponse tardive du gouvernement canadien à la chute rapide de Kaboul aux mains des talibans à la mi-août.

Les libéraux de Justin Trudeau se sont engagés à rapatrier 40 000 réfugiés afghans à la suite du retour au pouvoir des talibans. Jusqu’ici, quelque 4000 réfugiés ont été rapatriés, soit environ 10 % de l’objectif, et le ministre de l’Immigration Sean Fraser refuse de fixer un échéancier pour respecter cet engagement.

Le chef conservateur Erin O’Toole a soutenu lundi qu’une enquête parlementaire s’impose pour faire la lumière sur la gestion inadéquate, selon lui, de l’opération visant à rapatrier les réfugiés afghans. Son parti va déposer une motion à la Chambre des communes mardi afin de créer le comité. Ce comité aurait le pouvoir de convoquer comme témoins le premier ministre Justin Trudeau et certains de ses ministres, notamment la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, et le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, entre autres ministres.

L’ancien ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, pourrait aussi être convoqué afin de répondre aux questions des membres du comité. Enfin, le comité devrait soumettre un rapport dans un délai de six mois.

Pour ses travaux, le comité pourrait par ailleurs réclamer des documents tels que des procès-verbaux, des courriels, des notes et tous les autres documents du Bureau du Conseil privé, du ministère de la Défense nationale, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, et du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, ainsi que du bureau du premier ministre et des bureaux ministériels concernés au sujet du début de la planification de l’évacuation et des directives de mise en œuvre des plans d’évacuation

« Des Afghans sont à risque en ce moment en Afghanistan parce qu’ils ont aidé le Canada. Les conservateurs demandent la création d’un comité spécial pour examiner la chute de l’Afghanistan aux mains des talibans. Nous allons demander au gouvernement Trudeau de rendre des comptes pour ses échecs », a soutenu M. O’Toole lors d’une conférence de presse.

« Le gouvernement Trudeau avait des mois pour se préparer à l’éventuel retrait des troupes américaines de l’Afghanistan, pour planifier ce que cela pouvait signifier pour les Canadiens qui se trouvaient sur le terrain et les Afghans aussi qui se sont battus aux côtés des Canadiens. Le gouvernement libéral a rapatrié moins de 10 % des réfugiés afghans qu’ils ont promis de ramener au Canada. […] Ce comité va aider les Canadiens à comprendre pourquoi le gouvernement a échoué dans sa réponse », a-t-il ajouté.

Le Canada n’a reçu qu’environ 4000 réfugiés depuis la chute de Kaboul, à la mi-août. Même en additionnant les quelque 1700 personnes qui ont été approuvées et qui patientent dans un pays tiers – la plupart au Pakistan – et les près de 9300 Afghans toujours dans leur pays qui ont reçu leur feu vert, on est loin du compte.

La semaine dernière, le Parti conservateur est monté au front durant la période des questions à la Chambre des communes pour fustiger cette lenteur à secourir les personnes vulnérables – femmes leaders, minorités religieuses et ethniques, défenseurs des droits de l’homme – ainsi que les centaines d’interprètes qui ont servi aux côtés des Forces canadiennes pendant la mission en Afghanistan.

Lors de la dernière campagne électorale, les libéraux avaient revu à la hausse leur cible initiale d’accueil de réfugiés de l’Afghanistan, qui est passée de 20 000 à 40 000 dans leur plateforme. Aucun échéancier précis n’a été fixé, contrairement à ce qui avait été fait en 2015 dans le cas des réfugiés syriens. Tout au plus a-t-on prévu de l’argent pour le programme (350 millions) jusqu’à 2022-2023 dans le document.

En entrevue avec La Presse, il y a deux semaines, le ministre Sean Fraser a plaidé qu’en raison des défis sur le terrain, il ne voulait pas faire miroiter une date « artificielle » aux personnes désireuses de se rendre au Canada et à leurs proches.

Le Canada continue à envoyer de l’aide humanitaire en Afghanistan, où les conditions se dégradent.

Plusieurs organisations, dont les Nations unies, préviennent de l’imminence d’une crise humanitaire grave, alors qu’une vaste majorité de la population n’a pas suffisamment à se mettre sous la dent, et que l’hiver approche.

Aucun centime n’est versé directement au régime taliban, a-t-on indiqué chez Affaires mondiales Canada.

« Le Canada ne fournit pas de financement d’aide humanitaire au gouvernement de l’Afghanistan. Le financement de l’aide humanitaire est alloué directement à des partenaires expérimentés tels que l’ONU, la Croix-Rouge et des ONG spécialisées ayant la capacité opérationnelle de répondre à ces besoins », a déclaré dans un courriel une porte-parole du ministère, Geneviève Tremblay.

Au début 2021, alors que le retrait des troupes américaines était annoncé, Ottawa a versé 27,3 millions. À cette enveloppe s’ajoute une autre de 50 millions supplémentaires, annoncée en août dernier, pour l’Afghanistan et les pays avoisinants, a ajouté la porte-parole.