(Ottawa) Le Parti vert fait face à un sérieux « post-mortem » à l’issue d’un scrutin qui a anéanti ses espoirs de croissance, après une année entachée de conflits internes, estiment d’anciens et de nouveaux dirigeants du parti écologiste.

La cheffe, Annamie Paul, a elle-même terminé quatrième dans sa circonscription de Toronto-Centre. Et mercredi, le parti comptait seulement deux élus – un de moins qu’en 2019. Après 38 ans d’existence, le Parti vert a aussi subi une baisse marquée des suffrages exprimés, à 2,3 %, contre 6,55 % en 2019.

Les partisans de Mme Paul affirment que le manque de ressources et les mises à pied au sein du personnel politique ont entravé toute tentative de campagne nationale coordonnée.

La cheffe a à peine quitté sa circonscription torontoise, alors que le financement de 250 000 $ qui avait été réservé à sa campagne locale a ensuite été refusé par les instances du parti, selon quatre sources haut placées. Le parti avait contracté un prêt de 1,3 million pour sa campagne plus large, selon trois de ses sources, qui n’ont pas été autorisées à s’exprimer publiquement sur la question.

Une lutte acharnée pour le pouvoir entre la cheffe Paul et les membres du Conseil fédéral, principale instance dirigeante du parti, a perduré pendant des mois juste avant la campagne électorale. Cette lutte intestine et très publique a culminé avec des tentatives pour évincer Mme Paul, projetant l’image d’un parti en pleine déroute. Au milieu de cette tourmente, seulement 252 candidats ont porté les couleurs du Parti vert, sur 338 circonscriptions.

Une lueur d’espoir a toutefois émergé lundi avec l’élection du candidat vert Mike Morrice dans Kitchener-Centre, en Ontario. Et plus de 7000 bulletins de vote par correspondance sont toujours dépouillés dans Nanaimo-Ladysmith, en Colombie-Britannique, où le député vert Paul Manly mène une lutte à trois plutôt serrée avec les candidates néo-démocrate et conservatrice. L’ancienne cheffe des verts, Elizabeth May, a été réélue lundi dans Saanich-Gulf-Islands, en Colombie-Britannique.

Se réinventer

Le Parti vert devra maintenant trouver des façons de faire mieux, estiment des sympathisants. L’ex-directrice par intérim Anik Lajoie croit qu’il faut recadrer le parti et donner plus de pouvoirs au chef, tandis que d’autres mettent l’accent sur une reconnexion avec la base militante.

« Ils ont besoin d’un leader et non d’un porte-parole », a déclaré Mme Lajoie, faisant référence au nombre de membres qui veulent être califes à la place du calife. « En ce moment, tout le pouvoir est concentré au Conseil fédéral : je comprends que ce parti est basé sur les militants et les membres, mais à un moment donné, lorsque vous avez un chef, vous devez le laisser diriger. »

Mme Lajoie souhaiterait également plus de travail sur le terrain et une véritable approche professionnelle des communications. « Ils ne savent même pas comment organiser une conférence de presse, avoir les bonnes bannières, le bon angle », a-t-elle déploré, se rappelant un évènement à Québec en 2019.

« Où est le Facebook Live ? Où est la caméra ? Où est telle chose ? “Je ne sais pas. On n’a pas ça. Ah, on a besoin de ça ?” », se souvient péniblement Mme Lajoie. « C’était ridicule… C’est comme s’ils ne voulaient pas jouer le jeu. »

D’autres piliers des verts estiment que la solution réside notamment dans une meilleure utilisation de l’énergie militante et non dans la structure décentralisée du parti ou son image sans flafla.

« Ce Parti vert peut se reconstruire et redevenir pertinent en devenant un véritable mouvement d’un océan à l’autre », a écrit Samuel Moisan-Domm, ancien membre du Conseil fédéral. « Il faudra renouer avec notre base et libérer efficacement » cette énergie. « Pensez et agissez comme un mouvement ! »

M. Moisan-Domm et Mme Lajoie conviennent en tous cas que la plate-forme du parti doit évoluer. « C’est trop souvent incohérent — ou alors ça mène à des demi-mesures », estime M. Moisan-Domm.