La lutte accrue au fléau des vols de voitures semble porter ses fruits. Après une explosion en 2023, le nombre de véhicules dérobés à Montréal a diminué de 30 % à Montréal depuis le début de l’année. La police y voit le signe que ses opérations fonctionnent, mais prévient toutefois qu’il est encore beaucoup trop tôt pour crier victoire.

Ce qu’il faut savoir

Le nombre de véhicules volés a diminué de 30 % entre le premier trimestre de 2023 et celui de 2024.

Le Service de police de la Ville de Montréal trouve ce constat encourageant, mais ne se réjouit pas trop vite.

La période où les vols sont le plus nombreux est généralement la saison estivale.

« Il est trop tôt naturellement pour parler d’une tendance durable, mais je crois qu’on peut quand même y voir le résultat combiné des opérations policières, des efforts de la prévention de la population et de l’ensemble des partenaires concernés », a témoigné jeudi le commandant au Service des enquêtes criminelles du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Yannick Desmarais, devant un comité fédéral à Ottawa qui se penche sur le fléau.

En marge de son témoignage, le policier a rapporté que 1870 véhicules avaient été volés entre le 1er janvier et le 30 mars 2024. C’est 30 % de moins que le bilan de 2673 vols enregistrés durant la même période en 2023.

Comme la baisse ne couvre que la période de janvier à mars, il importe de souligner que le vol de véhicules est moins élevé durant cette période hivernale. C’est en effet davantage au printemps et en été, d’avril à septembre, que ce type de crime est plus répandu.

Reste que cette baisse marque un revirement important de la tendance à la hausse observée depuis le début de la pandémie. En 2023, tout près de 12 000 véhicules avaient été volés dans la métropole québécoise, en hausse de 22 % par rapport à 2022. Au total en 2023, plus de 535 arrestations pour vol de véhicules ont été effectuées à Montréal et 6835 véhicules volés ont été retrouvés.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Vols de véhicules à Montréal

Depuis la tenue en février d’un Sommet national sur le vol de véhicules, les actions policières contre le vol de voitures se sont en effet intensifiées. Un réseau de voleurs a notamment été démantelé en février dernier et plusieurs opérations distinctes ont également eu lieu au port de Montréal. La création d’un corps policier voué à la lutte contre l’exportation de véhicules volés au port de Montréal a même été évoquée.

M. Desmarais affirme que « cette bonne nouvelle ne doit jamais nous faire oublier la capacité d’adaptation des groupes [criminels] ». « La vigilance, ainsi qu’une approche proactive et agile, demeure primordiale si nous désirons maintenir une pression à la baisse », a persisté M. Desmarais.

Une sentence plus lourde

Pour que ces efforts portent leurs fruits, les policiers plaident pour des peines plus sévères. En comité jeudi, M. Desmarais a indiqué que ses équipes « vont toujours être ouvertes à des sentences plus importantes ». En février, le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, disait craindre que les peines pour vols de véhicules ne restent « infimes compte tenu du fait que ce n’était habituellement pas des crimes violents, perpétrés contre la personne ».

« C’est dangereux pour les policiers, mais aussi pour la population en général, parce que des gens qui s’enfuient peuvent causer du tort à des citoyens qui circulent tout bonnement », avait plaidé Yves Francœur.

Le premier ministre Justin Trudeau avait aussi évoqué la nécessité de peines plus sévères en février dernier, lors du récent sommet, en insistant aussi sur l’interdiction de la vente de dispositifs de piratage des voitures.

Depuis quelques années, la réalité a changé, de l’aveu même des services policiers : le vol de voitures est de plus en plus dangereux pour le public. « Les personnes qui commettent les vols sont prêtes à mettre des vies en danger pour ne pas se faire prendre », a d’ailleurs réitéré jeudi l’inspecteur de la Sûreté du Québec, Michel Patenaude, à Ottawa, comme l’avait précédemment rapporté La Presse.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

L’endroit où un patrouilleur du SPVM a ouvert le feu mercredi sur des voleurs de voitures présumés, dans Notre-Dame-de-Grâce.

Mercredi après-midi, un patrouilleur du SPVM a d’ailleurs ouvert le feu sur des voleurs de voitures présumés qui fonçaient vers lui, près de la station Vendôme, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce.

Plus d’échanges, plus de résultats

Yannick Desmarais, lui, ne cache pas que les policiers travaillant au port de Montréal auront besoin de « pouvoirs supplémentaires » afin de lutter contre les vols, notamment en étant en mesure d’ouvrir les conteneurs plus facilement. Avec l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), « certains documents qu’on doit remplir peuvent freiner des enquêtes dans lesquelles on doit procéder rapidement », a souligné l’enquêteur.

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Le port de Montréal est souvent montré du doigt lorsqu’il est question d’exportation de véhicules volés au Canada.

Au port de Montréal, le directeur de la sécurité, Felixpier Bergeron, a de son côté fait valoir jeudi que des « bonifications » pourraient être apportées en matière d’accès à l’information ou de divulgation de renseignements.

On veut être un participant, on veut les aider autant qu’on peut […], mais actuellement, les policiers ne peuvent pas nous parler ou nous demander une information spécifique, puisqu’on n’a pas le statut “policier”.

Felixpier Bergeron, directeur de la sécurité au port de Montréal

Selon lui, un assouplissement réglementaire « aiderait probablement grandement » les policiers dans leurs enquêtes, afin d’obtenir les informations dont ils ont besoin. « Actuellement, on n’est pas en mesure de les aider », a souligné le gestionnaire.

À son côté, la députée bloquiste d’Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia et membre du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, Kristina Michaud, a suggéré que le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, soit invité à témoigner dans les prochaines semaines. Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, doit passer devant ce comité le 2 mai.