L’ajout d’un deuxième radar photo mobile dans le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine a fait doubler le nombre de contraventions imposées à cet endroit. Mais plus d’un an après la mise en place de cette mesure de surveillance, le nombre d’accidents continue tout de même d’augmenter aux abords du mégachantier.

En mars seulement, plus de 6700 contraventions ont été données par les appareils implantés le long du mégachantier de l’A25, pour un montant total de 2,4 millions. La majorité de ces amendes ont été distribuées par le nouvel appareil ajouté l’hiver dernier en direction nord.

Ce bilan est nettement plus élevé qu’à l’automne dernier, alors que moins de 3000 automobilistes étaient mis à l’amende en moyenne chaque mois. À l’époque, un seul appareil surveillait la circulation dans le chantier, en direction sud, vers Longueuil.

Il faut savoir que depuis un an, le chantier du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine est devenu le secteur le plus lucratif pour les radars photo. Pas moins de 42 214 automobilistes ont reçu une contravention à cet endroit depuis février 2023, pour un total de 17 millions, révèlent les données du ministère de la Justice.

Malgré la surveillance accrue par radar photo, le nombre d’accidents n’a pas diminué.

Dans les trois premiers mois de 2024, le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) a recensé 34 accidents sur l’autoroute 25 dans les deux directions, pour le secteur situé entre la sortie Beaubien et l’entrée ou la sortie du tunnel, du côté de Montréal.

Au début de l’année 2023, le Ministère avait évoqué à La Presse une « vingtaine de collisions » pour la période de janvier et de février, mais cela ne comprenait que la direction sud. Il s’agit néanmoins d’une hausse marquée d’une année à l’autre. « Quand il n’y a pas de trafic le soir, les gens vont trop vite. Et comme il y a des travailleurs 24 heures sur 24, sept jours sur sept, les enjeux de sécurité sont très présents », avait illustré le porte-parole du MTMD, Gilles Payer.

Baisse de vitesse

La présence des appareils semble malgré tout avoir un effet sur la vitesse des automobilistes. En effet, la valeur moyenne des amendes imposées a considérablement diminué ces derniers mois. En mars, l’amende moyenne s’est élevée à 359 $. C’est nettement moins qu’en 2023, année durant laquelle la moyenne à ce chapitre oscillait plutôt autour de 440 $.

La baisse de l’amende moyenne semble indiquer que les automobilistes lèvent de plus en plus le pied de la pédale, même si le problème de la vitesse demeure très aigu dans le tunnel.

À la Sûreté du Québec (SQ), on se réjouit que le radar photo contribue à changer les comportements. « L’objectif de ça était justement de modifier le comportement des automobilistes pour qu’ils réduisent leur vitesse, donc c’est parfait si ça a un effet en ce sens. Positionner une ressource humaine pour atteindre ce but-là, ça aurait été difficilement réalisable, voire même impossible », explique Ann Mathieu, porte-parole de la SQ.

Il reste que les contraventions données par les radars du chantier de l’A25 demeurent très salées en comparaison des autres appareils mobiles, pour lesquels l’amende moyenne s’élève à 174 $. La raison est double : la vitesse a été réduite dans ce secteur autoroutier de 70 à 50 km/h durant les travaux, et le montant des amendes est doublé dans une zone de chantier.

Plus de radars, plus d’impact ?

L’automne dernier, lors du dévoilement de la Stratégie nationale en sécurité routière, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, avait annoncé vouloir miser de plus en plus sur les radars photo pour tenter de ralentir la circulation. Depuis, la ministre s’est donné une cible : atteindre 250 radars photo d’ici 2028.

« Il s’agit d’un moyen efficace et démontré pour améliorer la sécurité sur nos routes et décourager les comportements téméraires, notamment à certains endroits où le risque est plus élevé et où le travail des policiers ne peut se faire de manière sécuritaire, comme dans le tunnel La Fontaine », indique à son tour le cabinet de la ministre.

Québec rappelle avoir déjà lancé un appel d’intérêts pour « recevoir des informations sur les meilleures technologies disponibles dans le monde ».

Selon nos informations, le gouvernement envisage d’acheter des radars plus modernes, qui permettent de prendre une photo d’une voiture à deux endroits sur une route, puis de calculer sa vitesse moyenne en fonction du temps qu’elle a mis à se déplacer entre les deux. Cela éviterait que les voitures ne ralentissent qu’à l’approche d’un radar, avant de repartir en trombe.

Jusqu’ici, on compte une cinquantaine de radars photo au Québec : 30 qui sont fixes et plus de 20 qui sont mobiles. Ces derniers peuvent notamment être placés dans des zones scolaires ou « accidentogènes ». À Montréal, à peine une dizaine de radars sont utilisés, alors qu’à Toronto, à titre comparatif, on en compte déjà 75. Montréal a d’ailleurs réclamé en février de pouvoir reprendre le contrôle sur les radars, afin de déterminer leur nombre et leur emplacement.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse

L’histoire jusqu’ici

31 octobre 2022 : Trois voies sur six du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine sont fermées pour une période de plusieurs années, soit jusqu’en 2025-2026.

Janvier 2023 : Inquiet par la vitesse des automobilistes sur le chantier, Québec installe un radar photo sur le chantier, en direction sud.

Mars 2023 : À peine implanté, le radar photo devient le plus lucratif au Québec.

Janvier 2024 : Le ministère des Transports ajoute un autre radar photo en direction nord, ce qui contribuera à doubler le nombre d'amendes émises aux usagers de la route.

En savoir plus
  • 75 millions
    Les radars photo ont rapporté près de 75 millions de dollars en 2023, nettement plus que les 63 millions récoltés en 2022. Dans les trois premiers mois de 2024, ce sont environ 21,5 millions de dollars qu’ils ont générés dans les coffres du gouvernement du Québec, dont 7,2 millions proviennent du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.
    MINISTÈRE DE LA JUSTICE