Les deux présumés tireurs morts dans une collision, après avoir ciblé deux automobilistes par projectiles d’armes à feu jeudi matin dans les secteurs de Rosemont et du Plateau Mont-Royal, étaient des mineurs âgés de seulement 14 et 16 ans, a appris La Presse.

C’est ce qu’ont indiqué plusieurs sources policières bien au fait du dossier, mais qui ne sont pas autorisées à en parler publiquement. Selon ces informations, les deux jeunes seraient connus des milieux policiers. Officiellement, la Sûreté du Québec (SQ), qui a pris en charge l’enquête, refuse pour le moment de confirmer l’identité ou l’âge des deux personnes impliquées.

Des coups de feu ont d’abord retenti vers 5 h jeudi matin à l’intersection du boulevard Pie-IX et de la rue de Bellechasse, dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie. Les tirs provenaient alors d’un véhicule en mouvement et ont atteint un autre conducteur à l’épaule. Les suspects ont ensuite fui la scène. L’homme ciblé, âgé de 41 ans, s’expliquait mal pourquoi les présumés tireurs s’en sont pris à lui lorsqu’il a été questionné par les forces de l’ordre.

Peu de temps après, un autre automobiliste a été ciblé par des coups de feu, cette fois au coin du boulevard Saint-Joseph et de l’avenue Henri-Julien, dans le secteur du Plateau Mont-Royal. Ce conducteur de 58 ans n’a toutefois pas été touché malgré les coups de feu tirés en sa direction à partir du véhicule suspect.

C’est un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) conduisant son véhicule de patrouille avec gyrophares, en réponse à un appel fait au 911 concernant les tirs, qui aurait repéré le véhicule circulant dangereusement. Il l’a toutefois perdu de vue après une brève poursuite.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le véhicule a terminé sa course contre un arbre sur la rue Saint-Zotique.

Quelques minutes plus tard, alors qu’il était parvenu à semer la police, le véhicule conduit par les suspects a heurté un arbre, rue Saint-Zotique, non loin de la 20Avenue. À l’intérieur de la voiture se trouvaient deux jeunes de 14 et 16 ans, qui avaient d’abord été identifiés comme étant « dans la vingtaine ». L’un des deux mineurs est mort sur place, alors que l’autre a succombé à ses blessures à l’hôpital.

À ce stade-ci de l’enquête, on ignore toujours quelles étaient les motivations des deux jeunes au volant. D’après nos informations, les policiers ont retrouvé au moins une arme de poing dans le véhicule accidenté des suspects. Ceux-ci avaient déjà une conduite erratique avant d’être pris en chasse par des patrouilleurs.

Tout indique que les victimes ont été choisies au hasard. Les deux hommes de 41 ans et 58 ans qui ont été ciblés n’ont aucun lien entre eux et n’ont rien à se reprocher aux yeux des enquêteurs.

Du scoring en cause ?

Le sergent-détective retraité de la division du renseignement du SPVM André Gélinas émet deux hypothèses pour expliquer cette affaire.

« D’abord, ça pourrait être du scoring, donc cette façon de se rehausser au niveau criminel, un genre de rite initiatique, pour faire des points. Si c’est ça, c’est épouvantable, parce que ça veut dire que c’est d’une cruauté incroyable, juste pour joindre un gang ou s’attirer l’attention d’un groupe criminel », dit-il.

« Ensuite, l’autre option, c’est que ça soit de la folie meurtrière, donc quelqu’un qui prend la réalité d’un jeu vidéo pour la réalité. Ça aussi, ça serait drôlement préoccupant », ajoute M. Gélinas, qui envisage aussi que « des questions de santé mentale soient mêlées à tout cela ».

Le fait que les deux jeunes avaient en possession une arme malgré leur âge « est très inquiétant », juge l’ex-sergent. « La police a beau saisir des armes, on a quand même la plus longue frontière terrestre entre deux pays au monde qui est non gardée. Et les États-Unis sont beaucoup plus tolérants sur les armes à feu. Tant que ça va rester ainsi, ça va rentrer », note encore André Gélinas.

Selon lui, « la réponse du gouvernement fédéral n’est vraiment pas adéquate actuellement ». Il estime notamment que la loi C-21, qui a pour but de lutter contre le trafic d’armes illégales à la frontière, « est idéologique et non basée sur une analyse rigoureuse de la situation ».

C’est la SQ qui mène l’investigation. Cela dit, l’intervention des policiers du SPVM fera également l’objet d’une analyse du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), comme le veut le protocole lorsque des personnes meurent en marge d’une intervention policière.

Avec Daniel Renaud et Mayssa Ferah, La Presse