(Ottawa) La mère de Jack Letts, aussi connu sous le nom de « Jihadi Jack », a entamé mardi une grève de la faim. Sally Lane s’est installée devant l’édifice qui abrite la Chambre des communes, et elle réclame une rencontre avec la ministre Mélanie Joly, afin de plaider en faveur du rapatriement de son fils coincé dans le nord-est de la Syrie.

À bout de patience, et après avoir possiblement épuisé ses recours judiciaires – la Cour suprême a refusé en novembre dernier d’entendre la cause de son fils et de trois autres hommes qui croupissent dans un centre de détention du Nord-Est syrien –, la mère a décidé de prendre les grands moyens pour se faire entendre.

La publication d’un rapport d’Amnistie internationale a été « la goutte qui a fait déborder le vase », explique-t-elle en entrevue.

Selon ce document publié en avril, les autorités autonomes de la région sont responsables des violations de grande ampleur des droits de plus de 56 000 personnes sous leur garde – soit environ 11 500 hommes, 14 500 femmes et 30 000 enfants enfermés dans au moins 27 centres et deux camps de détention, al-Hol et Roj.

On y apprend aussi que, selon des représentants des Forces démocratiques syriennes (FDS), un ou deux hommes et garçons mouraient chaque semaine de la tuberculose. Ces prisons, la Croix-Rouge n’a plus le droit de les visiter depuis plus de deux ans, s’inquiète Sally Lane.

« Quand j’ai appris cela, je me suis dit que j’avais tout essayé, que rien ne fonctionnait, et que je devais faire quelque chose de draconien », laisse tomber celle qui ne croit pas que son fils était un combattant de Daech (le groupe armé État islamique).

Les soupçons qui pèsent sur lui viennent en bonne partie d’un article publié dans un journal britannique, dont l’auteur a rebaptisé Jack Letts « Jihadi Jack », explique-t-elle.

Il est écrit que Jack m’a appelée pour me dire qu’il s’était joint à Daech. C’est complètement faux.

Sally Lane

Elle estime que son fils a droit d’être jugé par un tribunal. « C’est pour cela qu’il doit être rapatrié », dit-elle.

Une rencontre pour cesser la grève

« Je vais mettre fin à ma grève de la faim si [la ministre des Affaires étrangères] Mélanie Joly accepte de me rencontrer pour discuter de l’enjeu du rapatriement. Cela fait quatre ans que je suis à Ottawa, et personne au sein du gouvernement ne m’a rencontrée », expose-t-elle.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly

« Affaires mondiales Canada continue d’évaluer au cas par cas l’octroi d’une aide extraordinaire, y compris le rapatriement au Canada », a-t-on indiqué dans un courriel, jeudi, sans aborder directement le cas de Jack Letts ou la demande de Sally Lane.

« Les agents consulaires canadiens restent activement engagés auprès des autorités kurdes syriennes et des organisations internationales opérant dans la région, ainsi que les groupes de la société civile pour obtenir l’information sur les citoyens canadiens en détention », a-t-on ajouté.

Sally Lane dit tout de même avoir eu vent de la possibilité d’une rencontre avec le secrétaire parlementaire de la ministre, Rob Oliphant.

Cela la satisferait, et elle recommencerait à s’alimenter, signale-t-elle.

Les procédures judiciaires

Le gouvernement a contesté devant les tribunaux l’ordre de rapatrier Jack Letts ainsi que trois autres citoyens canadiens détenus dans la région autonome contrôlée par les forces kurdes.

Un jugement de première instance a donné tort au gouvernement. Le juge de la Cour fédérale Henry Brown avait ordonné à Ottawa de rapatrier les Canadiens soupçonnés d’être d’anciens combattants du groupe État islamique.

La Cour d’appel fédérale a toutefois invalidé le jugement, le juge David Stratas déterminant que le Canada n’était « pas responsable de la présence des intimés dans le nord-est de la Syrie, ne les a pas empêchés d’entrer au Canada et n’a pas causé ni prolongé la fâcheuse situation dans laquelle ils se trouvent ».

La Cour suprême a refusé d’entendre l’appel, sans expliquer les motifs de ce refus, comme à son habitude.