Après plus de cinq ans de travail, le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) a finalement remis ses rapports sur les fuites de documents sensibles de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et l’arrestation sans mise en accusation par cette même unité du député libéral Guy Ouellette. Des procureurs analyseront maintenant la preuve afin de déterminer si des personnes seront accusées en lien avec cet interminable feuilleton.

« Aujourd’hui, le 19 avril 2024 […], le BEI a complété la transmission de l’ensemble des rapports réalisés dans la poursuite de son mandat », confirme l’organisme sur son site web. Les rapports ont été remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) pour analyse. Selon nos informations, la documentation fait plus de 1000 pages, sans compter les annexes.

L’enquête du BEI, baptisée Projet Serment, avait été déclenchée à la demande du gouvernement Legault en octobre 2018, mais elle ne s’était vraiment mise en branle qu’à partir de janvier 2019. Elle visait à faire la lumière sur une série d’irrégularités qui ont mené à l’avortement de plusieurs dossiers de l’UPAC. Le BEI souligne notamment sur son site web qu’entre novembre 2011 et septembre 2018, de nombreuses fuites d’informations sur les enquêtes anticorruption « ont eu des conséquences sur ces enquêtes ainsi que sur le processus judiciaire ».

Des renseignements personnels divulgués

En 2017, les médias de Québecor avaient publié plusieurs documents sensibles issus d’une enquête de l’UPAC sur le financement du Parti libéral du Québec. Les documents concernaient notamment l’ancien premier ministre Jean Charest. Cette enquête sur le financement politique n’a jamais abouti et M. Charest a été dédommagé par l’État québécois à la suite de la divulgation de ses renseignements personnels.

Le commissaire de l’UPAC de l’époque, Robert Lafrenière, avait promis d’arrêter le « bandit » à l’origine de ces fuites. En octobre 2017, ses enquêteurs avaient procédé à l’arrestation du député libéral Guy Ouellette, ainsi que d’un policier actif et un autre retraité, en lien avec ces fuites. Mais l’année suivante, sans même que des accusations aient été portées contre les trois hommes, le DPCP avait reconnu la nullité des mandats lancés contre eux.

M. Lafrenière a démissionné le jour de l’élection de la CAQ au pouvoir et le nouveau commissaire de l’UPAC a présenté des excuses officielles à Guy Ouellette.

Impact sur un dossier d’envergure

Les fuites de documents confidentiels ont aussi eu un impact sur un dossier d’envergure lorsque l’ancienne vice-première ministre Nathalie Normandeau et plusieurs autres personnes accusées de fraude ont bénéficié d’un arrêt du processus judiciaire en raison des délais judiciaires et des fuites de documents d’enquête dans la sphère publique.

Le Projet Serment du BEI portait sur deux aspects distincts de l’affaire. Il visait dans un premier temps à trouver les responsables des fuites de documents confidentiels liés aux enquêtes anticorruption, mais aussi à faire la lumière sur la façon dont l’UPAC avait géré ces fuites et procédé à l’arrestation d’un député avant de se voir ses mandats annulés devant la cour. C’est pourquoi deux rapports ont été présentés au DPCP au terme de l’exercice.

Selon des chiffres obtenus en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels auprès des différents organismes impliqués dans l’enquête Serment et compilés par La Presse, celle-ci aurait coûté jusqu’à maintenant au moins 11 millions de dollars.