(Québec) Le Canada en fait-il assez pour aider l’Ukraine à défendre son territoire face à l’agression de Vladimir Poutine ? Après bientôt deux ans de guerre, des chercheurs de l’UQAM concluent qu’Ottawa poursuit avant tout « une politique d’image » en Ukraine, où l’objectif principal est d’être perçu « comme un allié fiable ».

Dans un ouvrage collectif à paraître la semaine prochaine aux Presses de l’Université Laval, un chapitre passe sous la loupe l’aide canadienne à Kyiv. Les auteurs, Justin Massie et Nicolas-François Perron, soutiennent que loin d’être un leader dans le camp atlantiste, Ottawa se contente de suivre les positions de ses alliés et d’offrir un soutien militaire « très modeste » à l’Ukraine.

« L’objectif convoité par le Canada réside davantage dans le fait d’être perçu comme un allié fiable que toute autre considération, incluant la victoire de l’Ukraine contre l’agression russe », conclut le chapitre contenu dans l’ouvrage collectif Le Canada à l’aune de la guerre en Ukraine, qui paraît le 7 février.

« Le Canada poursuit une politique d’image, où brandir l’unifolié constitue le principal objectif convoité », écrivent les deux experts.

Pour en arriver à ces conclusions, les auteurs se basent en partie sur les travaux du Kiel Institute, lequel fait un travail de moine depuis le début du conflit pour recenser et compter l’aide des alliés à l’Ukraine.

Le Canada a offert une aide financière importante, sous forme de prêts. Mais si on tient compte de l’aide globale (financière, humanitaire et militaire) en rapport à son PIB, Ottawa se retrouve 31e sur 39 pays.

À certains chapitres, on se compare au Portugal en termes d’aide militaire qu’on envoie !

Justin Massie, professeur titulaire de science politique à l’UQAM

Les auteurs remarquent que le Canada a adopté un discours « maximaliste », assurant soutenir son allié « aussi longtemps qu’il le faudra » avec une conviction « inébranlable ». « Comment expliquer ce décalage entre la parole et les actes ? », se demandent-ils.

Selon eux, il s’agit d’une continuation de « l’atlantisme bon marché » du Canada. Rappelons que le Canada s’est engagé en 2014, comme ses alliés de l’OTAN, à augmenter son budget militaire à 2 % de son PIB. Ces dépenses atteignaient 1,31 % du PIB canadien au début de 2023, une situation que Washington ne cesse de déplorer.

Ottawa en fait selon eux tout juste suffisamment en Ukraine pour être perçu comme un « allié fiable ». Justin Massie note aussi que la production d’obus de 155 mm – fabriqués dans des usines québécoises – n’a pas augmenté au pays depuis le début de la guerre, même si les Ukrainiens ne cessent d’en demander à leurs alliés.

L’expert pense qu’il y a peu de conséquences politiques à agir ainsi. « Ce n’est pas une priorité du gouvernement Trudeau, qui semble plus intéressé par les champs de compétence provinciale que par les siennes, si on regarde son bilan », lance M. Massie en entrevue.

« Et pour le chef conservateur Pierre Poilievre, on dirait aussi que la guerre en Ukraine n’existe pas. Il n’y a donc aucune pression sur le gouvernement fédéral pour en faire plus. C’est comme si on vivait dans le déni. Il n’y a pas de coût politique national. »

Un rare livre en français sur le Canada et l’Ukraine

Les francophones qui s’intéressent aux affaires militaires se réjouiront certainement de voir un livre dans leur langue à propos du Canada dans le contexte de la guerre en Ukraine. « L’Ukraine nous donne l’opportunité d’avoir un éclairage sur la réflexion sécuritaire du Canada. On pense qu’il n’y a pas assez de conversations en ce moment sur ces questions », indique en entrevue André Simonyi, professeur en études internationales au Collège militaire royal de Saint-Jean.

M. Simonyi a codirigé Le Canada à l’aune de la guerre en Ukraine avec Frédérick Côté. Ce dernier a servi durant 26 ans comme officier d’infanterie au sein des Forces armées canadiennes. Il fait un doctorat en affaires internationales à l’Université Laval.

« L’invasion de l’Ukraine est une rupture avec la tendance des 30 dernières années », relève M. Côté, qui a d’ailleurs été envoyé en Ukraine en 2019.

« Dans mon doctorat, tous les jours, je lis des textes qui disent que la guerre de l’avenir est la guerre de 4e génération, avec des acteurs à géométrie variable qui ne relèvent pas des États. Est-ce que le Canada pouvait être prêt à une guerre comme celle que l’on voit ? C’est une bonne question. »

Le livre couvre toutes sortes d’angles, tant les implications géopolitiques de l’invasion russe pour le Canada que l’état de sa force de réserve.

Le Canada à l’aune de la guerre en Ukraine : penser la sécurité et la défense dans un monde en émergence

Le Canada à l’aune de la guerre en Ukraine : penser la sécurité et la défense dans un monde en émergence

Les Presses de l’Université Laval

344 pages