(Ottawa) François-Philippe Champagne se montre très satisfait de son sort.

L’élu de Shawinigan est devenu ministre des Affaires étrangères du Canada le 20 novembre dernier. Mais tout comme lorsqu’il était responsable du commerce international, les dossiers des États-Unis lui échappent. Sa collègue Chrystia Freeland garde encore le contrôle sur les affaires américaines.

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Frustrant ? « Non », répond sans hésiter le ministre Champagne, installé dans ses bureaux d’Ottawa pour une entrevue avec La Presse canadienne.

« Et tant mieux si, pendant que Mme Freeland continue de garder cette relation-là bilatérale des enjeux Canada–États-Unis, ça permet au Canada de se projeter, d’avoir cette voix-là, d’être engagé à travers le monde », offre-t-il.

Le ministre ne croit tout de même pas que la relation avec le reste du monde a été négligée pendant que celle qui l’a précédé mettait toutes ses énergies dans la négociation du nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. Il se félicite cependant que le Canada soit « davantage » présent ailleurs dans le monde, maintenant qu’il en est le diplomate en chef.

Il énumère tous les pays et les rencontres internationales dans son calendrier en décembre. Le Japon, l’Allemagne, le Sinaï égyptien, le sommet de l’OTAN… « Quatre continents sur sept en trois semaines ! »

Et lorsqu’on lui demande s’il a pris une décision sur la vente des blindés canadiens à l’Arabie saoudite, il répond « pas encore » et se justifie.

« Ça fait trois semaines. J’ai été trois jours ici. Donnez-moi une chance », sourit-il avec son affabilité habituelle.

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François-Philippe Champagne a accompagné Justin Trudeau au sommet de l'OTAN à Watford, en Angleterre, au début décembre.

Le gouvernement Trudeau a entrepris un examen de ce contrat de vente en octobre 2018, alors que l’assassinat de Jamal Khashoggi stupéfiait la planète.

Un siège au Conseil de sécurité des Nations unies

À peine arrivé dans ses nouvelles fonctions, le ministre Champagne a dû expliquer la décision du Canada de voter en faveur d’une résolution aux Nations unies qui fait des reproches à Israël.

Or, depuis le gouvernement de Paul Martin, Ottawa se range dans un minuscule groupe de pays qui votent contre toute résolution hostile à l’État israélien.

Dix jours après le vote du 19 novembre, le Canada a d’ailleurs, à nouveau, voté contre cinq autres résolutions sur le même thème.

Pourquoi cette seule exception ?

« Sur l’ensemble des résolutions […] c’était celle-là qui était la plus symbolique pour continuer d’exprimer cette politique-là du Canada qui est là depuis des décennies », tente d’expliquer le ministre, en entrevue, faisant référence à la politique officielle du Canada en faveur de la coexistence de deux États.

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Le le ministre Champagne dans son bureau, à Ottawa

« Je pense qu’on l’a fait d’une façon respectueuse qui tient compte des intérêts du Canada au Moyen-Orient », ajoute-t-il. « Je pense que nos amis israéliens comprennent que le Canada, c’est un allié naturel d’Israël, c’est un allié de la communauté juive au Canada. J’ai rencontré le représentant permanent d’Israël à l’ONU […] lorsque j’étais à New York. On s’est expliqué », dit-il.

L’opposition conservatrice au Canada a reproché au gouvernement de tenter, par ce vote, d’obtenir plus d’appuis pour la candidature canadienne à un siège temporaire au Conseil de sécurité des Nations unies.

« Je ne pense pas qu’on peut y voir un dessein plus grand », assure le ministre Champagne qui nie tout lien entre le vote et la campagne pour ce siège, exercice qui se termine dans six mois.

Et il refuse de confirmer l’information selon laquelle, après ce vote, la Jordanie aurait signifié son appui pour la présence du Canada au Conseil de sécurité.

Il est prêt, toutefois, à rapporter l’intérêt des pays francophones pour la candidature canadienne.

« Quand j’étais à New York récemment, j’ai parlé même devant le regroupement des pays francophones. […] Il y a un intérêt particulier de la francophonie à soutenir un pays comme le Canada », raconte-t-il.

Le poids de son ministère

François-Philippe Champagne mesure le poids de son ministère.

« C’est une responsabilité assez unique. […] C’est que les décisions que tu prends peuvent avoir un impact direct sur la qualité de vie ou [même] sur la vie des gens », fait-il remarquer.

Lui qui avait l’habitude depuis 2015 de parler longuement aux journalistes explique ainsi sa nouvelle « prudence ».