(Montréal) La Cour fédérale canadienne a ordonné vendredi au gouvernement de rapatrier quatre citoyens canadiens détenus dans le nord-est de la Syrie depuis des années.

Cette décision intervient alors que le Canada venait tout juste d’annoncer son accord pour rapatrier les 19 autres femmes et enfants impliqués dans ce dossier judiciaire.  

Il s’agirait du plus important rapatriement de familles de djihadistes jamais organisé par le pays et de la première fois que le Canada va permettre à des hommes détenus en Syrie de rentrer.

Les familles des 23 citoyens avaient intenté une action en justice contre le gouvernement canadien, estimant notamment que le refus des autorités de les rapatrier violait la Charte des droits et libertés.

Lawrence Greenspon, un avocat de tous les demandeurs, à l’exception de Jack Letts, a conclu cette semaine un accord avec le gouvernement fédéral pour ramener à la maison six Canadiennes et 13 enfants.

« C’est ce que nous espérions », a déclaré M. Greenspon vendredi.

« Avec l’accord du gouvernement canadien, les femmes et les enfants vont être ramenés à la maison. Et maintenant, à la suite de l’ordonnance de ce juge, les quatre hommes qui se trouvent dans les prisons du nord-est de la Syrie seront également ramenés à la maison par Affaires mondiales Canada. »

« J’ai parlé aux parents et ils sont vraiment très contents », a pour sa part déclaré Barbara Jackman, l’avocate de Jack Letts, un Britanno-canadien converti à l’islam dont Londres a retiré la nationalité et l’un des quatre concernés par la décision de justice.

Le juge « a couvert toutes les questions qui étaient préoccupantes », a ajouté l’avocate, soulignant qu’il ordonne à Ottawa de demander le rapatriement des quatre hommes « dès que cela est raisonnablement possible », mais aussi de leur fournir un passeport d’urgence et d’envoyer un représentant de l’État en Syrie pour les aider.

Dans son jugement, le magistrat a notamment cité leurs conditions de vie « encore plus difficiles que celles des femmes et des enfants que le Canada vient d’accepter de rapatrier » et le fait qu’ils n’ont pas été inculpés ni jugés.

Vendredi matin, le ministère des Affaires étrangères canadien avait indiqué avoir « convenu d’une résolution » pour rapatrier les femmes et les enfants du groupe, excluant ces quatre hommes.

Jusque-là, le gouvernement de Justin Trudeau a traité cette question au cas par cas et, en quatre ans, seule une poignée de femmes et enfants ont été rapatriés.

Depuis la fin en 2019 du « califat » mis en place par l’organisation État islamique (EI), le rapatriement des femmes et des enfants de djihadistes issu de ses rangs est une question très sensible dans de nombreux pays.

De nombreuses ONG dénoncent le manque de courage des gouvernements, alors que ces proches de djihadistes, dont des milliers d’enfants, vivent dans les camps d’al-Hol et Roj, contrôlés par les Kurdes et où la violence est endémique et les privations nombreuses.

Selon Human Rights Watch (HRW), il reste une trentaine de Canadiens, dont 10 enfants toujours dans des camps en Syrie.

Mais « un certain nombre de femmes et d’enfants ont reçu des lettres du gouvernement indiquant qu’ils remplissent les conditions de rapatriement », a toutefois indiqué à l’AFP Farida Deif, directrice de HRW au Canada, ce qui augure davantage de rapatriements.  

Les autorités n’ont pas précisé à quel moment les 23 hommes, femmes et enfants seraient rapatriés et n’ont donné aucune indication sur les possibles poursuites qu’elles pourraient engager contre eux à leur retour sur le territoire canadien.

En octobre dernier, le Canada avait rapatrié deux femmes et deux enfants détenus en Syrie. En 2020, Ottawa avait permis le retour d’une fillette orpheline de 5 ans, après que son oncle eut intenté une action en justice contre le gouvernement canadien.

Avec La Presse Canadienne